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Fedérico Bahamontès


Xavier BOILEAU
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Récit d’un gâchis annoncé?: Tour 1959.

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"Abondance de biens ne nuit pas" n'appartient pas au patrimoine des adages les plus représentatifs de notre vieille France. Pour s'en convaincre, il n'est qu'à citer les épisodes les plus retentissant de l'histoire de notre nation. J'abandonne, volontiers, les faits historiques ou récents où les érudits sont légions, pour me consacrer essentiellement à la réalité sportive, en général, et cycliste en particulier. Les années 50 pour la France en rédemption, à l'instar des années 70 pour nos voisins d'Outre Quiévrain, représentent une période d'embellie vélocipédique à nulle autre pareille. Le potentiel Français apparaît inépuisable et l'hégémonie hexagonale, imperturbable et implacable, exercée en ces temps immémoriaux, génère un réel complexe vis à vis de nos voisins, adversaires mais néanmoins amis. La prétention suprême, un soupçon inavouable car démagogue, serait d'affirmer sans aucune concession qu'entre l'ère prolifique et majestueuse du "Campionissimo" et la période dorée et "Pantagruélique" du "Cannibale", nos "Gaulois" nous ont offert, certainement, les plus belles et glorieuses pages de notre légende. Il n'est point irrévérencieux pour les autres nations d'affirmer que la suprématie, affichée par nos compatriotes à l'échelon planétaire, s'est avérée envahissante voir blasphémante à plus d'un titre pour les ressortissants de ceux ci. Cette oppressive domination n'a, d'ailleurs, jamais été démentie par les protagonistes des pays concernés. Le Tour de France, authentique et significative vitrine du cyclisme mondial, s'apparente à un révélateur de l'état de santé du seul sport, peut être, où se mêle, sans restriction aucune, tous les traits de caractères inhérent à l'existence du commun des mortels. L'épreuve chère à Henri Desgrange, adorée ou diffamée, demeure, encore aujourd'hui, le baromètre de l'entité de la discipline reine du siècle dernier. Toutes les éditions qui se sont déroulées entre les deux courants, teint d'hégémonisme et un brun totalitaire, n'auraient jamais du échapper aux héritiers de Molière et de Voltaire. Les raisons invoquées sont multiples et alimentent débats et ressentiments belliqueux, de la part des belligérants de l'époque, mais en aucun cas, celles ci n'émanent d'un quelconque élan patriotique primaire et ringuard. Après le triptyque 'homérique' du "Boulanger de St Méen", le triomphe non usurpé de "Walko" et l'éclosion "cutané" de "Maître Jacques", les trois Grande Boucle suivante représentent, de mémoire de suiveur, le plus belle exemple de suicide collectif de l'histoire du cyclisme. En outre, la préméditation de ce 'crime" absurde, n'a d'égale que la manière prémonitoire avec laquelle il a été ébauché, peaufiné puis réalisé. Nous vivions une époque mirifique où l'amoncellement de champions charismatiques indisposait plus qu'il n’enchanta certains censeurs invétérés. Ces "icônes" respectées et adulées généraient souvent des manifestations d'enthousiasmes et parfois même d'"amour" platonique, bien évidemment, mais indéniablement sincère. Toute cette liesse affective que le citoyen lambda ou nanti d'aujourd'hui serait à mille lieux d'assimiler voir de rééditer et encore moins de comprendre. Ces Champions qui s'invitaient au sein de nos foyers, même inopportunément, par l'entremise du poste à galène ou de la petite lucarne, étaient conviés promptement par ces hôtes bienveillants très respectueux des us et coutumes de ces "Géants de la Route", pour devenir des familiers incontournables. Affublés de surnoms, plus sulfureux et plus caricaturaux les uns que les autres, ils incarnaient, réellement, la tendance "People" de notre ère.

