Désormais, pour le monde du vélo, Voreppe ne sera plus seulement le dernier péage d’autoroute avant Grenoble. C’est là, au cœur du pays voironnais, que Rossignol a installé une partie de la production des cadres et vélos Time. Une marque emblématique qui fête ses 30 ans cette année et que le groupe Rossignol, après l’avoir reprise en février, entend mener tout schuss sur les trois à cinq prochaines années.

Voilà donc trente ans et l’année 1986 que le regretté Roland Cattin a créé et commencé la commercialisation de la pédale automatique dans la Nièvre, sept ans avant de lancer le premier cadre carbone avec une technologie RTM (Resin Transfer Molding). Et en trente ans, les succès se sont amoncelés : victoire historique de Greg LeMond sur le Tour 1989, succès de Jeannie Longo sur pédales Time et polémiques avec la FFC, signature avec Bonjour-Toupargel, premièe équipe pro lancée par Jean-René Bernaudeau en 1999, avec à la clé un contrat de 500.000 francs (80.000 euros) plus les vélos, une autre époque ! Ont suivi les maillots jaunes et le titre de champion de France de Thomas Voeckler en 2004, la médaille d’or de Paolo Bettini à Athènes, le titre de champion du monde de Tom Boonen en 2005, le succès d’étape et le maillot jaune de Sylvain Chavanel sur le Tour 2008, sans compter le VTT avec les succès de Julien Absalon ou plus près encore la médaille d’or de Julie Bresset à Londres en 2012.

C’est sur cette histoire riche de succès, cette même volonté de passion, d’innovation et de compétition que le groupe Rossignol s’est rapproché de Time pour en faire rien moins que « la Porsche du groupe Volkswagen », selon la belle formule de Sylvain Noailly, le directeur général de Time Sport International. Un choix stratégique de Rossignol qui entend stabiliser son activité sur toute la saison, aujourd’hui trop liée à l’hiver, où la fenêtre de tir est très restreinte (sans parler forcément du réchauffement climatique).

Autre point de rapprochement, la volonté de produire français, que ce soit à Voiron, à Sallanches, à Nevers ou désormais à Voreppe. Le made in France est revendiqué à 100 % pour les pédales, à Nevers, 75 % pour les cadres et fourches (les 25 % restants sont slovaques) et 55 % pour les vélos complets, les groupes notamment étant tous au plus près européens. Enfin, ce rapprochement s’explique aussi parce que les valeurs du ski et du vélo sont assez proches – les grands pays de vélo, nonobstant le Benelux, étant le plus souvent de grands pays de ski. N’oublions pas que « la descente est le salaire de la montée », parole de skieur suisse sur la Haute Route des Dolomites !

Pour annoncer la couleur, on allait dire le printemps déjà, les responsables de Rossignol ont choisi de jouer la transparence. Lunettes de protection et photos admises, ils nous ont permis de visiter le saint des saints qui ne demande qu’à grandir, ne serait-ce qu’au plan des vélos customisés, on y reviendra. Time est la seule marque à fabriquer ses vélos en France, d’où le drapeau sur les tubes diagonaux, depuis le tressage en passant par le CMT (Carbon Matrix Technology). En gros réaliser des pièces carbone comme les potences et les pattes de dérailleurs (collées au cadre brut avec un gain de poids de 40 %), la finition et le montage.

Côté slovaque sont assurés l’habillage, l’injection d’époxy RTM et la peinture, les cadres revenant pour la partie noble, que ce soit l’expédition ou le montage à la carte. On est loin de la pose de couches ou feuilles de carbone à la main, comme sont réalisés beaucoup de cadres. La fiabilité est à ce prix. En chiffres, cela donne 5 kilomètres de tressage unidirectionnel chaque semaine de 35 heures, soit un potentiel de 250 vélos quand un vélo nécessite 20 mètres. Ne cherchez pas plus loin, les délais sont de quatre à six semaines au moins pour les vélos personnalisés. Autre chiffre parlant, il faut 3h10 pour habiller un cadre avant l’injection de résine par pression et son passage au four à 95°. C’est cette phase d’habillage qui fera que le cadre sera plus ou moins rigide.

Nouveaux dirigeants, changements d’actionnaires, le printemps est annoncé avant l’heure. L’ambition affichée dans les trois à cinq prochaines années est de tripler le chiffre d’affaires, aujourd’hui à 10 millions d’euros. Même chose pour les pédales, aujourd’hui 100.000 unités sur un marché global de 3,5 millions de paires. Time et Rossignol se ressemblent par le côté haute compétition. Les ambitions sont à la hauteur, forcément, et l’analyse du marché est la suivante : un paramètre lié à la technologie que peu de fabricants maîtrisent faute de produire eux-mêmes, le double axe de l’excellence technologique et de l’innovation, et la dualité loisir-compétition que Time veut satisfaire, sans perdre son ADN en visant tous les marchés, on revient à Porsche ! Les ambitions sont importantes, le défi majeur, car Time a subi ces dernières années, et il s’agit de retrouver une large capacité d’action. Que ce soit en France avec 35 % du chiffre d’affaires sur une centaine de points de vente et à l’étranger, où Time est présent dans une trentaine de pays, bien qu’avec un nom aussi international il y a bien plus à faire.

