Jacques, quel est votre parcours dans le monde du cyclisme ?
J’ai fait de la compétition durant vingt-cinq ans à un niveau 2ème et 3ème catégories. C’est ma fille qui s’est dirigée vers le sport cycliste, en équipe de France chez les jeunes, et qui a dû stopper sa progression à la suite d’ennuis de santé. Mon fils était également cycliste, il a arrêté pour poursuivre ses études. J’occupe ce poste de manager et directeur du team car je suis président de la société GSD Gestion, que j’ai créée et qui est donc le sponsor principal du team.

Depuis combien de temps sponsorisez-vous cette équipe ?
GSD est sponsor de l’équipe féminine UCI depuis quatre ans. Mais cette société est également sponsor d’un club amateur, Villeneuve-la-Garenne, et auparavant de l’US Métro.

Quel sera votre calendrier pour la saison 2011 ?
Notre calendrier est axé sur l’international puisque notre statut est UCI Mondial, donc toutes les Coupes du Monde, LES courses UCI comme La Flèche Wallonne ou le Tour des Flandres et le calendrier national avec les Coupes de France.

Quels sont les objectifs fixés ?
Avec de nombreuses recrues, l’objectif sur les premières courses sera de créer un esprit de groupe ainsi qu’une bonne cohésion entre les filles. On aura deux ou trois filles qui seront susceptibles d’être leaders sur les courses internationales. Sans se fixer d’objectifs trop hauts, vu le niveau des autres formations comme Cervélo ou HTC, car ces compétitrices sont véritablement professionnelles.

Existe-t-il comme chez les hommes des grands tours nationaux ?
Les plus grandes courses par étapes se déroulent en France, ce qui est assez étonnant vu la médiatisation de ce sport dans le pays et les nombreuses compétitrices à l’étranger. En France, on retrouve entre autres la Route de France, qui se déroule sur dix jours, les Tours de Bretagne, du Limousin ou de l’Ardèche. A noter que le Tour de l’Aude, qui était la plus grande course au monde, vient de disparaître par manque de moyens.

Pouvez-vous nous présenter votre effectif ?
Notre effectif se compose de neuf filles, contre treize pour la saison 2010. Le renouvellement de l’effectif s’élève à 50 %. Christine Majérus, qui est triple championne du Luxembourg (cyclo-cross, route et contre la montre) vise une sélection pour les Jeux Olympiques de Londres en 2012 et sera notre carte principale pour cette saison. Elle possède une bonne marge de progression. Eugénie Vermillot, championne de France Juniors, a fait de très bonnes places la saison dernière et peut espérer de bons résultats encore une fois. Mélanie Bravard portera ses objectifs sur les courses de la Coupe de France. Fabienne Schaus est dans sa seconde année de vélo et a un fort potentiel, il lui faut donc prendre de l’expérience. Lina-Kristin Schink figure parmi les athlètes de l’équipe nationale d’Allemagne. Mireille Robin, Nathalie Cadol et Monique Ludovicy seront de précieuses équipières avec une forte expérience. Charlotte Bravard sera dans nos rangs pour préparer l’avenir et sera ainsi dans une année de transition. Eugénie Mermillod aura pour objectif une sélection aux Mondiaux en fin d’année et aux JO de Londres.

Comment s’établit la hiérarchie des équipes féminines ?
Les Teams UCI féminins s’apparentent au ProTour masculin et en-dessous on retrouve les divisions nationales avec les équipes DN en France. L’effectif de huit coureurs et un budget de 100 000 euros est imposé pour entrer dans les teams UCI.

Est-ce difficile de trouver des sponsors et partenaires pour financer une équipe féminine ?
Oui, on a un peu de mal à trouver des sponsors vu la faible médiatisation de la discipline. On peut donc dire qu’il s’agit d’avantage de mécènes que de sponsors. Outre GSD Gestion, nous disposons également du soutien de Cyril Immobilier qui nous permet de boucler notre budget. Notre équipementier Specialized nous permet également de vivre notre aventure, avec un apport textile et matériel.

Vous avez réalisé une semaine de stage, que va vous permettre cette semaine ?
Ce stage va nous permettre de créer des liens entre chaque membre de l’équipe, qu’il s’agisse de l’encadrement ou des compétitrices.

Le staff d’une équipe féminine est-il composé des mêmes postes que celui d’une équipe masculine ?
Oui, les postes de manager, directeur sportif, mécanicien, kiné sont obligatoires dans les formations. Cependant la plupart sont des bénévoles et en plus petit nombre que dans les équipes masculines. Trouver des bénévoles pour des déplacements fréquents et de plusieurs jours n’est pas chose facile mais on fait avec les moyens du bord.

Combien de kilomètres parcourent les filles dans une saison et pour combien de jours de course ?
L’an dernier les filles avaient entre 35 et 50 jours de courses, pour environ 15 ou 20 000 kilomètres. Sur les grandes courses internationales, les distances sont comprises entre 120 et 130 kilomètres, sur les nationales c’est un peu moins, plutôt 90 à 100 kilomètres.

Les filles ont elles un travail à côté ou sont-elles exclusivement cyclistes ?
Plusieurs coureuses sont encore étudiantes et d’autres ont un travail à côté, avec deux professeurs de sport. Il est difficile de trouver un travail qui permette de s’entraîner et se libérer pour les compétitions.

Le cyclisme féminin a du mal à être reconnu face aux hommes, comment cela pourrait-il évoluer ?
Si les grandes courses se déroulaient comme c’est le cas pour le Tour des Flandres, le même week-end voire quelques heures avant les hommes, les filles seraient certainement plus reconnues dans leurs performances. Pour développer le cyclisme féminin français il faudrait des structures pros dans lesquelles les filles pourraient être salariées.

A 52 ans, Jeannie Longo tient tête aux plus jeunes, cela est-il dû à un manque de qualités ou à un entrainement moins poussé ?
Non, cette compétitrice possède un niveau tellement supérieur aux autres que même avec l’âge et en se préparant de façon optimale et une bonne hygiène de vie, elle reste à un niveau encore très haut. Et c’est aussi la seule cycliste féminine professionnelle française qui ne fait que du vélo.

La jeunesse arrive également en force avec Pauline Ferrand-Prévot, comment voyez-vous l’avenir de cette fille qui est numéro 1 dans plusieurs disciplines ?
Pauline a un niveau vraiment supérieur aussi, cependant elle ne souhaite pas évoluer dans un des trois teams UCI français mais préfère rester dans son club et avec son entourage. Elle évoluera cependant au sein de l’équipe de France, cela pourrait la préserver et lui permettre de ne pas se « griller ».

Propos recueillis à Vogüé le 23 février 2011.