Tout au long du Tour de France, des personnalités du cyclisme reviennent avec nous sur une édition qui les a marquées, un moment fort qu’elles ont vécu de près ou de loin.

Robbie, à partir de quelle année avez-vous commencé à suivre le Tour de France en Australie ?
Je pense que c’était 1991, l’année de la première victoire de Miguel Indurain. Petit clin d’oeil, le Tour était diffusé sur SBS Television, la chaîne avec laquelle je travaille désormais avec un petit résumé de 30 minutes aux alentours de 18h30 en Australie, soit quinze heures après l’arrivée. Et encore, sur ces 30 minutes, il n’y avait que huit minutes de course. C’est là que j’ai commencé à apprécier l’image du Tour de France. Et pour moi qui étais un sprinteur, je n’avais d’yeux que pour Djamolodine Abdoujaparov, Olaf Ludwig et les autres. Je regardais le Tour tous les jours, y compris les contre-la-montre et les étapes de montagne. Mais les parties les plus excitantes étaient pour moi les sprints.

C’est à partir de ce moment que vous avez voulu courir en Europe ?
Non, je suivais cela chaque année. Je n’ai commencé le vélo qu’à dix-huit ans, venant du BMX. J’ai commencé au bas de l’échelle et j’ai commencé à m’améliorer. Lors de mes trois premières années, je ne pensais pas être prêt à venir courir en Europe. Et c’est finalement arrivé en 1994 quand j’ai participé à la Course de la Paix qui était à l’époque une épreuve de référence chez les amateurs. Je ne savais pas à quoi m’attendre pour ma première course et j’ai finalement remporté trois étapes. Le niveau moyen des coureurs en Europe était cependant beaucoup plus élevé. Mais je n’ai pas trouvé cela beaucoup plus difficile puisque j’ai réussi à gagner. Le niveau était bon, mais j’ai pris conscience que j’étais suffisamment bon pour les battre. Au moins sur les sprints.

Comment s’est poursuivi votre apprentissage ?
J’ai fait toute la saison en Europe après la Course de la Paix jusqu’en septembre. J’ai participé au Tour de l’Avenir notamment. Nous n’étions que des amateurs avec l’équipe australienne et nous affrontions de jeunes professionnels dans les équipes européennes. Il s’agissait pour moi d’un gros test. Il s’est bien passé puisque j’ai remporté la première étape. J’ai eu ensuite beaucoup plus de difficultés. Je me suis battu pour terminer. D’une certaine façon c’était comme un petit Tour de France. Ça m’a fait prendre conscience que je pouvais passer professionnel.

Déjà à l’époque, la montagne n’était pas votre meilleure amie…
Dès mon arrivée en Europe, j’ai senti que la montagne était différente en Europe par rapport à l’Australie. Après la Course de la Paix, nous étions en Autriche, dans les Alpes, et je n’avais rien vu de tel. J’appréciais les paysages qu’elle pouvait offrir, mais c’était une autre histoire sur le vélo !

Et finalement vous avez découvert le Tour de France en 1997 sous les couleurs de l’équipe Rabobank ?
Je venais d’avoir 25 ans. Mon meilleur résultat était une 4ème place à Bordeaux. Mais je me suis montré régulier en faisant six Tops 10 au total. C’était un Tour particulièrement difficile en raison de la vitesse moyenne. Je me sentais rapide dans les sprints, mais pas assez fort pour être à l’avant. C’était particulièrement difficile lors des étapes de montagne où j’ai énormément souffert. Mais j’ai fini. J’étais déterminé à rallier Paris même si je ne me souviens pas vraiment de mon sprint aux Champs-Elysées. J’étais totalement épuisé.

Ce sprint si particulier, vous l’avez remporté par deux fois en 1999 et 2002. Laquelle de ses victoires a le plus de valeur ?
Je ne pourrais vraiment pas choisir entre les deux. La première était particulière pour moi puisqu’il s’agissait de ma première victoire d’étape sur le Tour. Celle de 2002 l’est tout autant puisque je remportais le maillot vert pour la première fois de ma carrière en battant Erik Zabel qui l’avait remporté les six années auparavant. Remporter l’étape des Champs-Elysées avec le maillot vert, c’est ce dont rêvent tous les sprinteurs.

Le niveau chez les sprinteurs était plus relevé sur le Tour que sur les autres Grands Tours ?
Il y a beaucoup plus d’intensité oui et le niveau moyen est plus relevé. J’ai participé à dix Tours d’Italie mais je n’ai jamais terminé afin de garder de l’énergie pour le Tour. J’ai pris le départ de quatre Vuelta, dont une que je voulais terminer en 2001, c’est ce que j’ai fait. J’ai voulu essayer de remporter une étape de chaque Grand Tour sur une saison, mais ça n’a pas fonctionné.

Quelles sont les principales différences que vous notez entre les sprints à votre époque et les sprints actuels ?
Les autres sprinteurs durant mes années comme Mario Cipollini, Alessandro Petacchi, Erik Zabel avaient un vrai train à leur disposition pendant que je n’avais qu’un ou deux coéquipiers avec moi. Mais ça a bien fonctionné pour moi. J’aimais la manière dont je remportais mes victoires. Il fallait avoir à la fois la vitesse et la bonne tactique, prendre les bonnes décisions. Aujourd’hui, on voit toujours ces grands trains, mais cette année sur le Tour, peu d’entre eux ont été récompensés.