En l'an 58, Marcel Bidot, l'"Ane bâté" du "Grand Fusil", s'était fourvoyé en élaborant et érigeant une formation tricolore des plus hétéroclite. Hormis l'impulsif Raphaël Geminiani répudié pour son élocution par trop éruptive et décalée, ce qui valu au grand ponte Bidot l'offrande d'un âne de chair et d'os, tous les coureurs, susceptibles de triompher à Paris, se retrouvaient au sein de l'équipe dirigé et administré par le Champenois de Saint Lyé. Ce dernier, un soupçon amnésique, ce qui est des plus préjudiciables pour un meneur d'homme, a certainement oublié, mais le doute est permis, qu'avant d'être un sport d'équipe le vélo était, avant tout, une discipline individuelle et qu'affranchir ou associer des personnalités aussi disparates que le "Boulanger de St Méen", "Maîtres Jacques" et le "Surdoué" relève de la gageure voir de l'hérésie. Après le camouflet retentissant et prévisible essuyé lors de ce Tour 58, il récidivera, pourtant, la saison suivante et comme si cela ne suffisait pas, comme si son esprit embrumé n'avait pas encore saisi la méprise d'une telle ineptie, il adjoindra au trio, déjà convulsif, le goguenard et inénarrable "Grand Fusil" et sa gouaille caverneuse et entêtée.

Un beau gâchis, en perspective, que ce Tour estampillé 1959.

Les premières étapes sont pourtant rondement menées et les Tricolores trustent victoires d'étapes et maillots distinctifs. Des plaines d'Alsace aux contreforts Pyrénéens, le serpentin multicolore a séjourné dans le Nord, du côté de Roubaix, puis descendu, soudain, effleurant les côtes de la Manche pour une escale à Rouen, en l'honneur du maître de ces lieux, Jacques Anquetil. Après un bref survol de la Bretagne, le peloton longera dans sa totalité la côte Atlantique de Vendée à la frontière Ibérique. Le "Basque Bondissant", Jean Graczyck et Robert Cazala se sont montrer à leur avantage et irrésistible, lors d'arrivées dans des cités aussi emblématiques et célèbres que Metz, Rennes et Roubaix. Le maillot jaune endimanche les épaules de Cazala et le vert se marie, à merveille, avec la pointe de vitesse de Darrigade. Quant à nos quatre mousquetaires, ils évoluent, à fleurets mouchetés, dans le confort ouaté et suave d'un peloton en goguette. Ayant banni, depuis belle lurette, la phrase devenu célèbre et "proverbiale" des personnages d'Alexandre Dumas, "Un pour tous, tous pour un", Anquetil, Bobet, Geminiani et Rivière s'épient sournoisement afin de démasquer le futur et providentiel D'Artagnan. Le 3 juillet, Bordeaux - Bayonne, est une journée particulière et festive, espère t'il, pour le maillot vert, André Darrigade. "Dédé", en régional de l'étape, sort d’un peloton apathique à la poursuite de l'échappée matinale où figure le seul Marcel Queheuille de la formation régionale Ouest Sud Ouest. Bientôt rejoint par son équiper Jean Graczyck, le "Basque Bondissant" est alors victime d'une terrible et soudaine défaillance qui l'irradie pour le compte. Attablé à la terrasse bondée d'un estaminet ventripotent, Darrigade reprendra doucettement ses esprits en attendant de se fondre discrètement dans le peloton qui file bon train, environ cinq minutes plus tard. Frustré et dépité, le Basque laissera les honneurs à son compatriote mais néanmoins adversaire du jour Marcel Queheuille, fêté, comme il se doit, en son antre Bayonnaise.

Nous abordons, maintenant, la quinzième étape alors que les positions au classement général demeure désespérément figées et que les favoris se toisent du regard mais ne se défient nullement à la "socquettes" de peur d'y abandonner le duveteux, à défaut de plumes, capital confiance qui les habite encore. Pourtant, aujourd'hui, au pied de l'abominable, de l'exécrable, de l'implacable monstre Auvergnat, les masques vont nécessairement et inéluctablement choir. Le Puy de Dôme escaladé, à la pédale et en solitaire, atrophie, depuis un moment déjà, les panses noueuses des plus blindés. La "Sorcière aux dents vertes" rôde et frétille d'aise à l'idée de pouvoir enfin déverser sa chape de plomb empli d'angoisse sur l'incrédulité ambiante. Au petit matin, les coursiers pétrifiés entrevoient plus qu'ils ne contemplent le Volcan qui sommeille encore. Bientôt, celui ci, libérera sa colère, longtemps refoulée, en inondant de sa lave brûlante et rougeoyante les plus tendres d'entres eux. C'est dans ce contexte d'effroi que nos coriaces guerriers se lancent à l'assaut de l'innommable.

