En règle générale, la montagne n’accouche jamais d’une souris sur le Tour. Malheureusement cette édition 2012 se sera voulue relativement insipide sur ce terrain-là, à défaut de joutes fantastiques. Quelques piques ici et là mais pas la moindre banderille plantée dans la cuirasse jaune de Bradley Wiggins (Team Sky). Dans la logique des choses, impossible donc d’imaginer que le coup de grâce puisse être porté dans la dernière étape pyrénéenne, aujourd’hui, alors que la course repart de Luchon (Haute-Garonne) pour rallier le sommet inédit de Peyragudes (Hautes-Pyrénées) après 143,5 kilomètres. Bradley Wiggins fait route vers la victoire finale et une remontée triomphale des Champs-Elysées dans trois jours. Même le ciel londonien et ses nuages bas accrochés aux cimes salue déjà ce matin le succès auguré du champion britannique.

C’est une dix-septième étape courte, pas autant que celle de l’Alpe d’Huez l’an passé, quand les favoris avaient mis le feu aux poudres dès les premières pentes, mais suffisamment inspiratrice pour ceux ayant encore quelque chose à attendre de ce Tour de France qui s’achève. La purée de pois qui s’est invitée au sommet du col de Menté par son versant le plus ardu (9,3 km à 9,1 %) invite Thomas Voeckler (Team Europcar) à en ajouter d’autres à son maillot distinctif. Héroïque hier à travers quatre des géants pyrénéens, le Français n’a pourtant pas fait le plus dur. Son second au classement de la montagne, le Suédois Fredrik Kessiakoff (Astana), n’a que 4 points de retard et a bien l’intention de gommer sa mince différence dans les ascensions proposées tout au long de la journée : le col de Menté disions-nous, mais aussi le col des Ares, la côte de Burs, le Port de Balès et l’ascension finale vers la station de Peyragudes.

C’est donc sur fond de duel que démarre cette grise journée. En route pour les nuages de Menté, les attaques se succèdent. Voeckler marque Kessiakoff à la culotte. Il n’aime pas trop courir ainsi mais le Suédois ne lui laisse pas le choix. Offrant une superbe opposition à l’Alsacien, il oblige encore le Français à se démener au sommet de chacune des ascensions. Mais Thomas Voeckler a des ressources et une grosse volonté. Il confisque les points à son adversaire en haut du col de Menté et en fera de même sur les difficultés suivantes, s’assurant de ramener dimanche le maillot à pois de meilleur grimpeur à Paris, en plus de ses deux victoires d’étapes. Franchement, on n’aurait pas parié sur un tel numéro du Français au départ de Liège il y a bientôt trois semaines, quand il s’était présenté à court de forme, une douleur tenace au genou droit.

Chris Froome apprend plus que jamais la notion de sacrifice envers son leader.

C’est la descente du col de Menté, enveloppée d’un épais brouillard, qui va faciliter la formation de la bonne échappée. Dans une atmosphère so british, Vincenzo Nibali (Liquigas-Cannondale) file à l’anglaise. Le grimpeur/descendeur italien lâche un peloton précautionneux et sur les freins pour se joindre à un groupe qui fleure la bonne échappée. 3ème du Tour, le Sicilien vise davantage la victoire d’étape qu’une opération à réaliser au général. Mais les deux allant de pair, il est rapidement pris en chasse par les Sky à la sortie du brouillard. C’est Alejandro Valverde (Movistar Team), parti lui aussi dans l’échappée, qui somme le Sicilien de se relever au kilomètre 39. Il en va de la réussite d’un coup qui s’étoffe dans la vallée pour comprendre dix-sept individus que sont Azanza, Casar, Faria Da Costa, Hoogerland, Izaguirre, Kadri, Kesiakoff, Leipheimer, Martinez, Péraud, Plaza, Stortoni, Ten-Dam, Valverde, Vinokourov, Voeckler et Weening.

Vincenzo Nibali rejoint par le peloton, il ordonne à ses troupes de prendre l’échappée en chasse. Mais en dépit d’une organisation défaillante en tête de course, l’écart plafonne autour des trois minutes. Fort de cet avantage, Alejandro Valverde ne tergiverse plus. Dans la montée du Port de Balès, alors que le groupe de tête s’égrène, l’Espagnol se lance en solitaire à l’assaut des 3,5 derniers kilomètres d’ascension et surtout des 35 derniers kilomètres de course. A la bascule, il possède 2’30 » d’avance sur le groupe Maillot Jaune. Il abordera la montée de Peyresourde puis de Peyragudes avec une épée de Damoclès au-dessus de la tête mais préservera au final 19 secondes dans les raides pourcentages finaux pour sauver un Tour compliqué par des chutes et ennuis mécaniques à répétition, ce qui lui vaut la 20ème place du général.

