Il y a ceux qui gagnaient tout, qui sont tombés pour dopage, qui ont purgé leur peine (deux ans généralement), et qui sont revenus pour gagner de plus belle. Pourquoi pas… L’histoire de Franck Bouyer n’a rien à voir avec tout ça. Lui aussi gagnait des courses à sa belle époque, vainqueur de la Coupe de France en 2002 et au summum de sa condition au début de l’année 2004. Lui aussi a été coupé net dans son élan parce qu’il réclamait l’usage d’un médicament figurant sur la liste des produits interdits mais vital pour soigner le mal dont il souffre, la narcolepsie, qui provoque des endormissements soudains. Certains font usage de produits thérapeutiques pour doper leurs performances, lui a payé pour ceux-là. Il a dû faire une croix sur les plus belles années de sa carrière, de juin 2004 à janvier 2009.

Certains purgent des peines de deux ans (moins quand ils admettent avoir triché délibérément), Franck Bouyer a rongé son frein pendant quatre ans et demi. Simplement parce que les instances refusaient de lui accorder une autorisation thérapeutique. Le coureur s’est toujours offusqué de cette injustice, et si l’espoir l’a parfois quitté, il s’est toujours raccroché à l’idée de revenir conclure ce qu’il avait commencé en 1995 : le rêve d’une belle carrière cycliste. A 36 ans, le Choletais a mesuré l’an passé toute la difficulté à retrouver le haut niveau, cinq saisons après son retrait forcé. « J’ai vécu une année pénible, nous avait-il confié cet hiver. Beaucoup m’ont dit que ça avait été satisfaisant et qu’ils n’imaginaient pas que j’aurais couru à ce niveau-là. Mais personnellement, j’avais tellement fait abstraction de mes trois années sans courir que je pensais pouvoir arriver au même niveau. Je me suis vite rendu compte qu’il m’était impossible d’y parvenir. »

Alors, les victoires de certains « revenants » ont une saveur particulière. Celle de Franck Bouyer au classement général du Tour de Bretagne, la semaine dernière, possède l’apparence d’une récompense. Elle vient gratifier le coureur pour sa ténacité et son acharnement à ne pas baisser les bras, quand bien même il lui aurait été tellement plus facile d’abandonner son combat. A 36 ans, Franck Bouyer ne gagnera sans doute plus beaucoup de grandes courses. Mais quand sonnera l’heure de raccrocher le vélo, le coureur pourra quitter la scène la tête haute. Alors le Tour de Bretagne, ce n’est pas non plus Liège-Bastogne-Liège, mais la classe, la vraie, c’est sans doute cela…