A ce jeu, l'"Aigle de Tolède" se montrera intraitable. A l'instar du "Campionissimo", ici même en 1952, le "Picador" atomisera la concurrence. Fidèle à son déhanchement aérien, Frédérico Bahamontès, évolue dans des sphères rarement atteintes. Seuls avant lui, Fausto Coppi, donc, et peut être Charly Gaul ont dégagé autant d'aisance et de félicité lors d'une ascension aussi impitoyable que celle du Puy de Dôme. En état de grâce l'Espagnol rejette en douze bornes le pourtant voltigeur "Ange de la Montagne" à une minute et vingt six secondes. Les autres, tous les autres sont logés à la portion congrue à trois minutes et plus du rapace des hautes cimes. La montagne d'Auvergne, toujours aussi élitiste venait d'accoucher d'un prétendant des plus sérieux et pour le moins fringuant à la victoire finale à Paris. Au général, l'Espagnol talonnait le maillot jaune, le Belge Jos Hoevenaers de quatre miséreuses secondes. Anquetil, le moins carbonisé des quatre, pointait à plus de cinq minutes et Rivière errait à sept minutes et trente secondes de l'"Homme de la Mancha". Quant à Bobet et "Gem", certainement atteint par la limite d'âge, tous deux végétaient dans le ventre mou d'un peloton soumis et éreinté. La journée, caniculaire en outre, avait occasionné des dégâts considérables au sein du peloton. Une dizaine de coursiers arrivés hors délai avaient été repêchés par l'organisation, excepté René Privat qui, après le boulimique chasseur d'étapes, Roger Hassenforder et le "Taureau de Nay", la veille, rendait à son tour les armes.

La dix septième étape entre St Etienne et Grenoble donnera lieu à un festival offensif de l'"Aigle" et de l'"Ange". En parfaite harmonie, le couple funambule des sommets s’hisse, alors, au firmament de l'extraordinaire. Jamais sans doute auparavant deux hommes n'étaient apparus aussi complices et assortis dans l'effort. Une communion de deux montagnards exceptionnels.

Au soir de cette journée faste pour l'Espagnol, la messe était dite. Le Normand à plus de neuf minutes et le Stéphanois, toujours affectueusement couvé par le "Grand Fusil", "pays" oblige, plus loin encore, la stratégie de Marcel Bidot avait fait long feu.

L'inconcevable car irrationnel projet de réunir quatre "têtes de turc" pourtant du plus bel effet sous le même sceau atteindra le paroxysme du ridicule et du burlesque, le lendemain lors de l'escale en Italie. Cette dix huitième étape, Lautaret - St Vincent est, en quelque sorte, l'étape de la consécration, pour le fier hidalgo, la marche triomphale, sans tapis rouge nuptial toutefois, direction, la capitale des Gaules. La fébrilité étreint, pourtant, le "Picador" ce matin là. Tenace et insidieuse elle dégouline de tous les pores de sa peau devenue subitement et inexplicablement moite. La tension, inhabituelle pour lui, engendrée par un probable et inespéré couronnement, martèle le subconscient embrumé de l'"Aigle".

