La partie de cache-cache à laquelle s’adonnent les favoris depuis le départ ne pouvait plus durer alors que le Giro entre brutalement en haute-montagne. La Vuelta avait fait fort l’an dernier en proposant une étape à 5100 mètres de dénivelé ? Le Giro joue la surenchère en proposant au menu de son étape-reine 5400 mètres de dénivelé, six cols, dont cinq au-dessus des 2000 mètres. Sur une telle étape, la course rose devait obligatoirement s’emballer. Les jambes ne peuvent pas mentir, les prétendants au maillot rose sont dans l’obligation de dévoiler leur jeu et de montrer leur vrai visage. Cette étape allait à coup sûr fournir des enseignements sur les chances de chacun de parader en rose à Turin dans un peu plus d’une semaine. Les informations qu’elle a livrées sont nombreuses, le classement général s’en verra bouleversé, mais certainement pas dans le sens que les suiveurs attendaient.

Longtemps, la montagne a pourtant semblé accoucher d’une souris. Le peloton des favoris monte au train les quatre premiers cols de la journée, laissant une échappée constituée à l’origine de plus de trente hommes prendre le large. Leur avance flirte avec les 10 minutes et la victoire d’étape semble envisageable pour ce groupe finalement limité aux seuls David Lopez et Nicolas Roche (Team Sky), Darwin Atapuma (BMC Racing Team), Matteo Busato (Wilier Triestina-Southeast), David De La Cruz (Etixx-Quick Step), Pavel Kochetkov (Team Katusha), Maxime Monfort (Lotto-Soudal), Moreno Moser (Cannondale), Georg Preidler (Giant-Alpecin), Kanstantsin Siutsou (Dimension Data) et Andrey Zeits (Astana). Ils prennent alors en chasse un valeureux Ruben Plaza (Orica-GreenEdge), au moment d’aborder le mythique Passo Giau.

C’est là, à un peu plus de 50 kilomètres de l’arrivée d’une étape qui en comptait 210, que la physionomie change radicalement dans le peloton. L’accélération de l’équipe Astana, prenant alors le relais de l’équipe Movistar, affiche les limites de Bob Jungels (Etixx-Quick Step) et surtout, celles d’Andrey Amador (Movistar Team). Le Maillot Rose affiche déjà d’inquiétants signes de fébrilité tout en emmenant un braquet démesuré. Le Costaricain cède du terrain, passe le sommet avec 53 secondes de retard, mais rentre dans la descente qui amène les coureurs au pied du Passo Valparola. Tout cela n’était qu’un premier avertissement. La suite sera bien plus lourde de conséquences pour l’éphémère Maillot Rose, mais aussi, pour son coéquipier Alejandro Valverde. L’Espagnol est incapable d’encaisser le changement de rythme que lui impose Vincenzo Nibali (Astana).

Esteban Chaves et Steven Kruijswijk font sensation dans les Dolomites.

Il a suffi d’une attaque du Sicilien pour écarter celui qui était décrit comme son adversaire le plus sérieux au départ du Tour d’Italie. Le Murcien qui occupe alors la roue du champion d’Italie ne peut suivre le démarrage tranchant du Requin de Messine. Mais la démonstration de puissance du vainqueur du Giro 2013 ne lui permet pas de lâcher Rafal Majka (Tinkoff), Ilnur Zakarin (Team Katusha), et surtout Steven Kruisjwijk (Team LottoNL-Jumbo) et Esteban Chaves (Orica-GreenEdge) qui passent aussitôt à l’attaque. Le Néerlandais et le Colombien poussent Vincenzo Nibali dans ses retranchements. Mais l’Italien se montre incapable de prendre la roue des deux hommes qui profitent de cette étape épouvantable dans les Dolomites pour prendre un avantage sportif non-négligeable, mais également un avantage psychologique important.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, Esteban Chaves et Steven Kruijswijk seront les deux grands gagnants de cette étape absolument dantesque et pleine de surprises. Les favoris qui présentaient jusqu’alors un niveau plutôt homogène sont éparpillés sur la route des Dolomites. Les écarts qui se comptaient en secondes depuis le départ du Giro se chiffrent désormais en minutes. Alejandro Valverde en paye le prix fort en cédant 3 minutes tout rond au tandem néerlando-colombien, tout comme Domenico Pozzovivo (Ag2r La Mondiale). C’est toujours mieux qu’Andrey Amador à 3’52 ». Rigoberto Uran (Cannondale) lâche 2’50 » contre 2’29 » pour Ilnur Zakarin et Rafal Majka. Vincenzo Nibali lui s’en sort mieux en coupant la ligne 37 secondes après les deux grands gagnants du jour qui ont chacun droit à leur cerise sur leur gâteau.

