Jérôme, la grosse nouvelle que nous avons appris il y a quelques jours, c’est que votre projet de création d’équipe va voir le jour en 2018 ?
Oui, mais nous ne parlons plus de projet mais de nouvelle équipe. Nous aurons une équipe Continentale Professionnelle l’an prochain au départ de la saison 2018. Nous ne nous mettons pas de limites en nombre d’années, les partenaires s’engagent pour les trois premières et nous avons un objectif à cinq ans très précis. C’est celui de s’installer dans le paysage du cyclisme international, performer à très haut niveau, aller le plus haut possible tout en gardant nos valeurs qui sont l’éthique, la jeunesse, la performance et la formation. Ce sont des choses sur lesquelles je serai intransigeant personnellement, particulièrement la formation et l’éthique. Nous voulons rester dans ce qui se fait de mieux dans le vélo aujourd’hui, c’est-à-dire les jeunes et un vélo qui est en train de retrouver ses lettres de noblesse.

Ce serait plus dans l’esprit Chambéry Cyclisme Formation ou dans l’esprit Vendée U et Bonjour ?
Ni l’un ni l’autre, c’est dans l’esprit Jérôme Pineau. Nous allons forcément nous inspirer des choses qui se font bien. Maintenant je ne suis pas pour le centre de formation tel qu’il est aujourd’hui à Chambéry. Moi ce que je veux c’est que nos jeunes, que nous recrutons, s’épanouissent. Et s’épanouir ce n’est pas forcément les délocaliser, c’est peut-être les laisser dans leurs clubs avec des gens passionnés par le vélo. Aujourd’hui, nous n’avons pas le label centre de formation. Il n’existe pas vraiment et nous devons passer par les régions et les départements. Si un jour nous avons une évolution là-dessus et qu’il y a un vrai texte signé pour donner des subventions alors oui nous y réfléchirons. Pour le moment nous allons d’abord travailler sur la jeunesse, ne pas les délocaliser, ne pas les chambouler pour laisser s’épanouir les jeunes. Chambéry et Vendée U sont de beaux exemples, nous aurons aussi notre club, et je parle bien de club, pas d’équipe Elite mais un club avec des Minimes, des Cadets, des Juniors, des Seniors, des Espoirs, des Elites et des professionnels, avec une même couleur, une même façon de faire, une même passion pour le cyclisme.

Où sera basé ce club ?
C’est un club qui sera basé dans l’Ouest, proche de chez moi. Je vais travailler avec de la proximité, nous avons un super bassin. Nous n’allons pas nous en éloigner mais nous allons regarder ce qui se fait partout en France et à l’étranger. Mais effectivement nous avons un bassin dans l’Ouest qui est très condensé et très précieux.

En tant qu’équipe Continentale Pro, combien de coureurs devraient composer l’effectif ?
Ce serait un effectif d’une vingtaine de coureurs, entre dix-huit et vingt-deux. Mais dans tous les cas nous serons sur deux fronts, nous voulons performer sur de belles courses dans le calendrier mondial mais aussi répondre présent sur le calendrier français. Il est très riche et permet à nos jeunes d’avoir un vrai calendrier, et de ne pas se brûler les ailes dans des courses qui sont trop grandes pour eux. Je pense au calendrier Coupe de France, aux belles courses par étapes comme le Tour du Limousin, le Tour du Poitou-Charentes, le Tour de Bretagne ou le Tour de Normandie. Ce genre de courses est pour moi indispensable à la progression d’un coureur.

Confirmez-vous la présence de Vital Concept comme partenaire l’an prochain ?
Non, je ne confirme pas. J’ai toujours un grand respect pour les gens qui financent un projet tel qu’il est. J’ai beaucoup de reconnaissance, il y a des gens qui m’ont fait confiance, des sponsors, des partenaires et il leur appartient de communiquer en temps voulu le nom et les futures couleurs de l’équipe. Ce n’est pas à moi de le faire. Moi, je suis missionné pour construire une belle équipe, la piloter, avec un staff, avec des gens qui ont envie de se lancer dans ce projet. Il appartient aux gens qui la financent de l’annoncer.

Il a été annoncé un budget de 10 millions d’euros, ce sera le cas ?
Absolument pas. Vous savez, on met des chiffres comme ça mais ce n’est absolument pas ça. Ce sera entre 5 et 9 millions d’euros, c’est un budget déjà très conséquent et il faut rester raisonnable. Je n’ai jamais parlé de ces 10 millions d’euros. Nous aurons un budget nécessaire à la performance sur de grandes courses, nous aspirerons à participer aux plus grandes courses du calendrier international et nous aurons un budget conséquent qui permettra de le faire. Il n’y a pas de chiffres à donner et je crois qu’il n’y a pas beaucoup d’équipes qui communiquent sur le budget donc ce n’est pas moi qui vais commencer à le faire.