La veille les Français avaient entrepris de faire le dos rond et n'avaient pas bougé une oreille lors du show Gaul - Bahamontès. Démobilisés voir démoralisés, la hâte d'en finir au plus tôt les habitent depuis le Puy de Dôme, en fait. La correction infligée par le "Picador" ajouté à l'ambiance détestable qui règne, depuis le départ, au sein de la formation tricolore a anéanti toute possibilité et désir de rébellion chez nos représentants. En outre "Napoléon" membre du Centre Midi, leur vole la vedette. Homme autoritaire et hargneux, Henry Anglade, frais émoulu Champion de France, est connu et reconnu pour son instinct de chef et sa prédisposition à commander vertement ses camarades de classe. En outre la place de premier Français au sommet du Puy de Dôme, du gamin de Thionville, à tout juste trois minutes de l'Espagnol, a passablement agacé nos deux fleurons du chrono hexagonal.

Après avoir escamoté le Galibier, les rescapés se dirigent, vers la deuxième difficulté de la journée, nantis de meilleures intentions. L'abandon de Louison Bobet survient lors de la montée de l'Iseran. La préméditation est de mise lorsque l'on apprend que "Gino le Pieux" a été aperçu au sommet de celui ci. Le "Boulanger de St Méen" et Gino Bartali, c'est une longue histoire d'"amour - haine" et les effusions sincères de ces retrouvailles rendront bouleversants et émouvants au possible les adieux définitifs au Tour de l'un de ces héros Breton les plus charismatiques.

Lors de la plongée vertigineuse vers Val d'Isère, nos deux compères hispano-Luxembourgeois sublimes de volonté et de grâce la veille même, se retrouvent en très grandes difficultés. Piètres descendeurs, ils ont hérité du peu reluisant sobriquet de 'fer à repasser". Toujours est il qu'ils sont décramponnés par un groupe de sept hommes où jouissent tous les autres favoris patentés. L'écart grandit à une vitesse astronomique pour atteindre bientôt les cinq minutes. Hors l'Auvergnat, le Stéphanois et le Normand, refusant obstinément la présence d'Anglade au sein du groupe, stoppe toute participation à l'échappée. C'est un enterrement en grande pompe, un sabordage en règle, un suicide collectif. Bahamontès et Gaul, soulagés, récupèrent les fuyards, un peu plus loin et tout ce beau monde s'attache, à présent, à escalader le Petit St Bernard au train. Après avoir basculés au sommet afin de rejoindre la vallée d'Aoste toute proche, le ciel s'est obscurci outrageusement et la pluie mêlée au vent tourbillonnant agresse les "sautes ruisseau" transi de froid. A la faveur, de cette nouvelle situation de course, Gaul, Anglade, Saint, Baldini et le Germain Reitz prennent la poudre d'escampette dans l'espoir de rejoindre Gismondi et Christian sorti en éclaireur dans les derniers hectomètres du Petit St Bernard. Malgré la chaussée mouillée et glissante, notre quintette dévalent la pente à un train d'enfer et semblent ignorer les risques insensés qu'ils consentent à prendre, frisant par moment la limite de l'inconscience. Bahamontès, à l'arrière, isolé et perplexe s'escrime à ne pas perdre pied, la victoire est à ce prix. Anglade se retrouve même virtuellement maillot jaune à cet instant de la course alors qu'au départ le matin il accusait un retard de près de cinq minutes. Le "maillot Amarillo" apparaît fataliste et un poil résigné lorsque, soudain, surgit, comme par enchantement un train piloté par Jacques Anquetil, en personne, suivit comme son ombre de Roger Rivière, bien entendu. Les deux Français sont, en outre, accompagnés de Mahé, Branckart et Adrianssens. Le maillot jaune, un moment blanc comme un linceul, reprend, par la même occasion, couleurs, espoir et hargne. Ce nouveau groupe constitué écorne fortement l'écart précédent pour le réduire à l'état de misère. Devant Baldini est revenu, tel un balle, sur les deux hommes de tête pour, finalement, les coiffer au poteau et remporter une étape rondement menée malgré le dédain du peloton à flatter, comme il se doit, un mythe tel le Galibier. Quarante sept secondes plus tard, entouré de sa garde Prétorienne, le maillot jaune apparaît revigoré, un timide sourire aux lèvres et tout à la joie d'en avoir enfin terminé. Il faut bien avouer que notre "Picador" était passé par toute les couleurs de l'arc en ciel durant cette étape piégeuse à souhait. Au soir de cette journée de dupes, Frédérico Bahamontès possède, dorénavant, quatre minutes d'avance sur Anglade, sept sur Mahé et neuf sur Anquetil.

