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"Je suis sorti faire du vélo, j'ai vécu l'enfer"


Bernard VAILLANT1639476554
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Témoignage de Franck Renimel, entraîneur chez Fortunéo-Oscaro.

«?Un samedi de septembre, en fin de matinée, je quitte mon domicile pour une petite sortie à vélo, d’environ une heure et demie. Pour prendre du plaisir et faire un peu de sport. Quand je pars de la maison, jamais je n’imagine que je ne reviendrai pas.

+ Renimel : « Les automobilistes sont beaucoup plus impatients »

Sur le chemin du retour, à environ trois kilomètres de chez moi, je suis percuté par un véhicule alors que je passe un rond-point. Je ne vois rien venir. À cet endroit, je ne me sens pas en danger. Il y a des routes où on n’est pas à l’aise parce qu’il y a beaucoup de circulation, parce que c’est étroit, parce que c’est l’heure où les gens rentrent du travail et qu’ils sont stressés. Là, ce n’est pas le cas. Il doit être environ midi et demi, il n’y a pratiquement aucune voiture autour de moi.?»

«?Le choc est d’une violence extrême?»

«?Le choc est d’une violence extrême. Je passe sous le véhicule. Je ne perds jamais connaissance. Mais mon cerveau se met en position «?off?». Les gens qui me secourent me diront, par la suite, que j’étais extrêmement agité. Paradoxalement, je me sens bien. Comme si je suis sur un petit nuage. La mort m’a toujours effrayé. Mais, là, ce n’est pas le cas. Je suis serein à l’idée de mourir.?»

« Lorsque j'arrive aux urgences de l'hôpital de Vannes, je demande à voir une amie qui travaille là-bas. C'est la seule personne à qui je peux me confier. Comme je suis sûr que mon temps est compté, je lui lâche : « Voilà ce qu'il faut que tu dises à ma famille ». Mon amie essaie de me rassurer en me répondant : « Ne t'inquiète pas Franck, tu vas t'en sortir. » Plus tard, elle m'avouera qu'elle n'y croyait pas. »

« J'ai seize côtes cassées, le bassin fracturé en trois morceaux, une disjonction acromio-claviculaire. Mais surtout, je subis une rupture de l'aorte. Je fais une hémorragie interne. Je suis transféré à Rennes, où je suis opéré d'urgence.

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Suite

« Mes chances de vivre sont inférieures à 1 %. J'ai perdu la moitié de mon sang. Logiquement, mon coeur aurait dû cesser de battre. Mes poumons sont remplis de sang, je fais deux hémothorax. Tout se joue à la minute. Lorsque j'arrive sur la table d'opération, mon aorte a complètement lâché. Mais on peut m'opérer et me sauver. Le chirurgien me dira aussi par la suite qu'il ne croyait pas que j'allais m'en sortir, que l'opération s'était déroulée beaucoup mieux que ce qu'il pouvait imaginer.

« Il fallait que je vive »

« Il faut croire que toutes les planètes étaient alignées, qu'il fallait que je vive. En effet, sur la route, les premières personnes à me porter secours ont été des gens du milieu médical, un médecin et une infirmière. Le SMUR était à proximité du lieu de l'accident... J'ai été très bien pris en charge à Vannes. Puis j'ai été transféré rapidement à Rennes, et là-bas, je suis tombé sur la « dream-team ».

« À la suite de l'opération, on me plonge durant une journée dans le coma. Je reprends connaissance le lundi. Mais je suis toujours dans un état critique. On ne sait pas si je vais pouvoir remarcher dans la mesure où j'ai perdu beaucoup de sang et que ma moelle épinière n'a pas été irriguée pendant un long moment. Même si je ne dors pas, je mets cinq jours à sortir de ma léthargie et à prendre conscience de mon environnement. Je suis impressionné de voir tous ces tuyaux qui sortent de mon corps, et toutes ses machines qui m'entourent. »

« Je passe dix jours en réanimation, qui sont terribles. Malgré la morphine, les douleurs sont atroces, notamment au niveau des côtes. Je suis de nature optimiste, mais durant cette période, des idées noires me traversent souvent la tête. Pourtant, dans ces moments-là, vous n'avez pas d'autre possibilité que d'être fort. Tout seul, je ne serais pas parvenu à faire face, mais j'ai la chance d'être énormément entouré. Ma compagne (Céline), mes deux enfants (Tom, sept mois, et Mélissa, sept ans), mes amis, les membres de l'équipe Fortuneo me permettent de tenir. »