L’analyse du marché est fine, pertinente. Les atouts en matière de production sont bien présents avec une centaine de collaborateurs. Reste à affiner les armes de la reconquête, que ce soit sur les cadres, les vélos montés, les fourches, le VTT ou la route plus globalement pour le marché des pédales.

Le premier atout, comme pour marquer cet anniversaire si particulier, c’est le Scylon Ulteam 30, qui symbolise à la fois le passé glorieux et l’avenir prometteur de Time. 100 exemplaires (et pourquoi pas 101 si le portefeuilles suit), à 14 999 euros la version Di2 et même 1000 euros de plus pour la version Super Record EPS. Pour la version Disc, c’est le Scylon Aktiv Disc qui allie freinage et maîtrise du pilotage avec une fourche tout en savoir-faire Time, qui filtre les vibrations, bien que droite. 6500 euros pour la version Ultegra Di2, avec roues Mavic Ksyrium et pédales Xpresso. Troisième atout dans la manche de Time, la version triathlon avec le Scylon Aktiv T 30. Tous les éléments sont connus désormais, sauf le prix : 7999 euros. Enfin, comme on l’a déja évoqué, Time mise sur la personnalisation. L’axe est clairement le consommateur, la customisation de son vélo, le côté unique. Et la volonté est clairement de créer une communauté de possesseurs Time, avec des services associés. A chacun ses envies, cinq couleurs sont proposées (orange, vert, bleu, rose et noir), toutes du plus bel effet. Le prix varie de 4999 à 9399 euros, pour sept groupes proposés (quatre en Shimano, trois en Campagnolo). Le bleu était celui choisi par les coureurs d’Auber cette année. On l’a dit, comptez pas moins de six semaines pour cette customisation.

Dernier chapitre des nouveautés produits, les pédales, avec deux points importants. La compétition VTT d’abord, avec l’Atac SX 12 (à 295 euros) qui continuera d’équiper le team VTT numéro un au monde, celui de Michel Hutsebaut, en BH ou pas, réponse d’ici quinze jours. Un pronostic ? Disons billet d’humeur, oui, comme BH. Mais au-delà de la haute compétition, Time vise rien moins que 300 000 paires d’ici trois à cinq ans, soit 10 % du marché mondial. Pour élargir la cible, quoi de mieux que de s’adapter au marché urbain/loisir avec une pédale polyvalente ? Un côté pédale plate, un côté pédale Atac à clipser. C’est simple, facile, il suffisait d’y penser. Time l’a fait, just in Time, à 59 euros la paire pour ce deux en un.

Installés à Voreppe depuis septembre, les dirigeants n’ont pas chômé, c’est certain. Analyse, atouts, objectifs, moyens, on sent que l’humain est mis en avant, ne serait-ce qu’avec la présentation des collaborateurs venus pour la plupart du monde du vélo. En plus de la référence à l’histoire et des anticipations sur l’avenir, reste à souligner les moyens mis en matière de preuve produit, par les athlètes de top niveau. L’histoire de Time reste la proximité avec le monde des pros, et celui qui symbolise le mieux cette association, c’est Eric Boyer. Le premier à avoir développé la pédale Time en 1986 a toujours été dans la galaxie, que ce soit avec Greg LeMond ou à travers son rôle de manager de l’équipe Cofidis, à la belle époque ou l’équipe nordiste gagnait des étapes sur le Tour. Démarche sponsoring multi-actions, Time voit triple : la route avec le partenariat 2017 sur l’équipe Auber de Stéphane Javalet, son porte-drapeau, le VTT avec le renouvellement du partenariat avec le team BH-SR Suntour-KMC de Jordan Sarrou et, objectif nouveau, le triathlon en partenariat avec le club de Poissy Triathlon, deux ans de plus que Time (!) qui revendique 300 licenciés, avec un axe Jeunes très développé.

Pour conclure sur cette belle initiative et sur ce mode France revendiqué, les cyclos ne sont pas oubliés. La Time Megève Mont Blanc va, elle aussi, subir un lifting. Deux indices : un peu plus de Beaufortain et moins de sections chronométrées sur les cols. Attention, on n’a pas dit qu’il y aurait moins de chronos, disons qu’on pourrait revenir au mode chrono intégral, Time oblige ! La 15ème édition vous sera présentée bientôt, à travers une interview. Vous la retrouvez déjà dans le calendrier 2017 des cyclos, le 4 juin, avec le Time Kids (quelle bonne idée).

Rossignol et Time, c’est donc un mariage de raison et de saisons. Et quoi de mieux pour marier ski et vélo que de sponsoriser le team ESF qui va recruter le dernier vainqueur de l’Etape du Tour, vainqueur par Tao ce jour-là, Tao Quéméré bien sûr.