Quatre jours plus tard, et malgré une démonstration époustouflante de Roger Rivière, à Dijon, lors de l'ultime chrono où il laissera le Normand à plus d'une minute et trente secondes, l'Espagnol inscrira pour la première mais aussi la dernière fois son nom au palmarès d'une épreuve qu'il s'est évertué, tout au long de sa carrière, à honorer de sa présence, assortie d'exploits d'anthologie. Les quatre mousquetaires dépourvus du Gascon qui les auraient hissé au sommet de la hiérarchie de cette Grande Boucle, termineront l'épreuve, l'esprit empreint d'allégorie. Le gâchis enregistré et perpétré par un coutumier du fait a, toutefois, énormément amusé nos voisins. La fourberie à ses limites mais les Français, sur ce Tour 59, nous ont prouvé le contraire.

Le Tour de France, qui inaugurait les années "sixties", se préparait à consacrer par un succès garanti, comme il se doit, l'avènement inexorable, et souhaité par tous, de Roger Rivière. Hélas, le 10 juillet 1960, lors de la descente abrupte du Perjuret ...

Les Tour de France des années 65 et 68 ont été remportés, haut la main, par ... Raymond Poulidor, dit "Poupou". Mais ce dernier, bon prince, à toujours été d'un altruisme rare et peu banal, tout au long de son interminable mais néanmoins glorieuse carrière. Aussi, s'est il permis le luxe d'offrir gracieusement et sur un plateau d'argent, par dessus le marché, ces deux éditions au "Bergamasque" et au "Batave à lunettes".

Michel Crepel

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Qui est le meilleur ? C'est encore une question à la "%@!?" ! Le "Picador" est sans aucun doute le plus romantique, et de loin ! Lucien Van impe demeurera pour moi avec le "Roi René", Charly Gaul, ainsi que ceux qui gravissaient des chemins de traverse de 1910 à 1939 , des "Seigneurs" ! Virenque ? Mouai, no comment, El Chava, Chiappucci, Pantani, pour ne citer que ces trois là étaient déjà meilleurs ! Comment ne pas citer, Coppi, Bartali ....... Bref, c'est stupide !😉

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Salut Jean-Patrice,

Comme quoi la mémoire nous joue des tours. C'est donc dans l'Aubisque que Baha s'est débarassé de Jimenez. Je me souviens qu'il y avait du brouillard et qu'on voyait le passage au sommet de l'Aubisque (ou peut-être était-ce le Tourmalet ?) filmé peut-être sur caméra fixe. Les retransmissions télé étaient loin de ce qu'elles sont actuellement. 

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Ravi de te lire mon "Mimi" ! Tu vas bien ?

YA qu'à demander !

Duel Poulidor - Anquetil : Tour 1964.

 