Au niveau de la composition de l’équipe, de quel ordre sera la répartition entre Français et étrangers ?
Je dirais que nous allons essayer de recruter 70 % de Français et 30 % d’étrangers mais ce n’est même pas une question de nationalité, c’est une question de talent, de capacité et d’état d’esprit. Il y aura des coureurs étrangers mais pas parce qu’ils sont étrangers, parce qu’ils performent et qu’ils rentrent dans la logique sportive dans laquelle nous nous sommes inscrits. Nous devons gagner des courses vite et nous devons également séduire sur le plan international. Nous devons avoir des leaders capables de cela. Nous allons recruter en conséquence et nous allons aussi recruter un dispositif autour de ces leaders. Cela ne sert pas à grand-chose d’avoir des noms si derrière nous ne pouvons pas les mettre en avant. Nous sommes en train de recruter dans ce sens là. Sur les noms des coureurs évoqués dans les journaux, certains sont très farfelus, d’autres un peu moins. Aujourd’hui nous ne sommes pas dans la période de mercato, nous n’annoncerons aucun nom avant cette période là, et de plus rien n’est conclu définitivement. Nous aurons des profils qui nous intéressent.

Vous allez participer aux Coupes de France. Serez-vous candidats à des courses WorldTour comme Paris-Nice l’année prochaine ?
Bien sûr et nous serons également candidats à une wildcard pour le Tour de France. Nous avons envie d’être dès l’an prochain dans le paysage sportif international. Paris-Nice mais aussi le Critérium du Dauphiné, le Tour, les belles courses en Belgique, les classiques flamandes, wallonnes, les belles courses en Italie, nous voulons tout faire. Nous voulons aller sur toutes les courses qui nous font rêver.

Ce sera tout de même extrêmement difficile d’être sur le Tour de France dès la première année, compte tenu des sélections qui sont données très tôt dans la saison ?
Nous le savons, mais tout dépendra de l’effectif que nous proposerons. Nous avons l’ambition d’afficher un effectif très conséquent, avec des noms qui permettront d’aller sur les grandes courses et il appartiendra ensuite à ASO de nous inviter ou pas.

Le modèle économique du vélo paraît paradoxal, avec un ou deux sponsors qui amènent beaucoup d’argent et le jour où ces sponsors s’en vont l’équipe se trouve livrée à elle-même. Vous avez souvent évoqué ce sujet-là, avec des idées, avez-vous des ambitions de ce point de vue ?
Bien entendu, je n’ai pas donné des idées pour ne pas les mettre en application. Nous réfléchissons à des choses, certaines sont déjà possibles, d’autres pas, mais c’est vrai que nous allons essayer d’être évolutifs. Je ne vais pas dire novateurs mais nous allons essayer de faire évoluer ce système là pour ne pas se mettre en danger tous les deux ans. Nous voulons faire évoluer les choses, nous voulons donner une dimension « club » à notre équipe et la dimension « club  » passe aussi par le sponsoring, un club avec plusieurs entreprises. Nous n’avons pas les moyens dans le vélo de fermer la porte à des sponsors qui ne peuvent pas prendre le naming d’une équipe. Nous devons nous entourer de tous les partenaires qui auront envie de travailler dans le vélo, c’est ce que nous sommes en train de développer et c’est aussi pour cela que la porte n’est pas fermée en termes de partenariat. Nous parlions de budget tout à l’heure, mais nous ne savons pas. Nous discutons encore, nous gardons la porte ouverte et sommes encore très ouverts sur la possibilité que trois ou quatre sponsors nous rejoignent, dans un système de club entreprise avec un retour sur investissement et de la visibilité mais pas que. Nous essayons d’offrir autre chose.

Le WorldTour a entraîné l’explosion des budgets partenaires techniques, allez-vous vous tourner vers des marques françaises ?
Nous n’allons pas nous tourner vers des marques françaises parce qu’elles sont françaises. Nous allons nous tourner vers elles parce qu’elles ont envie de nous accompagner. Nous allons d’abord chercher des marques qui seront performantes, surtout les partenaires techniques et matériels au niveau du vélo et d’ailleurs qui auront envie de développer des choses avec nous. Nos coureurs ne sont pas des testeurs, nos coureurs sont des développeurs. Le coureur cycliste doit s’inspirer du pilote de F1, il doit faire évoluer sa machine. Et si nous avons l’accompagnement nécessaire avec les marques, oui cela nous intéresse.