C’est ce qu’on veut bien baptiser l’âge d’or. 101 ans et autant de bougies à souffler aujourd’hui pour un doyen des pelotons qui ne manque pas de souffle. En l’espace de quelques mois, Robert Marchand est devenu une icône. Un vrai personnage. Né le 26 novembre 1911 à Amiens, le centenaire a toqué à la porte de l’Histoire le 17 février dernier en établissant le premier record du monde de l’Heure des plus de 100 ans : 24,251 kilomètres sur la piste suisse d’Aigle. Une performance doublée le 28 septembre dernier du titre de centenaire le plus rapide sur 100 kilomètres. Sur l’anneau de Lyon, Robert Marchand avait bouclé les 300 tours de piste en 4h17’27 », soit 100 kilomètres à 23,31 km/h de moyenne. Nous avons rencontré ce personnage unique et tellement attachant, à qui nous souhaitons aujourd’hui un très joyeux anniversaire pour ses 101 ans !

Robert, vous souvenez-vous de votre premier vélo ?
Je m’en rappelle, oui, c’est un vélo que j’ai bricolé. A l’époque, je n’étais pas riche, je n’avais pas les moyens d’acheter un vélo. J’ai utilisé de vieux câbles et j’ai réussi à faire un vélo quand même. C’était en 1924.

A quand remontent vos premières compétitions ?
J’avais 15 ans, mais je n’avais pas le droit de courir. J’ai couru sous un faux nom. Je ne me rappelle plus de ce que c’était (il rit). A ce moment c’étaient les interclubs, c’est comme ça qu’on appelait les courses à l’époque. Il y avait toujours au moins 500 partants.

Quelles étaient les principales courses de votre jeunesse ?
Paris-Mers-les-Bains, Paris-Amiens, Lille-Abbeville… J’ai fini dans les premiers, mais je n’ai jamais pu gagner une course.

Quel est le premier souvenir que vous gardez du Tour de France ?
Mon premier souvenir de Tour de France, c’était quand j’étais jeune. Mais on entendait le Tour de France à la radio. Pas de télévision à cette époque-là ! Je me rappelle de Mottiat, Gérard Dango, et beaucoup dont je ne me rappelle pas, il y en a tellement.

Quel est le champion qui vous a le plus marqué ?
Il y en a plusieurs. Les Poulidor, Bernard Thévenet, Bernard Hinault. Je me souviens toujours d’un nommé Armand Blanchonnet. Il était de la région parisienne, c’est le premier coureur cycliste sur le circuit des 100 kilomètres qui est descendu sous les trois heures.

Avez-vous toujours fait du vélo ?
Oui, bien sûr. J’ai eu la guerre. Après je suis parti en Amérique du Sud, au Venezuela. Puis je suis allé au Canada et j’ai repris le vélo en 1978. Je ne faisais plus de courses, je faisais du cyclotourisme. En cyclotourisme, il n’y en a pas beaucoup qui ont fait ce que j’ai fait. J’ai huit Bordeaux-Paris, quatre Paris-Roubaix, toutes les Marmottes.

Et pendant la guerre ?
Pendant la Deuxième Guerre mondiale, j’étais mobilisé aux Pompiers de Paris. Impossible de faire du vélo. Pendant la Première, j’avais 3 ans quand les Allemands sont arrivés à Amiens, le 31 août 1914. Comme Amiens était bombardé, j’ai été réfugié dans une ferme dans l’Allier. J’allais garder les vaches.

Quel col avez-vous trouvé le plus difficile ?
Vous savez, il n’y en a pas beaucoup qui soient faciles !  Mais à la Marmotte par exemple, il faut monter la Croix-de-Fer, le Télégraphe, le Galibier et l’Alpe d’Huez. J’ai monté le Ventoux aussi, par Sault, du côté le moins dur. Mais à partir de la Baraque, c’est la même chose, et c’est très dur.

Vous avez 101 ans aujourd’hui, faites-vous toujours du vélo ?
En ce moment je fais à peu près 150 kilomètres par semaine. Mais la saison est terminée, je vais rouler de temps en temps quand il fera beau jusqu’au mois de janvier. Et en janvier on reprendra l’entraînement.

Quand la saison est terminée, pratiquez-vous d’autres activités ?
Je fais de la culture physique. J’en fais depuis l’âge de 13 ans. J’ai commencé le sport en faisant de la boxe, et après j’ai fait de la gymnastique. Je suis moniteur en gymnastique aux Pompiers de Paris. Et j’aurais pu être un champion en haltérophilie, mais malheureusement il y a eu la guerre.

Propos recueillis à Paris le 24 octobre 2012.