Les joutes "fraternelles", en cyclisme, ont, de tous temps, généré la légende de notre sport. Elles ont sublimé les protagonistes et sensibilisé les nations concernées jusqu'à la démesure voir l'hystérie. La communauté méridionale regorge de ces duels pas toujours fratricides, mais toujours respectueux de l'étique. A ce titre, on pourrait même avancé, sans risque de "blasphémer", que l'Italie appartient à la "mère patrie" des duettistes impénitents. De Costente Girardengo - Alfredo Binda à Iva Basso - Damiano Cunego, dans un futur proche, en passant par Fausto Coppi - Gino Bartali, Felice Gimondi - Gianni Motta, "Cecco" Moser - "Beppe" Sarroni, Gianni Bugno - Claudio Chiappucci ou Michele Bartoli - Paolo Bettini, pour ne citer que les "couples" les plus "harmonieux", la "Péninsule" exerce, de par un tempérament latin exacerbé, une attirance sans borne pour les frasques et "guéguerres" conviviales de "ses" duos de gladiateurs sur cycle. Elle n'est, toutefois, pas orpheline de ce genre de manifestations "trublionnes" qui divisent les peuples. En effet, la Suisse des légendaires Ferdy Kubler - Hugo Koblet, ou plus récemment, des Tony Rominger - Alex Zuelle, a tenu en haleine deux générations d'Helvètes pourtant peu aptes à extériorisés leurs liesses communicatives. La Belgique a du également, en son temps, faire face à ces combats de chefs qui encensent les «?égos?» d'irréductibles supporters, passionnés à l'extrême. Ainsi, Eddy Merckx, malgré un cheminement des plus linéaires, a du souquer ferme, parfois, pour mettre à la raison des rebelles tels Walter Godefroot, Roger De Vlaeminck et Freddy Maertens. Toutefois, Outre Quiévrain, jamais duel n'aura été aussi épique et aussi acharné que celui que se livrèrent, au terme des années 50, les deux "Rik". Pourtant l'anachronisme de la situation jette le trouble sur un tel engouement. En effet, Rik Van Steenbergen et Rik Van Looy n'ont été opposés que, relativement, peu souvent. Si l'un, "Rik 1er", se situait au crépuscule d'une carrière riche en exploits légendaires, l'autre, l'"Empereur d'Herentals", à l'inverse, n'en était qu'à l'aube. En fait, il n'y eu que deux à trois saisons de luttes communes, réellement, acharnées. L'antagonisme hallucinant des deux hommes et de leurs "tifosis" vient, essentiellement, dans la quête du cadet des Rik a surpassé son aîné par le biais de la richesse du palmarès. La fureur de Van Looy, lors de l'inénarrable "trahison de Renaix" en 1963, en est l'exemple le plus symbolique. Ce 11 août, sous un déluge d'eau et de vent, l'"Empereur d'Herentals" est à une portée de fusil du "Colosse d'Arendonk" au palmarès des Championnats du Monde. Devant une foule hilare, toute acquise à l'enfant du pays, le brave porteur d'eau Benoni Beheyt emmène, comme à ses plus jours, l'emballage final. Le présomptueux membre de la sélection "Royale" Belge, apparaît, néanmoins et à ce moment précis, un "tantinet" zélé. En effet, le félon, s'aperçu, soudain, qu'il pouvait, lui le sans-grade, prétendre aux gloires de l'"irisé" à défaut des gratitudes "hypocrites" du "boss". Et c'est dans un brouhaha assourdissant et une bronca sans nom, d'"aficionados" désenchantés, que Benoni devint Champion du Monde au grand désarroi d'un Rik Van Looy ivre de colère. L'impétueux leader de la "Garde Rouge", s'ingéniera, dès lors, à rendre le palmarès de l'infortuné, vierge de toutes épreuves d'envergure. Et chez nous, m'interrogerez vous ? En France, et même si le "Blaireau" eu maille à partir avec l'"Intello", à un moment, certes, de profondes désillusions physiques, ses duels les plus épiques et le plus drastiques ont été, surtout du, à l'éclosion puis à l'essor du plus Français des Américains, Greg Lemond, initialement, son propre partenaire de jeu. En revanche, l'imbrication du peuple de France et de Navarre au sein de la carrière, de l'existence même, nantie d'innombrables turpitudes, de nos glorieux aînés Jacques Anquetil et Raymond Poulidor, demeurera, à jamais, l'icône immuable de la guerre des clans.

 

Les situations opposant les deux champions sont légions et ce ne serait faire offense au Limougeaud que d'avouer son incapacité chronique et légendaire à contrecarrer les desseins de suprématie du Normand, plus habile tacticien.