Pour Steven Kruijswijk, le simple fait de devancer Nibali lui assurait le maillot rose. Le Néerlandais, 5ème du classement général au départ, est récompensé pour sa belle régularité. Il se présentera au départ du cronoscalata de l’Alpe de Suisi demain avec 41 secondes d’avance sur l’Italien. De son côté, le Colombien s’empare de la victoire d’étape, longtemps promise à son compatriote Darwin Atapuma. Le Colombien semblait avoir fait le plus dur en distançant ses deux derniers compagnons d’échappée Georg Preidler et Kanstantsin Siutsou dans le Passo Valparola. L’explication des favoris en a décidé autrement et le Sud-Américain bute dans les derniers kilomètres en faux-plat montant. Georg Preidler qui s’était accroché lance le sprint, mais Chaves le déborde à la sortie du dernier virage. L’étape-reine n’a pas déçu.

Demain, c’est un contre-la-montre en côte qui attend les coureurs du Giro entre Castelrotto et l’Alpe de Siusi (10,8 km CLM).

Classement 14ème étape :

1. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) les 210 km en 6h06’16 » (34,4 km/h)
2. Steven Kruijswijk (PBS, Team LottoNL-Jumbo) m.t.
3. Georg Preidler (AUT, Giant-Alpecin) m.t.
4. Darwin Atapuma (COL, BMC Racing Team) à 6 sec.
5. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) à 37 sec.
6. Kanstantsin Siutsou (BLR, Dimension Data) m.t.
7. Ilnur Zakarin (RUS, Team Katusha) à 2’29 »
8. Rafal Majka (POL, Tinkoff) m.t.
9. Rigoberto Uran (COL, Cannondale) à 2’50 »
10. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) à 3’00 »

Classement général :

1. Steven Kruijswijk (PBS, Team LottoNL-Jumbo) en 60h12’43 »
2. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) à 41 sec.
3. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) à 1’32 »
4. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 3’06 »
5. Andrey Amador (CRC, Movistar Team) à 3’15 »
6. Rafal Majka (POL, Tinkoff) à 3’29 »
7. Ilnur Zakarin (RUS, Team Katusha) à 3’53 »
8. Rigoberto Uran (COL, Cannondale) à 5’01 »
9. Kanstantsin Siutsou (BLR, Dimension Data) à 5’38 »
10. Jakob Fuglsang (DAN, Astana) m.t.

Classement par points :

1. Giacomo Nizzolo (ITA, Trek-Segafredo) 138 pt
2. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) 112 pt
3. Sacha Modolo (ITA, Lampre-Merida) 84 pt
4. Maarten Tjallingii (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 83 pt
5. Daniel Oss (ITA, BMC Racing Team) 80 pt
6. Matteo Trentin (ITA, Etixx-Quick Step) 80 pt
7. Andrey Amador (CRC, Movistar Team) 57 pt
8. Bob Jungels (LUX, Etixx-Quick Step) 52 pt
9. Alexander Porsev (RUS, Team Katusha) 50 pt
10. Giulio Ciccone (ITA, Bardiani-CSF) 47 pt

Classement de la montagne :

1. Damiano Cunego (ITA, Nippo-Vini Fantini) 134 pt
2. Stefan Denifl (AUT, IAM Cycling) 72 pt
3. Darwin Atapuma (COL, BMC Racing Team) 69 pt
4. Giovanni Visconti (ITA, Movistar Team) 61 pt
5. Mikel Nieve (ESP, Team Sky) 50 pt
6. David Lopez (ESP, Team Sky) 39 pt
7. Kanstantsin Siutsou (BLR, Dimension Data) 36 pt
8. Giulio Ciccone (ITA, Bardiani-CSF) 27 pt
9. Tim Wellens (BEL, Lotto-Soudal) 26 pt
10. Ruben Plaza (ESP, Orica-GreenEdge) 23 pt

Classement des jeunes :

1. Bob Jungels (LUX, Etixx-Quick Step) en 60h18’53 »
2. Sebastian Henao (COL, Team Sky) à 11’02 »
3. Davide Formolo (ITA, Cannondale) à 27’06 »
4. Valerio Conti (ITA, Lampre-Merida) à 47’39 »
5. Joe Dombrowski (USA, Cannondale) à 47’43 »
6. Carlos Verona (ESP, Etixx-Quick Step) à 49’56 »
7. Merhawi Kudus (ERY, Dimension Data) à 59’47 »
8. Damien Howson (AUS, Orica-GreenEdge) à 1h07’29 »
9. Nathan Brown (USA, Cannondale) à 1h20’24 »
10. Tobias Ludvigsson (SUE, Giant-Alpecin) à 1h23’03 »

Classement par équipes :

1. Astana (KAZ) en 180h53’26 »
2. Movistar Team (ESP) à 4’51 »
3. Cannondale (USA) à 16’54 »
4. Ag2r La Mondiale (FRA) à 20’30 »
5. Etixx-Quick Step (BEL) à 40’16 »
6. Team Sky (GBR) à 42’15 »
7. Tinkoff (RUS) à 47’42 »
8. Team Katusha (RUS) à 56’10 »
9. Dimension Data (AFS) à 1h19’17 »
10. Team LottoNL-Jumbo (PBS) à 1h23’18 »