Stéphane, il y a un mélange de satisfaction et de déception après ce chrono ?
La satisfaction c’est que l’on reste sur le podium même si on aurait préféré rester deuxième derrière Chris Froome. On espérait même un peu mieux même si on savait que ça allait être compliqué puisque Chris Froome misait tout la-dessus. Même s’il a été acteur dans l’Izoard on sentait qu’il était impatient d’en découdre dans le contre-la-montre. Romain a livré ce qu’il pouvait faire de mieux aujourd’hui. Félicitations à Rigoberto Uran qui est allé chercher cette brillante deuxième place. On reste sur le podium. Ce qu’il faut retenir c’est que l’équipe Ag2r La Mondiale réalise son troisième podium depuis 2014. Elle s’installe dans le haut du tableau du Tour de France. Pour Romain Bardet, ça n’était pas évident de confirmer sa deuxième place de l’année dernière. Il avait une énorme pression sur les épaules et il a assumé. Il a été grandiose car il a attaqué. A l’instar de ses équipiers, il n’a pas cherché à jouer placé sur ce Tour. Il a voulu aller chercher la victoire et malgré tout il reste sur le podium. Avec la victoire d’étape dans les Pyrénées en plus, c’est une grande satisfaction. Ça donne encore plus de rage et d’envie de travailler et de continuer à grandir avec lui. On va essayer de grappiller des secondes petit à petit sur Chris Froome.

Est-ce que c’est Ag2r La Mondiale qui s’est rapproché de Sky ou plutôt Romain Bardet qui s’est rapproché de Chris Froome ?
Les deux. C’est d’abord lui qui tire l’équipe vers le haut. C’est un professionnel à 200 %. Il ne néglige rien donc il nous fait grandir. On l’accompagne et on le guide parfois. Et lui parfois nous guide aussi. C’est un échange. C’est un travail collectif de tout le staff mais également des personnes qui ne sont pas sur le Tour de France. L’équipe Ag2r La Mondiale c’est une grosse structure et il n’y a que la partie visible de l’iceberg qui est sur le Tour. Mais toute la partie invisible travaille aussi énormément au quotidien à la réussite de cette équipe. Et Romain, qui fait partie de la partie visible, en bénéficie. Il nous pousse vers le haut. Et on continue de grandir avec lui car il ne faut pas oublier qu’il est encore très jeune. Et à cet âge-là je ne pense pas que Chris Froome avait déjà ce niveau-là. On va continuer à progresser sans s’enflammer. On va continuer à courir comme il aime, toujours pour essayer de faire le meilleur résultat possible. Et le meilleur résultat possible en sport c’est la victoire !

Dans quelles dispositions physiques a-t-il abordé ce contre-la-montre ? Était-il émoussé en troisième semaine ?
Non il a très bien fini. L’Izoard ça n’était pas il y à six mois ! C’était il y a deux jours. Aujourd’hui c’était un chrono particulier. Romain aime bien reconnaître énormément les chronos et, au même titre que les autres coureurs, on n’a pas eu beaucoup de temps pour le faire. Il a tout donné avec la forme du jour mais la condition est excellente.

Le podium se joue à une seconde. N’y-a-t-il pas eu un peu de tension au sein du staff ?
Tension le mot est faible ! J’ai 47 ans et là, au moment où je vous parle j’en ai 77 ! Oui, la tension il y en a eu beaucoup.

Et si Romain avait terminé quatrième…
Ça aurait été une déception car on a couru pour faire le meilleur résultat possible. On est troisième, on a été deuxième. Franchement, redescendre du podium ça aurait été injuste.

Qu’est ce qu’il manque à l’équipe, sur le plan des individualités, pour encore franchir un palier ?
Vous verrez après le 1er août si on arrive à finaliser les contrats avec les coureurs avec lesquels nous sommes en contact. Il nous manque plein de petits détails que l’on ne va pas dévoilés. On va travailler au quotidien sur ces petits détails. Maintenant c’est comme en Formule 1, c’est la course à celui qui va trouver le petit truc pour progresser, en termes de nutrition et d’avancées technologiques. Et vous avez vu à quel point ça peut avoir de l’importance, notamment sur le contre-la-montre. On a vraiment beaucoup travaillé la-dessus, notamment grâce à Factor, qui nous apporte un superbe produit. Et ce matériel là a fait progresser l’équipe dans son ensemble sur les chronos.

Dans le col de Vars, vous avez pris vos responsabilités. Ça passe par là aussi la progression de l’équipe ?
Bien sûr. Et on le voit : les coureurs qui ont roulé auraient sans doute été lâchés dans d’autres circonstances. Quand on roule pour un leader on est transcendé. On travaille depuis le début de l’année dans cette optique. Ça n’est pas que sur le Tour, c’est sur beaucoup d’autres courses que l’on met en place cette tactique. Même si ça paraît aberrant, ça permet de travailler. Car on n’est pas Sky, ce n’est pas naturel pour Ag2r La Mondiale de travailler à l’avant du peloton en supportant cette pression-là. Il faut réussir à la faire accepter aux garçons.  Et on a vu sur le col de Vars qu’ils se débrouillaient pas mal.