« Je me rends compte qu'on peut aller bien au-delà de ce qu'on peut imaginer pour supporter la douleur. Aujourd'hui, je me sens d'ailleurs beaucoup plus fort. Sur le vélo, on a parfois tendance à lâcher parce que ça fait trop mal. Mais je sais maintenant qu'on peut repousser ses limites. »

« Je me sens beaucoup plus fort »

« Je reste en réanimation deux fois moins longtemps que prévu. Je suis ensuite hospitalisé quelques jours à Vannes, avant de demander à bénéficier de l'HAD (hospitalisation à domicile). Le jour de l'accident, je suis sorti de chez moi pour faire un peu de vélo. Je suis rentré trois semaines plus tard après avoir vécu l'enfer. »

« Le fait de rentrer à la maison me fait beaucoup de bien. Je suis alité, mais je peux voir du monde. Entre les soins deux fois par jour, le passage quotidien du kiné et les visites des amis, les journées me paraissent relativement courtes. »

« Puis j'apprends que je vais pouvoir effectuer ma rééducation au centre de Kerpape (à Ploemeur, dans le Morbihan). Je suis super heureux car je sais que je vais enfin pouvoir être acteur. Ici, il y a une prise en charge exceptionnelle. Je peux consulter sur place de nombreux spécialistes pour chacune de mes problématiques de santé : mon hémothorax, mon suivi neurologique, mon suivi cardiaque, ma disjonction acromio-claviculaire... »

« Ma rééducation débute le 13 novembre. Mes journées sont bien remplies, cela me permet de ne pas cogiter. Je fais de la kiné respiratoire, je soigne mon épaule. Comme j'ai été alité durant huit semaines, je dois également réapprendre à marcher. Je fais beaucoup d'exercices de renforcement musculaire. Depuis mon accident, j'ai perdu onze kilos, essentiellement de muscles. Je suis content de voir que je progresse. Je commence à marcher sans les béquilles, je mobilise un peu plus mon épaule... Je sais, malgré tout, qu'il faudra être patient, et que les progrès ne seront pas linéaires. »

« Aujourd'hui, j'ai la moitié de la capacité respiratoire d'une personne sédentaire. Si je fais 25 mètres à la piscine, je suis essoufflé. Dernièrement, j'ai subi une nouvelle opération afin qu'on me retire la vésicule biliaire. Au niveau cardiaque, j'ai un traitement à vie. J'ai également une prothèse aortique. Malgré cela, on m'assure que je pourrai refaire du sport. »

« Grimper le Galibier au mois de mai »

« L'accident ne m'a pas traumatisé psychologiquement. Ce qui m'inquiète le plus est de ne pas pouvoir refaire les choses que je faisais par le passé. Au moment de l'accident, personne n'imaginait que je puisse vivre. Aujourd'hui, on me dit que je ne pourrai, peut-être, pas retrouver mes aptitudes passées. Mais je veux prouver le contraire. C'est mon challenge, sachant qu'aucune de mes blessures n'est irréversible. »

« Je suis remonté sur mon home-trainer le 10 décembre. J'espère maintenant refaire du vélo dès le mois de janvier. J'en ai acheté un nouveau fin novembre. Je me suis lancé un défi avec une connaissance de la ville de Valloire (en Savoie). Je lui ai dit qu'on grimperait ensemble le col du Galibier au mois de mai. Certains coureurs de l'équipe m'accompagneront. »

« Je vois désormais la vie différemment. Je sais qu'il faut savoir profiter des choses simples. Respirer, sentir le vent sur son visage, admirer un paysage ou un coucher de soleil, discuter avec un ami. Le bonheur, ce sont toutes ces petites choses auxquelles on ne prête jamais attention. Le fait d'être passé aussi près de la mort me donne encore plus envie de croquer dans la vie. »

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Merci Bernard de nous avoir partagé cet article. A chaque fois que je lis ce genre de témoignage, mes deux accidents de la route me reviennent en images. Certaines de ses paroles me touchent droit au coeur et prouvent que l'on peut se relever de ces coups durs.


