Julien Absalon au départ d’une cyclosportive, la Cyclo Valberg en l’occurrence, avec Pauline Ferrand-Prévot, quelle drôle d’idée ! Pour faire une sortie d’entraînement avec du rythme ? Pas question ! Le plan d’entraînement prévoit de la faire à fond, et la concurrence ne va pas respecter longtemps les cinq titres de champion du monde et les deux médailles d’or olympiques. Résultat ? Une course d’un bout à l’autre, un groupe de quatre encore compact à 7 kilomètres de l’arrivée, une première attaque, saignante pourtant, le retour de Cédric Dubois, seconde attaque, celle qui coupe le souffle, les jambes et finalement la tête. Finish en solo, avec 2 minutes d’avance. Avant ça, le champion a joué son rôle d’ambassadeur, numéro un de son sport. Il a signé des casques, posters, affiches, etc. Bref, tout ce qui passait par les mains des petit(e)s de l’école de VTT, qui revenaient d’un enduro tout à côté. Les petits satisfaits de leur après-midi, Julien Absalon, disponible comme toujours, est revenu sur les échéances à venir, ses adversaires à Rio, et sur les quatre années qui ont vite passé.

On a appris que Peter Sagan serait au départ de la course olympique en cross-country, qu’est-ce que cela t’inspire ? 
C’est sympa pour la discipline. Ça prouve aussi qu’il n’oublie pas d’où il vient. Je pense qu’il prend encore du plaisir à rouler en VTT. C’est clair qu’il va certainement manquer un peu de rythme même si on connaît ses talents de pilote. On l’a encore vu récemment, il a toujours un bon coup de guidon mais ça va encore être un peu juste pour lui pour être devant. Je ne le vois pas comme un adversaire direct. Il n’aura pas beaucoup de préparation en VTT après un Tour de France à fond pour le maillot vert. Mais en tout cas, c’est un clin d’œil sympa !

A propos d’adversaires, on a l’impression de revenir quatre ans en arrière : Jaroslav Kulhavy revient bien, il y a toujours le match entre toi et Nino Schurter. On a l’impression que la relève arrive un peu moins vite…
On voit quand même que derrière ça pousse avec notamment Maxime Marotte qui avait du mal à trouver une constance les années précédentes. Il pouvait faire un podium une semaine et une contre-performance une semaine après. Là, il est clairement dans le coup depuis le début de la saison, tout le temps sur le podium. Et puis, nos espoirs français arrivent vraiment très fort. Je pense surtout au gros pari payant de Victor Koretzky de se surclasser en Elite pour tenter la sélection alors qu’il court en Espoirs. Ça prouve qu’il y a une très grosse relève en France qui arrive. En Suisse, la révélation de l’année est mon coéquipier Lars Förster qui va chercher la troisième place de la sélection (NDLR : avec Nino Schurter et Mathias Flückiger) alors que ce n’était pas facile. Pour l’instant, pour les victoires, il n’y a pas eu de bouleversements de hiérarchie mais il y a un bouleversement sur les podiums. Peut-être qu’un jour ça va pousser un peu pour la première marche.

Quels sont les domaines où Nino Schurter et Jaroslav Kulhavy ont progressé ou régressé depuis 2012 ?
Avec Nino Schurter, je pense qu’on a chacun progressé dans le domaine de l’autre, à tel point que cette année, on a inversé les rôles ! C’est-à-dire que lui a tellement progressé en montée et sur le physique qu’il est capable de me mettre dans le dur dans les portions où c’est moi qui le mettais en difficulté avant. De mon côté, j’ai beaucoup travaillé cet hiver en technique et maintenant j’arrive à le mettre dans le dur en descente. Finalement, à travailler les points forts de l’autre, on en fait ses propres atouts. Concernant Jaroslav, je n’ai pas eu l’occasion de rouler avec lui même s’il n’est pas loin derrière. Son énorme point fort : c’est une machine à rouler. Il a une puissance incroyable, il est capable de rouler très, très vite sur le plat ou sur des portions roulantes. Il ne faut jamais l’oublier y compris pour Rio. Il peut être là et quand il est là le jour J, il peut être imbattable.

