Dans la cité des grands espoirs du cyclisme français, « le TGV de Clermont-Ferrand » est attendu en gare. Endurant et rapide, il défraie régulièrement la chronique par ses prouesses sur sa bicyclette, capable de s’imposer en solitaire après 180 kilomètres d’échappée sous des pluies torrentielles ou de résister à un peloton lancé à vive allure dans le final d’une étape de la Vuelta pour enlever le bouquet du jour. Pur produit de la formation Quick-Step, il a acquis en Belgique un savoir faire unique dans l’art de rouler face au vent, ainsi qu’un esprit de dévotion admirable à ses leaders, faisant la célèbre force du « Wolfpack ». Spécialiste du contre-la-montre, cet homme sait aussi appliquer ses talents de rouleur dans la position d’un redoutable chasseur d’échappée en tête de la meute, ou encore en tant que formidable baroudeur dans de longues échappées. S’il n’a que 24 ans, ses récents succès retentissants ont largement démontré qu’il a déjà tout d’un grand, prêt à multiplier les performances de haute-voltige. Portrait de Rémi Cavagna.Rémi Cavagna sous le maillot de la formation Deceunink Quick-StepRémi Cavagna sous le maillot de la formation Deceunink Quick-Step | © Compte Twitter de Rémi Cavagna 

Son parcours :

Si le Clermontois fait aujourd’hui partie d’une famille de cyclistes, frère de deux trialistes, c’est d’abord la course à pied qu’il a pratiqué, suivant ainsi l’exemple paternel. Puis à l’âge de 14 ans, il goûte au vélo et croque vite à pleine dents dans la discipline. D’abord vététiste, le jeune adolescent ne trouve pas son aise sur les chemins, et passe rapidement au bitume, où ses résultats s’avèrent beaucoup plus prometteur. Licencié dans un premier temps au sein du Vélo Club de Riom, le français poursuit sa route sous les couleurs du VC Cournon lors de son passage chez les Juniors, où il se distingue notamment par ses prouesses contre-la-montre. Troisième des championnats de France de chrono de la catégorie en 2012, Rémi Cavagna récolte une deuxième médaille de bronze dans l’exercice l’année suivante, au niveau européen cette fois.

Passé en DN1 en 2014 au sein de la prestigieuse formation amateure Pro Immo Nicolas Roux, l’auvergnat développe son palmarès à une allure effrénée, excellant dans l’art de rouler seul face au vent. Champion national de contre-la-montre universitaire, il se classe également deuxième des championnats de France Espoirs de chrono derrière Bruno Armiral, et reçoit alors l’honneur de porter les couleurs du maillot tricolore sur les mondiaux U23 de Ponferrada. Sa seconde année dans la catégorie marque alors son ascension de la plus haute marche du podium lors des championnats de France de contre-la-montre au mois d’août, remportant également cette saison-là trois chronos sur des courses de DN1.Rémi Cavagna sur le podium des championnats de France junior de contre la montre en 2014, aux côtés de Bruno Armiral 1er et de Nans Peters 3eRémi Cavagna sur le podium des championnats de France junior de contre la montre en 2014, aux côtés de Bruno Armiral 1er et de Nans Peters 3e | © Wikipédia

Repéré par les éclaireurs de Patrick Lefévère, le puydômois est recruté par la formation Klein-Constantia pour la saison 2016, antichambre de la formation World Tour Quick-Step Floors. Dans ce véritable vivier de pépites, aux côtés d’Ivan Garcia Cortina, d’Enric Mas ou encore de Maximilian Schachmann, Rémi Cavagna progresse vite tout en apprenant à se mettre au service des autres lorsqu’il n’a pas la possibilité de jouer sa carte personnelle. Dès le mois de mars, le clermontois s’adjuge la dernière étape de la Volta ao Alentejo, avant de remporter deux semaines plus tard la première étape du Circuit des Ardennes, en devançant systématiquement le peloton de quelques secondes, posant ainsi les prémisses de sa victoire sur la Vuelta. La suite de la saison s’avère tout aussi fructueuse. Profitant des deux chronos présents sur le Tour de Berlin, le clermontois enlève le classement général de l’épreuve allemande après avoir survolé l’exercice individuel. Second du Paris-Arras Tour puis triomphant sur la troisième étape de la course de la Solidarité, profitant de conditions quelque peu chaotiques, le français prépare idéalement le renouvellement de son bail avec le maillot tricolore espoirs en contre-la-montre, avant de conclure l’année sur une honorable treizième place sur les championnats du monde U23 de la discipline.

