L’histoire aurait pu être superbe. Echappé toute la journée, à l’offensive dans le Grand Colombier puis seul en tête dans le Mont du Chat, Warren Barguil (Team Sunweb) a basculé vers Chambéry avec une poignée de secondes d’avance sur le groupe maillot jaune. Repris sur la partie plate menant à la ligne d’arrivée, le Breton a eu le temps de récupérer dans les roues avant de tout donner dans le sprint, qu’il conclut en levant le bras. Les larmes aux yeux, il savoure cet instant unique que représente une victoire d’étape sur le Tour. Mais le jeune homme, qui a été dirigé par erreur vers la zone d’interviews, se trompe. La photo-finish, décidément d’une grande aide sur ce Tour, montre que Rigoberto Uran (Cannondale-Drapac) le devance d’un rien. Un rebondissement qui est venu conclure une journée dantesque qui marquera cette édition 2017.

En écoutant les coureurs sur l’aire d’arrivée hier soir, beaucoup parlaient de cette terrible 9ème étape, annoncée comme la reine de ce Tour de France. Il faut dire que les sept ascensions programmées, et plus particulièrement les trois cols hors-catégories, avaient de quoi faire frémir les meilleurs escaladeurs du peloton. Mais en montagne, les descentes ont autant leur rôle. Et elles auront autant animé la journée que les montées.

Très rapidement, dès les premières pentes du jour imposées par la côte des Neyrolles (3,2 km à 7,2 %), un groupe d’une quarantaine d’unités se forme sous l’impulsion de Tim Wellens (Lotto-Soudal) et Thibaut Pinot (FDJ), premiers attaquants du jour. Parmi ces hommes fort, Jan Bakelants, Axel Domont, Alexis Vuillermoz (Ag2r La Mondiale), Warren Barguil, Simon Geschke, Michael Matthews, Laurens Ten Dam (Team Sunweb), Tiesj Benoot, Thomas De Gendt, Tony Gallopin, Tim Wellens (Lotto-Soudal), Carlos Betancur, Jesus Herrada (Movistar Team), Sylvain Chavanel, Thomas Voeckler (Direct Energie), Alessandro De Marchi, Amaël Moinard (BMC Racing Team), Bauke Mollema, Jarlinson Pantano (Trek-Segafredo), Daniel Navarro (Cofidis), Primoz Roglic (Team LottoNL-Jumbo), Pierre Rolland (Cannondale-Drapac) et Zdenek Stybar (Quick-Step Floors).

Il faut cependant attendre le premier col hors catégorie de ce Tour, le col de la Biche (10,5 km à 9 %), pour observer un réel changement de rythme destiné à écrémer ce groupe de tête. En surnombre, le Team Sunweb prend les choses en main grâce à un gros travail de Laurens Ten Dam. L’écart augmente jusqu’à 6 minutes mais la descente technique menant au pied du Grand Colombier (8,5 km à 9,9 %) va rebattre les cartes. Plus de Thibaut Pinot à l’avant, pas tant en jambe, mais surtout exit Geraint Thomas (Team Sky) à l’arrière. Tombé lourdement, le Britannique, qui occupait la 2ème place du général ce matin, se retrouve contraint de renoncer à la course, poussé à la faute par le rythme soutenu de l’équipe Ag2r La Mondiale.

Mais l’effet toboggan qui devait lancer les coureurs vers le Grand Colombier n’a pas eu lieu, et les favoris décidèrent d’attendre l’ultime ascension de la journée pour s’expliquer. Ce ne sera pas le cas pour l’échappée, qui se réduira petit à petit pour ne laisser que Benoot et Barguil devant. Mais la route vers Chambéry est encore longue, et une quinzaine de coureurs se retrouvent à l’avant après le sommet. En vain puisque Barguil, largement le plus fort du groupe, s’isolera dans les forts pourcentages du Chat avant de se faire rattraper à dix kilomètres de la ligne.

Le Mont du Chat (8,7 km à 10,3 %) aura par contre permis une belle explication entre les favoris, ce qui réduira la liste des candidats au podium. Avec comme premier déclencheur Fabio Aru (Astana) qui aura osé attaquer le maillot jaune. Mais cette offensive risque de faire couler beaucoup d’encre. Placé quelques mètres derrière Froome (Team Sky), le champion d’Italie a en effet accéléré dès que le Britannique a levé le bras pour appeler sa voiture. Suivi par le reste de la troupe, personne n’a voulu le relayer et tous ont tenu à respecter le leader de la course. Visiblement, ce n’était pas la priorité de l’Italien qui récoltera même un coup de coude de Froome, involontaire ou pas, une fois celui-ci ramené par ses équipiers. Ambiance prometteuse d’un sacré duel en perspective.

Si chacun y est allé de son accélération, ce ne sera pas le cas d’Alberto Contador (Trek-Segafredo) et de Nairo Quintana (Movistar Team). Les deux hommes ont perdu plusieurs minutes et sûrement toute ambition de podium, pas assez forts pour suivre le maillot jaune. Mais cette étape pleine de rebondissements va prendre une tournure tragique lorsque Richie Porte (BMC Racing Team) chutera dans la descente du Mont du Chat. Les images montrant l’Australien percuter à pleine vitesse la paroi rocheuse bordant la petite route de montagne font frémir. Transporté d’urgence à l’hôpital, le Tasmanien était conscient mais peut faire une nouvelle croix sur ses rêves de maillot jaune.

Ce final tortueux n’empêchera pas Romain Bardet (Ag2r La Mondiale) de faire le descente à fond et d’obtenir une avance de 20 secondes au bas. Mais la route plate en direction de la ligne va desservir au Français qui terminera finalement 4ème du sprint. La suite, on la connaît. Uran, dont le dérailleur s’est bloqué sur le 11 dents dans le final, aura assez de puissance pour que Barguil ne puisse pas le remonter. Et prendre sa revanche sur le Français, qui lui avait fait le même coup sur la Vuelta en 2013. Quelques minutes auront une fois de plus été nécessaires pour désigner le vainqueur, annonce qui conclut une de ces journées folles qui nous font tant aimer le Tour de France. – Adrien Godard

Classement 9ème étape :

1. Rigoberto Uran (COL, Cannondale-Drapac) les 181,5 km en 5h07’22 » (35,4 km/h)
2. Warren Barguil (FRA, Team Sunweb) m.t.
3. Christopher Froome (GBR, Team Sky) m.t.
4. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) m.t.
5. Fabio Aru (ITA, Astana) m.t.
6. Jakob Fuglsang (DAN, Astana) m.t.
7. George Bennett (NZL, Team LottoNL-Jumbo) à 1’15 »
8. Mikel Landa (ESP, Team Sky) m.t.
9. Daniel Martin (IRL, Quick-Step Floors) m.t.
10. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) m.t.

Classement général :

1. Christopher Froome (GBR, Team Sky) en 38h26’28 »
2. Fabio Aru (ITA, Astana) à 18 sec.
3. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) à 51 sec.
4. Rigoberto Uran (COL, Cannondale-Drapac) à 55 sec.
5. Jakob Fuglsang (DAN, Astana) à 1’37 »
6. Daniel Martin (IRL, Quick-Step Floors) à 1’44 »
7. Simon Yates (GBR, Orica-Scott) à 2’02 »
8. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) à 2’13 »
9. Mikel Landa (ESP, Team Sky) à 3’06 »
10. George Bennett (NZL, Team LottoNL-Jumbo) à 3’53 »