Yoann, vous rejoindrez le 1er janvier l’équipe Wanty-Groupe Gobert. Qu’est-ce qui a motivé votre choix ?
Ça fait pratiquement dix ans que je courais dans l’équipe FDJ où j’ai connu des moments forts avec de belles victoires collectives, mais aussi des moments moins heureux, ma suspension d’un an entre 2012 et 2013. Il s’était installé une sorte de routine. On passe chaque année avec le même maillot, le même vélo. Il était nécessaire pour moi de me remettre en question, de renouveler de nouveaux défis, de voir autre chose. C’est l’essence même du sport. Depuis mon retour de suspension en 2013, je me suis installé dans un rôle d’équipier, notamment autour d’Arnaud Démare. J’arrive à une période où j’ai envie de montrer de quoi je suis capable. J’aurais peut-être pu le faire avant, mais c’est une décision réfléchie.

En quittant l’équipe FDJ, vous espérez donc retrouver un rôle de leader ?
Entre autres choses. J’avais d’autres propositions dans le WorldTour, mais ce qui m’a plu chez Wanty-Groupe Gobert, c’est cet esprit familial. Une atmosphère différente s’est dégagée, notamment suite au décès malheureux d’Antoine Demoitié sur Gand-Wevelgem. On sent que les coureurs sont très solidaires entre eux et qu’ils ont un réel esprit d’équipe. C’est aussi une équipe qui monte en puissance chaque année et qui est à mon sens une grande équipe en devenir.

Pourquoi ne pas être resté en WorldTour alors que des rumeurs vous annonçaient proche d’Etixx-Quick Step ?
Effectivement, j’ai été en contact avec trois équipes du WorldTour. Mais, à l’image des grands clubs de Ligue 1, le WorldTour est devenu très professionnel. Ça ne veut pas dire que les équipes de Continentale Pro ne le sont pas. Je veux dire par là que les équipes de l’élite tournent généralement autour de deux coureurs. Les autres sont considérés comme des pions, même si c’est moins le cas en France qu’à l’étranger. C’était réfléchi de ne pas vouloir rouler dans une équipe qui avait la même organisation que celle que j’ai connue les années précédentes.

L’équipe Wanty-Groupe Gobert était-elle l’équipe qui correspondait le mieux à vos ambitions ?
C’est une équipe belge qui a le potentiel de faire de grandes choses. Ce qui est intéressant avec cette équipe, c’est qu’il y a beaucoup de choses à construire encore. L’équipe a tout de même remporté l’Europe Tour l’an dernier. Elle a recruté en conséquence pour être performante sur les courses par étapes et sur les classiques. Je m’y sens bien, c’est ce qui compte. Le vélo, ce n’est pas que du physique. Il y a une grosse part de mental qui joue vraiment. Quand tu mets un maillot, il faut avoir la motivation. Ce n’est pas toujours facile.

Le fort accent français qu’a pris l’équipe avec Guillaume Martin, Fabien Doubey ou Guillaume Levarlet a-t-il joué un rôle dans votre choix ?
Non, pas du tout. Ce sont des coureurs que je connais, mais avec qui je partage peu de courses. Je suis un coureur qui s’intègre rapidement, je parle anglais. Ce n’est donc pas une raison qui a motivé mon choix.

Estimez-vous qu’il est plus difficile de changer d’équipe quand on a 30 ans ?
Effectivement, j’ai fait toute ma carrière dans l’équipe FDJ. Cette fidélité était gage de professionnalisme. J’ai longtemps considéré que cela voulait dire que je faisais bien mon travail. Je m’y sentais bien. Les collègues, le staff : tout le monde parle français. A force, on s’installe dans un confort qui fait que l’on peut être réfractaire à l’idée de changer. Mais je suis arrivé à un moment où le changement ne me fait pas peur. Chaque année, j’essaye de changer mes méthodes d’entraînement. J’arrive aussi avec un statut différent, mais ça ne me fait pas peur.

Et ce même si vous retrouverez un rôle de leader après avoir mis vos ambitions personnelles de côté depuis trois ans ?
La vie est ainsi faite. Chaque expérience sert à se construire. J’ai vécu des moments difficiles. Ça m’a servi. A l’époque, au début des années 2010, j’avais peut-être du mal à supporter la pression et je me mettais surtout beaucoup de pression. J’ai maintenant 30 ans, je suis père de famille, j’ai déjà presque dix ans de carrière derrière moi. Surtout, je relativise beaucoup plus. Je me dis que ce n’est que du vélo. Je prends cela comme un jeu et comme un défi. Je sais de quoi je suis capable, là où je suis capable. Je ne me mets pas de pression outre mesure.

Une nouvelle ère s’ouvre sur les classiques avec la retraite de Fabian Cancellara. Cela peut-il ouvrir des espaces dans la course que vous serez capable d’exploiter ?
Fabian Cancellara, de par son expérience, son potentiel, écrasait la concurrence. Mais il reste un coureur comme Peter Sagan qui sait tout faire. Un autre comme Greg Van Avermaet qui est présent d’un bout à l’autre de la saison et qui est très complet. Derrière, il y a dix, quinze ou vingt coureurs capables de s’imposer. Sur le calendrier international, le niveau s’est plus largement homogénéisé. Les différences ne sont pas si énormes que cela. Comme je l’ai déjà dit, en WorldTour, il n’y a pas grand-chose entre la 4ème et la 20ème place. De là à faire un podium, c’est encore différent. Cancellara, Sagan, Van Avermaet : ce sont des tueurs ! Ils connaissent le terrain par cœur et nous sommes tous nés avec des capacités physiques et psychologiques différentes. Il faut composer avec ça. D’où l’important de prendre cela comme un jeu et de mettre toutes les chances de son côté en essayant de bien s’entraîner, de bien s’alimenter, de bien récupérer et d’être le plus économe possible sur les courses.

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