Depuis plusieurs mois déjà Cofidis et Total Direct Energie, actuellement toutes deux en Continental Pro, se sont portées candidates à intégrer le World Tour. Pour Cofidis la demande a déjà été validée dès le mois de juillet.

Pour Total Direct Energie, la candidature devrait très probablement aboutir, car ledit World Tour, aujourd’hui fort de 18 formations, devrait passer l’an prochain à 19 voire à 20 équipes, et alors qu’a été évoqué le retrait, tout au moins sous sa forme actuelle, d’une des équipes aujourd’hui titulaire, l’équipe Katusha-Alpecin.

Avec la présence déjà dans l’élite mondiale de Groupama-FDJ et AG2R La Mondiale, on retrouverait ou retrouvera donc 4 équipes françaises dans le World Tour. Une abondance qui pourrait même être appelée à s’accroître au vu de l’ambitieux recrutement effectué en cette intersaison par Arkea Samsic (les frères Quintana, Winner Anacona et Diego Rosa) qui a elle aussi fait part de ses ambitions légitimes d’intégrer à l’avenir l’élite de l’UCI. Dans un tel scénario on assisterait donc à une domination au moins quantitative du World Tour par les équipes françaises : face à elles, l’Espagne, grande nation de cyclisme, n’en alignerait qu’une seule, la Grande Bretagne,  puissance cycliste émergente de ces 10 dernières années, une seule également, et l’Italie, à laquelle le cyclisme doit une grande partie de sa légende et de son histoire, tout simplement aucune.

nullChristophe Laporte s’était imposé dès le début de saison, comme ici à Bessèges | © Sirotti

Un paradoxe français ?

Cette situation, ou ce scénario, serait-elle ou serait-il paradoxal ? Comme souvent pour les questions soulevées dans cette rubrique, on peut répondre par oui ou par non.

Oui, car à l’heure de la mondialisation du cyclisme, et au vu des efforts de l’UCI pour développer le sport de par le monde, cette concentration d’équipes enregistrées dans une même nation peut surprendre.

Par ailleurs, il peut aussi paraître curieux qu’une nation qui n’a pas vu un de ses coureurs gagner de Grand Tour depuis 30 ans, de championnat du monde depuis 22 ans, et dont les coureurs n’ont gagné que 3 monuments sur 100 dans le derniers 25 ans soit celle qui envoie le plus d’équipes professionnelles en World Tour.

Enfin, il faut rappeler qu’en dessous de cette surreprésentation au plus haut niveau, le nombre de licenciés à la FFC est en baisse régulière depuis trois ans, particulièrement dans le segment du cyclisme traditionnel sur route 55% des licenciés actuellement contre 71% il y a 20 ans. La base et l’élite du cyclise français suivraient donc pas la même dynamique et ceci pourrait être inquiétant.

Non, si l’on prend en considération des critères quantitatifs strictement sportifs, l’avènement d’un tel contingent d’équipes françaises en World Tour est complètement normal : au classement UCI de la saison en cours et à l’heure de cet article, les équipes Cofidis et Total Direct Energie pointent respectivement en 16ème et 18ème position, avant les équipes World Tour les moins bien classées. Dans un système « footballistique » de promotion et de relégation comme celui qui régule les championnats de L1 et L2, leur ascension serait quasi automatique.

nullLilian Calmejane sur  le Tour de France 2019 | © Sirotti

Ensuite, il convient de relativiser la notion de « nationalité » d’une équipe. Nous ne sommes plus à une époque où « équipe française » était synonyme de « coureurs français », pour autant que cette période ait jamais existé. Dans leurs progressions vers le World Tour, les équipes françaises candidates se sont d’ailleurs appliquées à recruter des talents étrangers, capables d’assurer leur compétitivité au niveau le plus élevé. On peut ainsi citer Niki Terpstra chez Total Direct Energie, Elia Viviani chez Cofidis, et tout un contingent colombien chez Arkea Samsic : la tendance à la mondialisation du cyclisme évoquée plus haut se retrouve en fait à l’intérieur même des équipes françaises.

Et cette tendance se retrouve aussi en dehors de nos frontières : outre les coureurs, et outre le critère purement administratif de la nationalité sportive, quand on regarde les autres marqueurs de la nationalité d’une équipe que sont la nationalité de leur management, de leurs propriétaires, ou de leurs partenaires, on s’aperçoit qu’ils viennent souvent d’horizons très différents.

Le World Tour, comme son nom l’indique, se veut un spectacle mondial, et ses acteurs sont et seront mondiaux. Que les équipes soient enregistrées ici ou la aura à terme une importance décroissante. En Formule 1, le fait que la majorité des équipes ait de tout temps été britannique n’a pas empêché la discipline de connaître un succès planétaire : avoir 4 ou 5 équipes françaises dans le World Tour ne devrait pas entraver davantage son succès.