Yoann, en dehors des classiques flandriennes, vous vous êtes le mieux exprimé sur Milan-San Remo avec quatre Tops 20 au cours de votre carrière. Quelles peuvent y être vos ambitions sur ce parcours plus classique que par le passé ?
À l’image de toutes les classiques, c’est devenu, d’une certaine façon, presque soporifique. La nature des parcours, les capteurs de puissance, les oreillettes, tout cela fait que le niveau a été tiré vers le haut. Cela explique pourquoi il est devenu difficile d’échapper à un sprint massif ou en petit comité. Cela devient particulièrement difficile sur des courses comme Milan-San Remo. Néanmoins, Wanty-Groupe Gobert n’étant pas invitée sur les courses RCS, je n’irai pas sur Milan-San Remo l’an prochain.

RCS, ASO et Flanders Classics ont décidé de réduire le nombre de coureurs sur les classiques et sur les Grands Tours. Pensez-vous qu’il s’agisse d’une bonne idée ?
Dans tous les cas, nous sommes arrivés à un moment où il est essentiel de faire quelque chose pour les spectateurs et pour les téléspectateurs. Comme je l’ai dit, le niveau est plus homogène, les différences sont moins importantes, sans compter la présence des oreillettes. Tout cela fait qu’il est devenu parfois lassant de regarder une course de vélo. Le format est long, ce n’est pas toujours adapté à la télé. Avoir un coureur en moins peut effectivement changer beaucoup de choses. On le voit par exemple sur les Boucles de la Mayenne avec des équipes de six coureurs. C’est une course qui est très ouverte.

À votre sens, cela aura-t-il un impact sur le déroulé des courses ?
Je ne pense pas qu’avoir un coureur de moins par équipe changera nécessairement grand-chose sur les classiques. Sur un Grand Tour, oui, un coureur de moins ça peut compter pour l’équipe du leader. Dans tous les cas, il faut trouver des mesures pour redynamiser la course. Est-ce que c’en est une ? On aura la réponse bientôt.

Plusieurs coureurs se sont opposés à cette proposition affirmant qu’avec un coureur de moins par équipe, la taille des effectifs serait réduite. Partagez-vous cet avis ?
Je suis un peu mitigé. Au final, qu’est-ce qui nous fait vivre ? Les spectateurs et l’audimat. Pourquoi un sponsor investit-il dans le vélo ? Pour avoir de la visibilité. Si les gens ne regardent plus le vélo parce que c’est ennuyeux, il n’y aura plus de sponsors. Le risque c’est qu’il n’y ait pas qu’un ou deux coureurs en moins, c’est qu’il n’y ait plus d’équipe du tout ! Il faut donc trouver des solutions. Et très franchement, je ne pense pas que réduire le nombre de coureurs sur les courses réduira la taille des effectifs, en particulier pour des équipes WorldTour de 30 coureurs.

Quelles solutions proposerez-vous pour réformer le cyclisme tel qu’il est devenu ?
Je n’ai pas la science infuse. Il y a des choses qui sont envisageables comme la réduction du nombre de coureurs par équipes. Je pense aussi qu’il est nécessaire d’avoir un calendrier de courses cohérent, sans mettre de côté l’essence même du vélo que représentent des épreuves comme les Quatre Jours de Dunkerque, le Tour de Picardie, le Tour du Finistère et bien d’autres. Ce sont des courses qui font partie intégrante du cyclisme. Le problème, c’est que le même jour, on peut avoir plusieurs épreuves WorldTour qui se disputent simultanément. Comment voulez-vous que les gens s’y retrouvent ? C’est un premier point à améliorer.

D’autres réformes sont-elles essentielles à vos yeux ?
Je me demande parfois s’il est nécessaire de faire des courses si longues où il ne se passe généralement rien ! L’attentisme y est de rigueur et elles se réduisent généralement au dernier kilomètre. Il serait possible d’accorder des bonifications ou des points aux échappés. Je pense au Kilomètre en Or sur le Tour de Belgique où des bonifications sont mises en jeu dans le final. C’est tout à fait envisageable. Il y a vraiment matière à réfléchir et j’ai l’impression que l’UCI ne le fait pas forcément. Ce sont les organisateurs qui sont dans l’obligation de se concerter pour modifier les règles. Tout cela mériterait que l’UCI, les organisateurs et les fédérations nationales se réunissent pour discuter de tous ces points.

Diriez-vous que le cyclisme tel qu’il se pratique au niveau WorldTour ne vous ressemble plus ?
Disons qu’il me ressemble de moins en moins effectivement. Je suis assez nostalgique du cyclisme à l’ancienne où il se passe tout et n’importe quoi bien que je n’aie pas vraiment connu cette époque. Le cyclisme est aujourd’hui plus professionnel, les salaires sont à la hausse, mais il a en quelque sorte perdu de sa magie. Le cyclisme doit rester un sport d’attaquants, où il se passe plein de choses et surtout un sport qui donne envie à regarder. Certes, les audiences sont toujours élevées, mais il est nécessaire d’attirer un public un peu plus jeune tout en ciblant les anciens. L’une des priorités c’est peut-être de rendre le cyclisme plus télégénique.

L’équipe Wanty-Groupe Gobert espère participer à un Grand Tour. Vous voyez-vous faire partie de ce projet, vous qui n’avez jamais caché ne pas être attiré par le Tour ?
Effectivement, je n’ai jamais fait le Tour. On me l’a proposé plusieurs fois, mais je me suis souvent montré réfractaire à cette idée. Avec Wanty-Groupe Gobert, c’est un peu différent. C’est justement un projet ambitieux avec des coureurs qui montent comme Guillaume Martin. C’est un panaché de coureurs différents. Certes, ce n’est pas l’équipe Sky, elle n’en a pas le budget, mais c’est une équipe qui a un grand cœur. Je suis sûr qu’il y a pas mal de choses à faire avec elle sur un Tour de France. Ce serait une juste récompense pour les sponsors que de profiter de cette exposition médiatique.