 

Ce 6 juillet 1964 et après une journée de repos en Andorre, le peloton va s'accorder quelques sulfureuses parties de manivelles en direction de Pau. Bien que, seuls les 2400 mètres du Port d'Envalira ne viendra tarauder les esprits chagrins, tout un chacun sait par expérience que les lendemain de "fêtes" peuvent être sources de maux beaucoup plus rédhibitoires qu'une ascension fusse t'elle abrupte et piégeuse. Ce n'est pas "Maîtres Jacques", coutumier, d'excès en tout genre lors de ces étapes de farniente, qui me contredira. Et, une nouvelle fois, le leader des St Raphaël s'est "vautré" lamentablement dans la dégustation d'un méchoui offert gracieusement par Radio Andorre au grand dam d'un Raphaël Geminiani qui avait préconisé, lui, un entraînement foncier susceptible d'effacer les efforts consentis depuis le départ de Rennes. L'invétéré apôtre d'Epicure se retrouvera, bientôt, devant un dilemme insolvable. Dès le début d'étape celui-ci se matérialisa sous la forme d'une coalition de féroces prédateurs. Jamais ô grand jamais, ils n'allaient relâcher leur étreinte. Anquetil est, alors, l'objet de tirs nourris dont l'estocade est porté par l'"Aigle de Tolède". Frédérico Bahamontès, le fier Ibère, s'arrache accompagné de "Poupou", Julio Jimenez et Henri Anglade. Le Normand désemparé ne peut esquisser la moindre attitude de rébellion. Il est planté, là, au beau milieu de la chaussée, pire, il sent monté en lui la défaillance, l'inexorable coup de pompe. Ce Rabelaisien de vocation semble vomir son méchoui, englouti la veille, tant son faciès apparaît, aux yeux effarées des suiveurs, congestionné. Le "Grand Fusil", dont le débit linguistique dans la colère n'a d'égal que la jovialité engendrée lors de discussions à bâtons rompus au coin du feu, monte à hauteur de son coureur, peu avant le sommet, et le vilipende vertement tout en lui tendant un bidon de Champagne. "Ou ça le crève, ou il s'envole" lance t'il à la volée !

 

A quatre minutes du "PIcador" et de "Poupou", au somment, "Maîtres Jacques" est en train de rendre les armes et de perdre ce Tour 64. La "bascule" opérée, le recordman des "Nations" fond dans la descente tel un voltigeur. Malgré la brume dense et la chaussée glissante, il fend l'air couché sur sa frêle "esquif". "Ca passe ou ça casse» maugrée le funambule en perdition. Dans la vallée Anquetil, auteur d'un retour fracassant, il reprend Georges Groussard, Vittorio Adorni, Henry Anglade et le maillot vert, Jan Janssen. Se positionnant résolument en tête du petit groupe, requinqué comme jamais, Anquetil se lance, alors, à la poursuite du duo Hispano - Français. En moins de dix bornes il peut déjà apercevoir la grande carcasse dégingandée de l'"Homme de la Mancha" qu'il rejoindra, ainsi que Poulidor, quelques hectomètres plus avant. La chance sourit de nouveau au Normand. Elle est insolente, même, en cette fin de journée. A vingt cinq kilomètres de Toulouse le coureur de Saint Léonard de Noblat, victime d'un bris de rayons, doit se résoudre à attendre "Tonin" pour changer de monture. Antonin Magne, tout aussi expressif dans la gestuelle que son homologue et compère "Gem", pousse des plus énergiquement le LImousin afin de le relancer. Le directeur sportif des Mercier est tellement assidu à la manoeuvre que notre "Poupou" national chute tête bêche sur le macadam. Le temps, pour notre "bonhomme', de reprendre ses esprits et le groupe Anquetil n'est plus qu'un lointain souvenir. Comble de désagréments, les voitures suiveuses qui, d'ordinaire précèdent les coureurs en difficulté, se retrouvent bizarrement derrière le poursuivant. Le spectacle captivant de cette étape sera invoqué pour expliquer la raison pour laquelle Poulidor n'a pu, à loisir, profiter de l'abri nécessaire à un éventuelle et hypothétique retour vers l'avant de la course. Raymond Poulidor, dépité et aigri plus qu'éreinté franchira la ligne, deux minutes et trente-six secondes, derrière Jacques Anquetil. Tout était à refaire !

