Audrey, le second titre de championne de France du contre-la-montre que tu as obtenu à Vesoul fin juin t’a-t-il rassuré dans la perspective des Jeux Olympiques ?
C’était un premier test grandeur nature, sur un circuit très difficile, même s’il était plus court que ce qui nous attend à Rio mercredi prochain : 29,8 kilomètres. Ça a permis de se tester sur un circuit compliqué, ce qui m’a rassuré. Quand je vois ce qu’a fait Edwige Pitel le samedi sur la route, je sais que c’était une concurrente de haut niveau. Maintenant, les dés sont jetés. Le travail a été fait, il n’y a plus qu’à…

A Rio, il va falloir composer avec une chaleur humide, comment réagis-tu à ces conditions ?
Je pense que le plus dur à gérer sera l’humidité dans l’air. En températures, c’est largement supportable. Mais le taux d’humidité dans l’air risque de donner une sensation étouffante. Le mieux aurait été de pouvoir se rendre à Rio pour découvrir le circuit et s’y acclimater. Seule Pauline Ferrand-Prévot a eu cette chance, ça n’a pas été le cas des autres présélectionnées. En stage avec l’équipe de France, nous avons réussi à nous approcher au maximum de la chaleur à laquelle il nous faudra faire face. Maintenant, j’ai enchaîné avec le Giro et des températures à 35/40° tous les jours, mon corps est prêt à supporter les conditions difficiles. Ce n’est pas ce qui m’inquiète le plus car je sais que les conditions seront les mêmes pour toutes.

Quelles types de filles vois-tu marcher sur le chrono des Jeux ?
C’est un parcours qui va avantager des grimpeuses-rouleuses plus que des pures grimpeuses ou des pures rouleuses. Il va falloir être assez complète et ce tracé pourrait bien correspondre à Anna Van Der Breggen. Il va y avoir une belle bagarre et ce sera assez ouvert, contrairement à Londres il y a quatre ans quand le circuit s’adressait avant tout aux rouleuses.

Est-ce un avantage pour toi ?
C’est je pense un circuit qui me va bien. Sur les derniers Championnats du Monde, on a eu vraiment des circuits longs, très roulants, qui nécessitaient des watts. Sur le circuit de Rio, le rapport poids-puissance est prédominant comparé à la puissance tout court. Ça me va pas mal. Maintenant, un Top 10 serait déjà pas mal. Pour le podium, il faudrait être dans un jour d’exception. En matière de braquet, j’ai plusieurs possibilités. Aux Championnats de France, j’avais opté pour un 39×29. Je pense que le 39 à Rio sera un peu court, ce pourquoi je partirai sur un 36 voire un 34 avec derrière une cassette de 27 ou 29 en fonction du petit plateau que je choisirai.

Avant cela, il y aura dimanche la course en ligne, que tu aborderas avec Pauline Ferrand-Prévot. Quel y sera ton rôle ?
C’est une question difficile. Avec Pauline, nous n’avons pas du tout roulé ensemble depuis la communication de la sélection. Elle n’était pas présente sur les stages préolympiques, ce qui ne nous a pas permis d’évoquer de possibles tactiques. Entretemps, elle a révélé qu’elle prenait la course sur route comme une préparation pour le VTT, ce qui dans ce cas fausserait ma stratégie et ma façon de courir, moi qui allais à Rio pour l’aider. Tout ça a pu être mis à plat à nos retrouvailles lundi. Il n’est pas exclu que je puisse faire ma course à mon compte. Pauline est quelqu’un d’honnête qui saura me dire si elle a besoin ou non de moi.

Qui vois-tu pour favorites ?
Les Américaines, qui ont glissé trois des leurs dans le Top 5 du Giro, sont vraiment très fortes. Mais ce sera une journée différente car on ne courra pas avec des filles avec lesquelles on a l’habitude d’évoluer. Une équipe comme Boels Dolmans aura huit représentantes et je ne vois pas comment elles ne pourront pas penser à rouler un peu pour leur équipe. L’année dernière aux Mondiaux, certaines Hollandaises de Boels ne voulaient pas rouler avec moi parce qu’Elizabeth Armitstead était derrière… Pour certaines, il sera sans doute très compliqué d’omettre qu’on roule d’abord pour une équipe avant de rouler pour sa nation. Et ça peut fausser le résultat d’une course comme celle-là.

Edwige Pitel, qui n’a pas été sélectionnée en dépit de sa belle condition, a mis cela sur le compte de l’âge. Qu’aurais-tu envie de lui dire à ce propos ?
Je comprends sa déception. Nous avons eu l’occasion de parler de tout ça. Edwige est une femme intelligente qui sait qu’une sélection ne se fait pas que sur la performance. L’aspect tactique compte pour beaucoup. On ne peut pas emmener que des leaders. Sur le Tour de France, si on avait emmené que des leaders chez Sky, Chris Froome n’aurait pas forcément été Maillot Jaune. Il faut des coéquipiers. Pour ma part, cela fait quatre ans que je supporte Pauline sur tous les Championnats du Monde et que je suis toujours la dernière à ses côtés. Et j’ai prouvé aux Championnats de France que je savais performer.

Tu es hébergée au Village Olympique. Comment appréhendes-tu cette expérience ?
Je n’aurai pas à gérer le souci des athlètes qui auront terminé leurs compétitions, puisque nous serons parmi les premières à en finir. Tout le monde sera donc encore concentré. J’ai vécu Londres et je sais à quoi m’attendre. Cette expérience va beaucoup m’aider sur Rio. Je sais évidemment que le Village est un endroit très tentant où l’on peut facilement reprendre quelques kilos en une semaine. Maintenant, je sais pourquoi je vais à Rio et ne serait-ce que par respect pour les filles qui auraient voulu y être, je ne peux pas me permettre de faire n’importe quoi. Je serai dans ma bulle pour faire mon truc à 100 %.

En quoi abordes-tu différemment ces Jeux Olympiques par rapport à ceux de Londres ?
Ma sélection à Londres avait été une surprise. Elle ne m’était apparue possible qu’un ou deux mois avant les Jeux. A l’inverse, je prépare Rio depuis quatre ans. C’est déjà une grosse différence. Je me suis entourée d’un staff pour d’abord décrocher la sélection et ensuite y performer. J’ai tout mis de mon côté pour réussir.