Au général, d’ailleurs, les positions sont amenées à se confirmer. Les accélérations de Jurgen Van Den Broeck (Lotto-Belisol) ou Thibaut Pinot (FDJ-BigMat) dans Peyresourde ne font qu’accentuer la sélection par l’arrière. Haimar Zubeldia (RadioShack-Nissan) 5ème ce matin connaît un jour sans, Cadel Evans (BMC Racing Team) cède plus haut, puis vient le tour de Vincenzo Nibali. Finalement, il ne reste plus que les Français Thibaut Pinot et Pierre Rolland (Team Europcar) pour accompagner, avec Van Den Broeck, le tandem Wiggins-Froome. Ce dernier, certainement le meilleur grimpeur du peloton du Tour 2012, apprend plus que jamais la notion de sacrifice envers son leader, qu’il décroche plusieurs fois à la pédale. Rappelé à l’ordre, le bouillant Chris Froome doit ronger son frein en silence, rompu à un rôle de gregario qui l’empêche d’aller chercher un nouveau succès d’étape. A Peyragudes, Valverde saura ce soir à qui devoir son salut.

Demain vendredi, le Tour entamera sa remontée vers Paris entre Blagnac et Brive-la-Gaillarde (222,5 km).

Classement 17ème étape :

1. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) les 143,5 km en 4h12’11 » (34,1 km/h)
2. Christopher Froome (GBR, Team Sky) à 19 sec.
3. Bradley Wiggins (GBR, Team Sky) m.t.
4. Thibaut Pinot (FRA, FDJ-BigMat) à 22 sec.
5. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) à 26 sec.
6. Jurgen Van Den Broeck (BEL, Lotto-Belisol) m.t.
7. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) à 37 sec.
8. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 54 sec.
9. Christopher Horner (USA, RadioShack-Nissan) à 1’02 »
10. Daniel Martin (IRL, Garmin-Sharp) à 1’11 »

Classement général :

1. Bradley Wiggins (GBR, Team Sky) en 78h28’02 »
2. Christopher Froome (GBR, Team Sky) à 2’05 »
3. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) à 2’41 »
4. Jurgen Van Den Broeck (BEL, Lotto-Belisol) à 5’53 »
5. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 8’30 »
6. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 9’57 »
7. Haimar Zubeldia (ESP, RadioShack-Nissan) à 10’11 »
8. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) à 10’17 »
9. Janez Brajkovic (SLO, Astana) à 11’00 »
10. Thibaut Pinot (FRA, FDJ-BigMat) à 11’46 »

Classement par points :

1. Peter Sagan (SVQ, Liquigas-Cannondale) 356 pt
2. Andre Greipel (ALL, Lotto-Belisol) 254 pt
3. Matthew Goss (AUS, Orica-GreenEdge) 203 pt
4. Mark Cavendish (GBR, Team Sky) 130 pt
5. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Team Sky) 127 pt
6. Bradley Wiggins (GBR, Team Sky) 124 pt
7. Christopher Froome (GBR, Team Sky) 108 pt
8. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 100 pt
9. Thomas Voeckler (FRA, Team Europcar) 91 pt
10. Vincenzo Nibali (ITA, Liquigas-Cannondale) 91 pt

Classement de la montagne :

1. Thomas Voeckler (FRA, Team Europcar) 134 pt
2. Fredrik Kessiakoff (SUE, Astana) 123 pt
3. Chris-Anker Sörensen (DAN, Team Saxo Bank-Tinkoff Bank) 77 pt
4. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) 63 pt
5. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 51 pt
6. Christopher Froome (GBR, Team Sky) 48 pt
7. Egoi Martinez (ESP, Euskaltel-Euskadi) 43 pt
8. Thibaut Pinot (FRA, FDJ-BigMat) 40 pt
9. Brice Feillu (FRA, Saur-Sojasun) 38 pt
10. Daniel Martin (IRL, Garmin-Sharp) 34 pt

Classement de la combativité :

1. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team)

Classement des jeunes :

1. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) en 78h36’32 »
2. Thibaut Pinot (FRA, FDJ-BigMat) à 3’16 »
3. Steven Kruijswijk (PBS, Rabobank) à 1h00’38 »
4. Gorka Izaguirre (ESP, Euskaltel-Euskadi) à 1h02’37 »
5. Rein Taaramae (EST, Cofidis) à 1h12’23 »
6. Rafael Valls (ESP, Vacansoleil-DCM) à 1h18’44 »
7. Peter Sagan (SVQ, Liquigas-Cannondale) à 1h24’46 »
8. Dominik Nerz (ALL, Liquigas-Cannondale) à 1h29’28 »
9. Edvald Boasson-Hagen (NOR, Team Sky) à 1h36’20 »
10. Davide Malacarne (ITA, Team Europcar) à 1h40’19 »

Classement par équipes :

1. RadioShack-Nissan (LUX) en 235h40’21 »
2. Team Sky (GBR) à 14’09 »
3. BMC Racing Team (USA) à 36’21 »
4. Astana (KAZ) à 39’20 »
5. Team Europcar (FRA) à 1h03’07 »
6. Liquigas-Cannondale (ITA) à 1h05’27 »
7. Movistar Team (ESP) à 1h08’04 »
8. Team Katusha (RUS) à 1h10’16 »
9. FDJ-BigMat (FRA) à 1h19’12 »
10. Ag2r La Mondiale (FRA) à 1h35’19 »