Le 20 mai dernier, lors de la cyclo-sportive le Challenge Vercors, tu es victime d’un grave accident après un peu plus de 140 km de course. As-tu des souvenirs ? Sais-tu comment ça s’est passé ?

Après une première partie de descente rapide jusqu’au col de Romeyere, sur des routes que je connais comme ma poche, je me retrouve seul à l’avant. Je profite d’une portion plus tranquille et moins technique pour me retourner dans une ligne droite afin de faire le point visuellement. C’est le dernier souvenir qu’il me reste. Ce qui s’est passé réellement, c’est une voiture à contre-sens, qui montait le col et qui sort large à la sortie du virage. A ce moment, j’étais encore dans la ligne droite la tête retournée et je percute la voiture, qui ne peut pas m’éviter. Le choc me propulse 20 mètres plus loin.

Je me retrouve au bord de la route avec la jambe à l’équerre et le fémur sortant de la cuisse. J’ai aussi de nombreuses plaies sur le torse et derrière la tête. Je suis conscient, je réponds à toutes les questions mais aujourd’hui, je ne me souviens plus de tout cela. C’est ce qui m’a été décrit par les témoins arrêtés autour de moi : les voitures qui suivaient la course, mes parents et des amis venus m’encourager étaient autour de moi. Ça a été un moment très difficile pour eux car j’étais dans un état très critique, j’hurlais de douleurs. Un cycliste de C2S me porte les premiers secours vitaux puis les pompiers sont arrivés et j’ai enfin été héliporté.

Tu as directement été transféré à l’hôpital, comment s’est déroulé le début de ta convalescence ?

J’ai alors été transféré aux urgences du CHU nord de Grenoble. J’ai passé un scanner pour constater l’ensemble de mes blessures. J’étais alors polytraumatisé : j’avais des fractures de trois vertèbres, de trois côtes, une de l’omoplate, un pneumothorax, des contusions pancréatiques, le ligament croisé postérieur du genou arraché et une paralysie du nerf circonflexe, qui empêche l’action du deltoïde. J’avais aussi de grosses plaies sur le thorax et sur l’épaule, l’une d’entre-elles a mis cinq mois à cicatriser. Mais le plus important c’était une fracture explosée sur 8 cm au niveau du fémur.

Peux-tu nous raconter cette longue période d’inactivité, de plus de 3 mois ? Les opérations que tu as subies ? comment as-tu réussi à garder le moral ?

Dès mon arrivée aux urgences j’ai été opéré du fémur par une très bonne équipe. Le chirurgien a fait du super boulot. Sur cette longue portion de 8 cm, l’os était complètement délabré, c’était impossible de recoller les morceaux comme sur une fracture classique. Le chirurgien m’a donc posé un spacer en ciment avant de remettre ma jambe dans l’axe. Le spacer permet de construire une membrane autour du pseudo os, qui sera ensuite riche en afflux sanguin et hormones permettant une bonne consolidation de l’os greffé par la suite. Il permet aussi de prévenir le risque infectieux si présent, ce qui était le cas pour moi.

Je l’ai gardé 3 mois et le 10 août j’ai subi une greffe. En effet, le chirurgien a retiré le spacer pour le remplacer par de l’os. Pour cela, ils ont prélevé une bonne portion d’os au niveau de la crête iliaque sur le bassin et ajouté des os synthétiques. Cette greffe a été très douloureuse pendant cinq jours, je ne pouvais pas bouger sans avoir mal, c’était horrible. Au bout d’un mois, la douleur s’est calmée.

Pour les fractures au niveau des vertèbres j’ai porté un corset nuits et jours pendant un mois et demi. Ensuite je le portais uniquement la journée, puis je m’en suis débarrassé au bout de trois mois. La douleur aux côtes et le pneumothorax s’est vite dissipée, tant celle de la jambe était supérieure. Pendant tout ce temps, je n’avais pas d’appui, je vous laisser imaginer dans l’état que j’étais. Chaque geste était une montagne.

Malgré tout, les journées étaient bien rythmées. La matinée était consacrée à la douche, des soins et une séance de kiné. L’après-midi j’avais une seconde séance de kiné plus longue. Le reste du temps, je lisais et je n’ai jamais aussi bien suivi le Tour de France et la Vuelta. J’avais également des visites d’amis, qui m’ont beaucoup aidé à surmonter cette dure épreuve et à garder le moral. J’ai aussi eu des moments de doutes, des interrogations… ce sont des choses qui me serviront à l’avenir. J’étais très fatigué, j’ai beaucoup dormi. Même en inactivité le corps travaille énormément.

Dès ma deuxième semaine à l’hôpital j’ai pu rentrer chez moi le week-end. Je suis définitivement sorti à la mi-septembre et je n’avais kiné plus que le matin. 

Fin août tu as pu reprendre une légère activité physique, tout d’abord avec du vélo en salle, puis du home-trainer et de la piscine. Comment étaient tes sensations de reprise ? Une délivrance de pouvoir pédaler ?

J’ai eu la chance d’être entouré par une équipe médicale et des kinés très compétents au Centre Médical de Rocheplane à Saint-Martin d’Hères. Rapidement après ma greffe j’ai pu refaire un peu de vélo sur le plateau technique du centre, en augmentant petit à petit la puissance. Que c’était bon de pouvoir transpirer à nouveau… Une sorte de nouveau souffle dans cette épreuve d’endurance interminable. J’ai ensuite repris le home-trainer chez moi le week-end, puis tous les jours une fois que je suis revenu chez moi. Je gardais en tête toujours le même principe de progressivité, je me limitais à une puissance afin d’essayer d’être le plus équilibré possible.

Au bout de cinq mois, quand toutes mes plaies se sont refermées, j’ai pu aller en piscine. J’avais une séance tous les jours, ça m’a fait du bien. Dans mon malheur j’ai eu la chance d’être en bonne condition physique au moment de l’accident car je n’ai eu aucune complication, la greffe a bien pris, une très bonne consolidation… rien n’était gagné. Ce n’est pas terminé, mais je suis sur la bonne voie. Chaque jour un peu plus de watts sur le vélo, un peu plus de flexion, tout se déroule comme sur des roulettes.

La deuxième partie de l’entretien c’est pour demain, avec ses projets sportifs et professionnels, entre autres.

 

Par Maëlle Grossetête