Tes deux coéquipiers aux Jeux, Victor Koretzky et Maxime Marotte, seront néophytes. C’est un changement par rapport aux olympiades précédentes…
Ils n’ont pas l’expérience de Jeux mais Maxime a quand même une grosse expérience de compétition. C’est sûr que Victor, qui est plus jeune, a moins d’expérience. Je ne pense pas que ça pose réellement un problème. L’important était de sélectionner les meilleurs. Cette année, il y avait des minimas à faire. On est trois à les faire donc il n’y a pas eu de discussion. Il arrive que ce soit plus compliqué. Beaucoup de coureurs veulent aller aux JO mais il n’y a que trois places. Ce sont souvent des choix difficiles. Pour Rio, le choix est purement basé sur des critères sportifs et tant mieux.

T’attends-tu à ce qu’ils (Victor Koretzky et Maxime Marotte) te sollicitent plus que la moyenne pour des conseils ?
Oui, ce sera avec plaisir que je leur donnerai des conseils. C’est vrai que sur les cinq Français sélectionnés pour les JO, nous ne sommes que deux à y avoir déjà participé. Il ne faudra pas qu’ils hésitent pour profiter de nos expériences.

En 2011, avant les JO de Londres, tu avais gagné le Test Event. Cette fois, tu as fait 4ème. Cela change-t-il quelque chose dans ton approche ?
Je n’allais pas au Test Event de Rio pour performer. L’idée c’était d’emmagasiner des infos. J’étais en phase de décompression aux niveaux physique et mental. J’ai préféré engranger des kilomètres et des tours sur le parcours les jours qui précédaient la course. Et, contrairement au Test Event de Londres qui était en plein milieu de saison, celui-là était hors saison.

Sais-tu pour quel matériel tu opteras à Rio ? 
Oui je suis arrêté à 100%. Personne ne m’impose quoi que ce soit donc si un jour je juge qu’il faut changer quelque chose je le ferai changer.

Si on compare 2016 à 2012, le VTT a-t-il changé ?
Les circuits sont plus engagés, plus techniques en 2016 qu’en 2012. Ils sont plus spectaculaires et le pilotage a plus d’importance. Les écarts sont très serrés. Je ne pense pas qu’il y ait des changements flagrants comme il y a pu en avoir entre 2008 et 2012. On est resté sur des évolutions de circuits.

A titre personnel, as-tu changé ton approche de l’événement ?
Entre 2012 et 2016, je n’ai pas changé d’entraîneur, j’aurais fait toute ma carrière avec Gérard Brocks. Par contre, on a continué à modifier mon entraînement pour s’adapter à ces nouveaux circuits. Au niveau diététique, j’ai changé pas mal de choses puisque, entre ces deux olympiades, j’ai découvert que j’étais intolérant au gluten. J’ai donc dû m’adapter depuis deux ans et demi. On m’a découvert ça après des examens sanguins lorsque j’ai eu une inflammation intestinale, justement due au gluten. C’est une adaptation contraignante mais ça m’a apporté un tel confort ! Ça m’a fait progresser parce que j’étais pénalisé par ces difficultés de digestion et puis ça m’a fait perdre du poids sans perdre de puissance. Je me sens vraiment mieux depuis. Quand je pense que j’ai mangé tellement de pâtes par le passé !

Le judoka Teddy Riner semble tenir la corde pour être porte-drapeau. Comment le vis-tu ?
Très bien. Etre à nouveau cité parmi les potentiels porte-drapeaux comme en 2012, c’est déjà une belle fierté. Teddy Riner a annoncé depuis longtemps qu’il était candidat et puis il va extrêmement bien représenter la France. Il n’y a pas du tout de frustration face à lui.

L’épreuve olympique en VTT tombe à la fin des Jeux, le 21 août. Comment vas-tu gérer ton approche de la course ?
Je vais courir la manche de Coupe du Monde au Mont-Sainte-Anne le 8 août. Ensuite, j’hésitais à rentrer en France pour faire la préparation finale et repartir. Finalement, pour éviter les allées et venues et donc subir deux fois le décalage horaire pour rien, j’irai directement de Québec à Rio aux alentours du 9 ou du 10 août. Je n’irai pas tout de suite au village olympique parce qu’à Rio il est impossible de rouler que ce soit sur route ou en VTT. J’irai plutôt dans un camp de base retiré, à 1h30 de Rio, dans les montagnes.

Pour terminer, tu as un favori pour l’Euro de football?
Je ne suis pas très foot à la base mais c’est sûr qu’un Euro en France, il faut essayer de suivre un peu ça et soutenir l’équipe nationale. A vrai dire, le jour du match d’ouverture, autant j’ai regardé l’arrivée du Critérium du Dauphiné, autant je n’ai pas regardé le match !

Propos recueillis le 12 juin 2016.