Quelques jours avant de traumatiser les organismes des coureurs, les secteurs pavés de Paris-Roubaix martyrisaient aujourd’hui les amortisseurs de voiture. En tête du cortège d’une quinzaine de véhicules qui participait à la reconnaissance de l’Enfer du Nord, la voiture officielle d’Amaury Sport Organisation, conduite par Jean-François Pescheux, directeur de course, avec à ses côtés, Christian Prudhomme, directeur du Tour. Cette journée ressemble davantage à une visite de courtoisie qu’a une réelle inspection. Le travail ayant été bien déblayé en amont. Par ASO, mais pas seulement. Si les organisateurs officialisent un parcours déjà inspecté les semaines précédentes, pour d’autres, c’est l’occasion de sabrer le champagne. Pour l’association « Les Amis de Paris-Roubaix », la journée vient couronner un travail de longue haleine, entamé des mois, voire des années avant le passage des officiels. Son président, François Doulcier revient sur le rôle de l’association qu’il préside.

François, pouvez-vous décrire le rôle exact des « Amis de Paris-Roubaix » ?
L’association a été créée en 1977, elle a donc plus de 35 ans. Notre premier objectif est la préservation des secteurs pavés. De ce premier objectif, nous nous sommes rapidement tournés vers la phase d’entretien. Il ne suffit pas d’avoir les secteurs, encore faut-il les entretenir. Le troisième objectif est la promotion des courses de Paris-Roubaix.

En cette journée, c’est l’aspect de la rénovation qui est à l’honneur, comment décidez-vous des secteurs à rénover ?
Nous nous soumettons aux organisateurs qui nous livrent leur point de vue sportif. Ils repèrent les zones qui sont dégradées. Nous-mêmes, lors de nos reconnaissances, nous voyons les travaux à effectuer. Mais également les communes qui nous appellent pour nous faire part des endroits qui sont détériorés. Avec toutes ces informations, nous mettons à jour notre plan d’action. Le problème reste la priorisation. Mais aussi de trouver les fonds et les partenaires, comme la région, le conseil général, les communautés de commune ou d’agglomération et les lycées professionnels horticoles de Raismes, Douai et Lomme.

La rénovation la plus importante cette année est celle du secteur de Pont-Gibus qui revient après cinq ans d’absence, comment s’est-elle déroulée ?
On s’y est pris pendant quatre ans, on a travaillé avec la mairie de Wallers. On les a aidés à monter un dossier, à trouver un financement, mais aussi à trouver des pavés. Ce sont des particuliers qui nous en donnent. On essaye également d’en trouver sur les travaux de voirie, auprès des communautés de communes ou du conseil général. Tout s’est très bien passé, mais c’est une œuvre de longue haleine.

Comment se déroulent vos actions pendant l’année ?
On pourrait croire qu’on ne travaille qu’au mois d’avril ou un mois avant Paris-Roubaix. Mais en fait, nous sommes actifs toute l’année. Nos deux grands objectifs que sont la préservation et la promotion nous font « travailler » du 1er janvier au 31 décembre. Bien sûr, cela reste une passion. Le plan de nos travaux est constamment mis à jour. Nous avons un plan triennal, mais nous profitions des visites et des reconnaissances pour le mettre à jour. Pour les travaux, nous montons aussi des dossiers et cela prend parfois plusieurs années. Ce ne sont pas des choses que l’on peut monter en quinze jours ou un mois. Sur l’aspect promotion, nous avons plusieurs angles d’attaque. Nous avons une partie archives et documentation. Nous sommes en recherche constante de documents relatifs à la course. Nous organisons également une douzaine de manifestations par an, soit une par mois, ce qui demande une certaine préparation tout au long de l’année.

Ces manifestations, quelles sont-elles ?
Nous organisons des expositions, nous tenons des stands lors des courses qui ont un rapport avec les pavés. Nous mettons aussi à l’honneur d’anciens vainqueurs. Récemment, nous avons célébré la victoire d’Émile Daems qui a remporté Paris-Roubaix en 1963. C’était le cinquantième anniversaire de sa victoire, il est gentiment venu et nous avons fait une petite fête.

Combien y a-t-il de membres ?
Nous sommes 201. Nous avons environ 35 membres à l’international venant d’une quinzaine de pays. Des Australiens, Américains, Anglais, Néo-zélandais, Lituaniens, etc. Nous venons de franchir la barre des 200 cette année. On tournait autour des 180 et on a réussi à passer cette barre symbolique.

Quel est leur rôle ?
Ce qui est important pour eux c’est de participer à la préservation des secteurs pavés qui sont indispensables à la pérennité de la plus grande et la plus belle course au monde. Bientôt, nous espérons leur ouvrir les portes de notre local qui devrait ouvrir à proximité du vélodrome de Roubaix d’ici à la fin de l’année pour avoir accès à nos ressources documentaires.

Qu’est-ce qui vous a poussé à intégrer cette association ?
D’abord l’amour du cyclisme, puis l’amour du patrimoine. J’aime les vieilles pierres et j’aime le vélo, donc forcément on s’y retrouve ! Bien qu’étant né à Valenciennes, j’ai passé une partie de ma jeunesse à Paris où je faisais du vélo dans les rues pavées. Tout le monde trouvait cela épouvantable, mais pas moi. C’est comme cela que ça a démarré : en roulant sur les pavés de Paris. Maintenant, je roule régulièrement sur les secteurs pavés. Mais ce n’est pas un supplice. Au contraire, c’est une joie. J’aime pratiquer le vélo dans des conditions difficiles, que ce soit des cols ou des pavés. Je suis président depuis deux ans, mais je fais partie de l’association depuis une bonne dizaine d’années.

Qu’est-ce qu’évoque cette course pour vous ?
Une histoire d’hommes. Elle met en exergue les plus belles valeurs de l’être humain : le courage, la ténacité, le fait d’être dur au mal, de ne pas se plaindre, toujours aller de l’avant, etc. Les gens du Nord se retrouvent dans ces valeurs, et c’est pourquoi ils aiment Paris-Roubaix.

Votre association s’appelle les Amis de Paris-Roubaix, mais il n’y a donc pas « d’Ennemis de Paris-Roubaix »…
Non. Certains intérêts sont parfois contradictoires, mais on cherche toujours à trouver un consensus, à ne pas se monter les uns contre les autres pour mieux avancer.

Propos recueillis à Wallers le 2 avril 2013.