On a coutume de dire que les cyclistes vivent comme des moines, qu’ils considèrent parfois leurs chers deux roues comme un dieu tout puissant. Plus qu’un simple sport pour beaucoup le cyclisme est une religion, et l’ultra cyclisme, qui est un combat contre soi-même plus que contre les autres, un long chemin spirituel où corps et esprit ne font qu’un qui parfois au fil des kilomètres devient un long chemin de croix. Quoi de mieux qu’une abbaye pour accueillir les participants du « Raid extrême vosgien », un REV dont beaucoup rêvent depuis des mois qui bientôt va devenir réalité.

Vendredi 27 juillet, nous voici donc à l’abbaye Saint Colomban à Luxeuil les bains, ville thermale qui accueille également les 3 ballons en juin. Une grosse vingtaine de cyclistes ont répondu présent à l’appel, et écoutent attentivement la grande messe lors du briefing en cette veille de grand départ, dispensée par Jean-Claude Arens à l’origine de cette épreuve née en 2008, qui fête sa 10ème édition. Une dernière prière autour d’un repas très convivial, et très diététique, adapté aux efforts qui attendent les coureurs, une bonne nuit de sommeil à l’abbaye pour la plupart d’entre eux et nous voilà sur la rampe de lancement samedi matin où les départs vont s’échelonner de 6h45 à 8h45, selon les formules choisies et les niveaux de chacun.

En effet, plusieurs choix s’offraient aux participants pour vivre leur REV : grand randonneur (pour ceux qui ne souhaitent pas être classés et veulent avoir le droit au drafting), ultra avec assistance et ultra sans assistance. Voilà pour les formules « solo ». Sur le bulletin d’inscription on pouvait également choisir la formule « duo ». Certains ont choisi d’effectuer la boucle en relais, par équipe de 2, en se relayant selon leurs envies et sensations, libre à chacun de faire comme il l’entend. D’autres ont pris l’option de partir à deux et de finir à deux, un peu comme un très long contre la montre par équipe. Seul ou en duo c’est parti direction le pays des REV.

Les premiers kilomètres permettent de monter progressivement en température, même si le mercure, ce samedi matin, est déjà élevé. Maillot manche courte, cuissard court, un petit coupe-vent dans la poche pour les descentes et éventuellement contrer les petites ondées annoncées devraient amplement suffire. Les trente premiers kilomètres ne présentent aucune difficulté majeure, profitons en, cela ne va pas durer car le profil du REV ressemble à un grand 8 (avis aux amateurs de sensations fortes). Le col des Chevrères, emprunté par le Tour 2014, est le premier d’une longue série. Une montée sèche de 4km à peine, courte mais raide, nécessitant de devoir jouer du dérailleur, à l’instar de la Planche des belles filles, montée rendue célèbre là aussi par la Grande Boucle qui s’y est aventurée à plusieurs reprises ces dernières années.

Au sommet se trouve le premier point de contrôle où chaque coureur doit émarger une feuille de route pour prouver son passage, et a la possibilité de se ravitailler. Tout au long du parcours il y aura 10 points de contrôle où l’on trouvera des ravitaillements abondants, en sucré autant qu’en salé avec des bénévoles tous plus souriants et accueillants les uns que les autres. Quand la fatigue se fait sentir, échanger quelques mots et être encouragé a son importance et est indéniablement source de motivation supplémentaire. Et il va en falloir car la suite du menu s’annonce copieuse.

Direction le Ballon de Servance puis le Ballon d’Alsace, grimpé par Saint Maurice sur Moselle. Deuxième point de contrôle avant d’attaquer une boucle qui nous ramènera au même endroit. Le thème du REV est de monter les ballons vosgiens par chacun de leur versant. Au sommet du deuxième Ballon d’Alsace le compteur affiche déjà 157 kilomètres, et pas mal de dénivelé. Les organismes commencent déjà à être éprouvés, les muscles endoloris, mais le plus dur reste à venir. Comme la montée sur la route des Crêtes par la célèbre « Route des américains », après avoir gravi les cols d’Oderen et de Bramont, qui mènera les coureurs au sommet du Hohneck, sans doute le point le plus majestueux du parcours. Paysages à couper le souffle, sans aucun doute ce point de vue mélodieux aidera chacun à trouver son second souffle.

Les kilomètres défilent, le ciel jusqu’à maintenant un peu couvert se découvre, la nuit petit à petit approche et nous voici déjà au col du Calvaire, la mi course est passée, et l’étape qui arrive est sans doute une des plus dure. Chacun prend donc le soin de bien se ravitailler, pâtes, soupe, sandwich, gâteau de riz, permettent de refaire les stocks de glycogène. Col du Wettstein et collet du linge (haut lieu historique de la première guerre mondiale) seront un échauffement avant d’enchaîner par le Petit Ballon et le Platzerwasel, deux cols au profil assez vertical. Ce dernier amènera les coureurs au sommet du Grand Ballon, point culminant de l’épreuve aussi bien en terme d’altitude que de difficulté.

Plus que 200 kilomètres, le compte à rebours dans les têtes de chacun est déclenché. Le mental va prendre le relais du physique pour la plupart. Au col Amic, où se trouve le huitième point de contrôle, la tentation est grande de descendre sur Willer sur Thur. Mais avant cela il va falloir effectuer une boucle qui ramènera les coureurs au même endroit, histoire de gravir le grand ballon par son autre versant.Le jour se lève, avec la fatigue liée à l’effort et la nuit blanche, le réveil, si l’on peut dire, n’est pas facile. Les yeux des participants sont aussi lourds que leurs jambes. Encore un petit effort, la ligne d’arrivée approche à grandes roues. Le col du Hundsruck suivi du Ballon d’Alsace gravi pour la 3éme fois seront les dernières réelles difficultés… Il reste alors environ 80 kilomètres pour rejoindre l’abbaye de Luxeuil par des petites routes un peu « casses pattes » mais la proximité de l’arrivée permet d’oublier la douleur et de boucler la boucle, accueilli dans la joie et la bonne humeur de l’organisateur.

Ainsi s’achève le REV de chacun, qui pour certains s’est transformé en cauchemar, mais l’ambiance familiale qui règne autour de cette épreuve incitera sans doute ceux qui ont échoué dans leur défi à revenir. La remise des prix, et surtout la célébration de la fin d’une épreuve pas comme les autres s’est déroulée le dimanche soir, une fois tous les concurrents bien arrivés, autour d’un apéro dînatoire suivi d’un repas (un buffet froid). Cette course « ultra endurance », la seule à ce jour existante en France, mérite de grandir et cette année a d’ailleurs attiré un grand nom de la discipline avec la présence de Omar Di Felice, spécialiste des épreuves au long cours, vainqueur dans la catégorie ultra sans assistance. On dit souvent qu’il faut vivre son rêve et ne pas rêver sa vie, alors pour ceux qui pensent qu’il faut choisir entre rêve et réel, venez faire un petit tour de 558 kilomètres dans les Vosges car le REV est bien réel.