 

Mais Poulidor était un guerrier et un attaquant hors norme et le lendemain il triomphera à Luchon, tel un seigneur, et récupérera une partie du retard accumulé la veille. Ensuite, tout le monde garde en mémoire l'étape d'anthologie qui s'est déroulée, un 12 juillet 1964, sur les pentes surchauffées du "Puy de Dôme". Cet épisode dantesque devrait figurer, en bonne place, dans les livres d'histoire de nos chers "têtes blondes" au même titre que la "Guerre des religions", par exemple. Enfin, il dut subir, par deux fois, la loi de son adversaire Normand lors des deux contre-la-montre de Bayonne puis de Paris, le dernier jour. Pour l'antépénultième fois, "Poupou" subissait la loi implacable et démoniaque de l'incontournable "Maître Jacques" mais, sachez, néanmoins, que jamais, non, jamais il ne rendra les armes ni ne s'avouera vaincu !

 

Michel Crepel

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Merci, je vais bien. Dommage que ce sale temps m'empêche de rouler, ce que j'avais prévu de faire aujourd'hui. Ce n'est pas que la pluie me dérange. Ce qui me dérange de plus en plus c'est de devoir nettoyer ma monture au retour. 

Pour l'étape partie d'Andorre, Maître Jacques doit une fière chandelle à Rostoland !

 

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En effet, la météo cette année .....

Rostolan fut aussi de tous les mauvais coups perpétrés par Anquteil comme sur le fameux Paris Nice 66 au détriment de "Poupou" ! C'était l'éminece grise de "Maître Jacques" à l'image d'un "Père Joseph" à l'égard d'un Richelieu qui lui même était l'éminence rouge de Louis XIII ..... mais je m'égare !

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J'ajoute que ce que tu dis me rappelle l'année 97 où à chaque étaoe de montagne, vraiment à toutes les étapes de montagne et même de moyenne montagne, Viranque, Moreau, Rous, Hervé, Stephens, Dufaux, Brochard .... attaquaient au kilomètre 0 !!! Le plus marrant (quoique !) était, qu'il n'était pas rare de retrouver Virenque accompagné de Brochard, Dufaux, Rous ou Hervé dans le final après 200 bornes de course avec des montées à "chier" partout ! Le plus drôle ? C'est qu'ils remettaient le couvert le lendemain et ainsi de suite ! A un moment je me suis dis que c'était normal car pendant les vacances à cette époque Dorothée présentait "Goldorak" à la télé et que les Festina s'en inspiraient ! J'étais un peu naif, non ?😃😉

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Salut Mimi,

Merci beaucoup pour tes récits.

Pour en revenir aux Festina et Virenque, j'étais comme toi naïf, mais sur le tard on a vite compris qu' ils n'étaient pas les seuls,sans attendre même 99. Sur le coup je ne l'aimais pas, ensuite attaqué de partout il me faisait de la peine, car il a payé (par sa faute) pour tout les autres.Mais que dire des Pantani, Amstrong, Jaja et compagnie...7 Grands Prix de la montagne qu'en même.

Oups, je m'égare du "Toréro".

A + l' @mi

Mimile

 

 

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"Le plus grand grimpeur du Tour ? Il suffit de regarder les références des montées; Pantani... Armstrong... Contador ? Le meilleur... C'est celui qui va le plus vite, non ?"

Assertion pour le moins douteuse, Joa : ainsi Pantani de 98 écraserait le Bartali de 38 qui n'était évidemment pas une quiche ... 60 ans d'écart, comparaison impossible !

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"Malheureusement pour lui il connaissait régulièrement des jours «sans» ..."

Exact, Franck, mais Charly était réputé pour se doper à un très gros "régime" (comme Anquetil, d'ailleurs) et le fait est qu'il supportait très mal la grosse chaleur, incompatible avec le produit-vedette de l'époque : les amphétamines ... ceci dit, Bahamontès a connu quelques "coups de mou" spectaculaires sous la forte chaleur ... alors ...

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