Jimmy, peut-on dire qu’un Tour de France réussi tient à 28 millimètres, soit l’écart qui a séparé Bryan Coquard de Marcel Kittel à Limoges ?
Dans le milieu du sprint, ça ne se joue jamais à grand-chose. Cette année, on peut considérer que nous n’avons pas eu la chance de notre côté. Ça s’est confirmé sur la dernière étape avec la crevaison de Bryan dans le final. Il faut penser au futur. Nous avons des coureurs d’avenir et notamment un grand sprinteur en la personne de Bryan. Les coureurs qui travaillent autour de lui sont également très jeunes. Nous allons continuer de travailler pour que les petits centimètres qui sont en notre défaveur actuellement tournent à notre avantage dans les années qui viennent.

Bryan Coquard a-t-il passé un cap sur le Tour, en tant que sprinteur mais aussi en tant que leader ?
Oui, je pense que c’est vrai dans les deux cas. Depuis cet hiver, nous avons senti qu’il avait bien évolué physiquement, qu’il avait progressé mentalement également. Il est plus posé, plus professionnel. C’est ce que nous attendions de lui. Sur le Tour il l’a été aussi même s’il n’y a pas de victoire au bout. Nous sommes exigeants avec les coureurs qui sont autour de lui et avec lui. Mais je pense que nous sommes une équipe d’avenir pour le sprint.

Votre rôle dans la section sprint est crucial. Quels sont les points que Bryan doit, selon vous, améliorer ?
A l’arrivée à Limoges, quand il perd pour 28 millimètres, je pense qu’il jette mal son vélo. Ça se joue à rien ! Je pense qu’il est devant Marcel Kittel, qui lui même ne le jette pas très bien, mais un peu mieux que lui. Bryan n’a que 24 ans, il est encore relativement jeune. C’est son troisième Tour de France. Sur des arrivées comme à Limoges, c’est, avec Peter Sagan, l’un des meilleurs au monde. Je me répète, mais nous allons continuer à travailler autour de lui, à renforcer l’équipe pour les années à venir.

Comment jugez-vous l’apport d’Adrien Petit arrivé cet hiver et devenu son poisson-pilote attitré ?
Ça se passe très bien. Ce sont deux bons amis. C’est toujours mieux pour établir une relation de confiance et faire les sacrifices nécessaires. Adrien manque encore d’expérience sur les courses de très haut niveau et notamment le Tour de France. C’était aussi en quelque sorte une découverte pour lui d’être le poisson-pilote d’un sprinteur qui peut viser une victoire d’étape. Il a beaucoup appris cette année. Il sera encore meilleur dans les années à venir. C’est loin d’être une surprise pour nous de le voir à ce niveau depuis le début de l’année. Nous le suivons depuis quelques temps et nous étions persuadés qu’il allait apporter beaucoup à Bryan.

Est-il forcément plus difficile de lutter face aux grosses armadas quand on possède le troisième plus petit budget du Tour ?
Personnellement, je fais avec les coureurs que nous avons au sein de l’effectif au début de saison. J’occulte complètement la question du budget. Nous avons pris le départ du Tour avec neuf coureurs en qui nous avions confiance. Ils se sont donnés à 100%. C’est déjà notre priorité. Sur l’étape des Champs-Elysées, nous avons vu un très bon Thomas Voeckler, un Sylvain Chavanel présent. C’est primordial pour l’équipe de voir que tous les coureurs s’investissent, qu’il s’agisse d’un Voeckler ou d’un néo-pro.

Voeckler, Chavanel, des coureurs habitués à prendre les échappées et que l’on a moins vu cette année…
C’est vrai, mais Sylvain termine tout de même 5ème au Mont Ventoux et Thomas finit 6ème à Finhaut-Emosson. Ça montre qu’on ne les bride pas pour autant. Ils ont parfois leur carte personnelle à jouer. En revanche, dès qu’une arrivée au sprint se présente, c’est tout pour Bryan. Ils l’acceptent volontiers. Avec leur force physique, ce sont des coureurs qui peuvent faire la différence sur le final d’une étape.

La déception vient-elle de vos grimpeurs, Romain Sicard et Fabrice Jeandesboz ?
Effectivement, c’est un peu en deçà de ce que nous pouvions espérer. Mais ils n’étaient pas complètement à la rue. Fabrice était à l’attaque sur l’avant-dernière étape mais est distancé dans une descente. Romain a beaucoup tenté, sans être dans de grandes journées. On ne peut pas reprocher à ces coureurs de ne pas être tout le temps à 100 %. Ils feront la Vuelta derrière. En travaillant autour d’un sprinteur, une certaine tension se crée et tout le monde ne la vit pas de la même façon. Nous n’avons donc pas grand-chose à leur reprocher. Ils n’étaient pas à 100 %, mais leur investissement était irréprochable.

Votre groupe au Tour d’Espagne s’articulera donc davantage autour de vos grimpeurs qu’autour de Bryan Coquard qui visera les Mondiaux mi-octobre ?
C’est exactement ça. Il était prévu que Fabrice et Romain doublent Tour et Vuelta. Le Tour était une bonne rampe de lancement pour eux en vue de la Vuelta où ils ont affiché de belles performances ces deux dernières années. Ils vont maintenant se reposer et se concentrer en vue de cet objectif, là où Bryan va couper avant de rattaquer avec le Championnat du Monde dans le viseur. L’objectif est encore lointain. Il doit d’abord couper après un début de saison très chargé et le Tour très stressant. Il doit donc repartir sur un nouveau cycle avant Doha.

Propos recueillis à Paris le 24 juillet 2016.