Remarqué pour ses prouesses, l’auvergnat se voit alors propulsé dès la saison suivante au sein de la formation mère, avec laquelle il effectue ses premiers pas en World Tour, au service d’immenses champions du cyclisme mondial, tels Tom Boonen, Philippe Gilbert ou encore le jeune Julian Alaphilippe, seul autre coureur français de l’équipe. Si Rémi Cavagna passe l’essentiel de son temps à rouler pour ses prestigieux leaders, il ne manque pas de se distinguer contre-la-montre, en se classant notamment troisième d’un chrono tracé autour de la cité argentine de San Juan dès son troisième jour de course. Solide deuxième du Tour de Belgique au mois de mai, le puydômois manque ensuite son rendez-vous avec ses premiers championnats de France de contre-la-montre élite, échouant à une anecdotique 36e place. S’il ne fait pas vague par ses résultats en fin de saison, ses prestations en tant que gregario d’exception contribuent à faire de lui un solide maillon du « Wolfpack ».

Sa progression se poursuit ainsi en 2018, où il remporte notamment sa première victoire professionnelle sur A Travers les Flandres devant son coéquipier et compatriote Florian Sénéchal, avant de découvrir son premier Grand Tour à l’occasion du Giro, où il prend part au succès au classement par points d’Elia Viviani. A nouveau décevant sur les championnats de France de contre-la-montre, le clermontois réapparaît au sommet des classements à la toute fin de saison, sur le Gree-Tour of Guangxi, épreuve de clôture du World Tour.

Mais la révélation Cavagna intervient en 2019. 3e du contre-la-montre inaugural du Tour de la Provence en début de saison, sa victoire à Morgan Hill sur le Tour de Californie favorise la reconduction de son contrat, dans une cité où se situe le siège social de l’équipementier de la formation belge, Specialized. Sur les routes américaines, l’auvergnat profite de la mansuétude des leaders pour prendre le large sur le peloton, et lâche à l’usure l’américain Alex Hoehn avant de réaliser une descente rocambolesque de Quimby Road pour conclure par une masterclass de rouleur sur les 20 derniers kilomètres de plat, s’adjugeant finalement l’étape avec plus de sept minutes d’avance sur ses poursuivants. Si ce bouquet lui permet de débloquer son compteur de victoires en World Tour, c’est à l’occasion de la Vuelta que le clermontois se fait connaître du grand public. Dévoilant une forme étincelante dès les premières étapes, Rémi Cavagna brille sur le contre-la-montre tracé entre Jurançon et Pau, ne cédant que 36 secondes à Primoz Roglic sur les 36 kilomètres de parcours. De bonne auspices pour une dernière semaine fantastique. 3e à Guadalajara après avoir assuré la victoire de son leader Philippe Gilbert, le français reçoit carte blanche sur la 19e étape, s’échappe, se débarrasse de ses compères, et conclut en vainqueur à Tolède en résistant vigoureusement au peloton dans une fin de course haletante ! Décidément déchaîné en fin de saison, l’auvergnat s’illustre encore sur l’épreuve en ligne des championnats du monde, en tirant le peloton durant de longues heures de courses pour le compte d’un Julian Alaphilippe finalement décevant, saisit et trempé par la pluie glaciale du Yorkshire.

Enfin, si la saison 2020 a été brusquement arrêtée par la crise du coronavirus, les premiers mois de courses ont toutefois eu le temps de voir le français réaliser une nouvelle Masterclass. Echappé sur les routes de la classique de l’Ardèche dans des conditions dantesques, le puydômois broie progressivement ses compagnons de route tout en résistant allègrement à un peloton aux abois, pour remporter héroïquement une épreuve de forçats avec près de trois minutes d’avance sur son dauphin, l’estonien Tanel Kangert. « Rémi, t’es un peu fou », lui a glissé son directeur sportif Davide Bramati, lorsque l’auvergnat s’est échappé en facteur dès le deuxième kilomètre de course. Mais Rémi Cavagna n’est définitivement pas un coureur comme les autres, et sa folie réside davantage dans ses jambes que dans sa tête.Rémi Cavagna lors de sa victoire sur la Classique de l'Ardèche en début de saisonRémi Cavagna lors de sa victoire sur la Classique de l’Ardèche en début de saison | © Equipe Deceuninck Quick-Step

Son statut aujourd’hui :

L’arrêt brutal de la saison est d’autant plus dommage pour Rémi Cavagna que le clermontois semblait particulièrement en forme en 2020. Déjà impressionnant sur la route du Mont Ventoux lors du Tour de la Provence, il a démontré avec son succès retentissant sur la classique de l’Ardèche ses talents de baroudeur infaillible, rappellant notamment un certain Thomas De Gendt. Après sa Vuelta impressionnante la saison passée, Rémi Cavagna paraît tout à fait au niveau de l’élite du World Tour, capable de tirer son épingle du jeu sur n’importe quelle épreuve à son avantage lorsqu’il reçoit carte blanche. Dès lors, on attend avec impatience la reprise du vélo pour découvrir ses nouveaux exploits !

 Par Jean-Guillaume Langrognet