Il s’en est donc allé, un mardi midi, sur un lit de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière. On a presque envie de dire brusquement quand bien même on savait que son état de santé ne lui laissait guère plus beaucoup d’espoir. Seize mois qu’il traînait cette foutue maladie, un cancer des voies digestives. Seize mois qu’il luttait contre la fatalité, avec cette combativité qui caractérise si bien les grands champions, avec cette exemplarité dans son combat, avec un courage qui a exposé aux plus jeunes d’entre nous, ceux qui n’étaient pas assez grands pour suivre ses exploits dans les années 80, qui était Laurent Fignon. Le double vainqueur du Tour de France est parti, un mois après le terme d’un Tour de France qu’il aura tenu à commenter en dépit de la diminution de ses moyens. A 50 ans, le Parisien a dit adieu au monde à la fin d’un été qui s’achève tristement.

Aujourd’hui, les témoignages bouleversés et bouleversants se succèdent les uns aux autres : « un immense champion » (Laurent Jalabert), « un cycliste de légende » (Lance Armstrong), « un homme d’exploits » (David Lappartient), « une grande figure du cyclisme français » (Christian Prudhomme), « un porte-drapeau du cyclisme français » (Jean-Marie Leblanc), « un sportif de légende » (Nicolas Sarkozy), « un homme unique » (Greg LeMond), « quelqu’un d’une grande fidélité » (Cyrille Guimard), « un grand monsieur » (Eddy Merckx), « un adversaire honnête et combatif » (Bernard Hinault), « quelqu’un de modeste dans la victoire, digne dans la défaite » (Bernard Tapie)…

Laurent Fignon a incarné une nouvelle génération de champions, plus insolente, plus offensive, plus moderne. Il a tout donné au cyclisme. Coureur, organisateur, consultant, il avait ce franc-parler qui le définissait bien. Sévère dans ses propos mais si souvent juste. Ses analyses vont nous manquer, lui qui aimait si profondément sa discipline, à tel point qu’il avait refusé de céder son fauteuil de commentateur les deux étés derniers quand on sait à quel point couvrir un Tour de France est éprouvant. Laurent Fignon voulait continuer à vivre, ne pas songer à la maladie qu’il rêvait de pouvoir terrasser. A la fin de l’été, le cyclisme a perdu un grand homme.