Il est parfois impossible de lutter et la mort est au bout mais quand l'impossible devient possible, c'est émouvant.

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Ça me fait penser à Stig Broeckx, accidenté en mai 2016 lors du Baloise Belgium Tour, tombé dans le coma suite à de très graves blessures à tête, à qui le corps médical prédisait au mieux une vie de légume complet, et qui depuis sa sortie spontanée du coma à la grande surprise de tout le monde en décembre 2016 , progresse régulièrement. Son père parle carrément de miracle.

http://www.sport.be/fr/cyclisme/article.html?Article_ID=821239

http://sporza.be/cm/sporza/wielrennen/1.3116067

Le texte de l'article est en français, la vidéo (le deuxième lien) est par contre en néerlandais. Mais il faut la voir. C'est impressionnant de voir cet ancien athlète de haut niveau rendu dans cet état… Mais il faut savoir qu'il est reparti de rien, absolument de rien. Depuis sa sortie du coma il doit tout réapprendre. Quand on sait cela, on est scotché de voir où il en est arrivé quand même. Et ce contre tous les pronostics. Chapeau.

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Beau texte , belle leçon de vie et de courage . 

C'est vrai que sur la route nous sommes des " usagers faibles " mais si on réfléchi de trop à tous ces dangers qui nous guettent on reste dans son fauteuil . Donc sortons mais soyons toujours très prudents et vigilants même si le danger on ne le voit pas forcément venir.

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Je suis content d'avoir partagé ce texte qui, moi aussi, m'a beaucoup ému. Qui plus est c'est très bien exprimé. Très sensible. Intelligent. Ce qui montre une fois de plus que le sport de haut niveau, et ce qui gravite autour, est loin d'être le monde d'imbéciles que certains voudraient voir.

Pour ma part : désormais j'ai peur. En Bretagne et dans mon coin.

Je suis certain que ça n'aurait pas été le cas à Lille et (globalement) en Heuveland.

Lille, dense, dense en circulation, faisait, à tort ou à raison, que je m'y trouvais en sécurité. Puis gagnant la Belgique par de très petites routes de campagne (par exemple entre Marcq en Baroeul  et Comines) ... peu de voitures. En Belgique, outre la culture du vélo (même des automobilistes) et les très petites routes ... pas de problèmes.

Ici, si on peut certes gagner des petites routes je trouve, outre qu'elles rendent difficiles des parcours cohérents, que pour y arriver on doit prendre des routes départementales trop fréquentées (à mon goût).

Préférant donc la vie au vélo ... je marche dans des paysages d'ailleurs inaccessibles à vélo.

Les réactions de tous me font plaisir et je suggère que chacun, tombant ainsi sur des sujets d'intérêt général, en fasse profiter le forum ... ce qui le fait vivre.

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J'aime bien cette partie de l'article aussi...

Je regrette également qu’il y ait plus en plus de moyens de distraction dans chaque véhicule. Les tableaux de bord des voitures sont devenus des ordinateurs. Cette semaine, j’ai vu une publicité où le conducteur pouvait envoyer un texto en parlant. Pour l’avoir expérimenté, ce système devrait être interdit. Car souvent le message est mal écrit. Du coup, tu es obligé de le lire, et donc de détourner ton attention de la route.

Le nombre de cyclistes tués sur les routes ne fait qu’augmenter. Il faut qu’il y ait une prise de conscience de la part de toute la population. Nous, cyclistes, on doit impérativement penser à mettre un casque. Sans casque, je ne serai plus là aujourd’hui. Il faut également penser à se vêtir avec des couleurs voyantes, installer des lumières LED sur son vélo, et éviter de sortir lorsqu’il fait trop sombre.

On pourrait également s’inspirer de ce qui se fait dans les Alpes. Là-bas, les cols sont parfois fermés à la circulation, et réservés aux cyclistes. En France, on dispose d’un réseau routier conséquent. Pourquoi ne pas laisser certaines routes à la disposition des cyclistes une après-midi ou deux par semaine.

Dans le contexte actuel, je ne veux pas que mes enfants fassent du vélo. Mes parents, aussi, étaient soucieux de ma sécurité lorsque j’ai commencé, mais ils ne sont jamais arrivés à une telle extrémité. Le cyclisme est aujourd’hui le seul sport où tu pars t’entraîner sans être certain de rentrer chez toi."

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