François, comment avez-vous récupéré de votre chute à Cali ?
Ça va beaucoup mieux. Finalement, ce n’était qu’une belle glissade, il n’y a pas eu de soleil, je n’ai pas trop percuté la piste. Les grosses brûlures commencent à disparaître. Elles ne me gênent plus. Concernant mon choc à l’épaule, ça va. J’ai pu faire des départs arrêtés. C’était le test pour voir si mon épaule allait tenir. Je n’ai finalement eu aucune douleur. Quand je suis sur mon vélo, j’ai l’impression de ne pas avoir chuté.

Avez-vous eu peur des conséquences de cette chute ?
Ça faisait longtemps que je n’avais pas chuté. Mon premier réflexe a été de regarder mes clavicules. Je ne bouge pas. Je reste allongé par terre. Je n’ai pas mal. Mais ma kiné a eu très peur car j’ai eu une grosse plaie derrière l’épaule. La combinaison était toute rouge de sang. Je n’arrivais pas à bouger l’épaule. J’ai eu peur de m’être cassé l’omoplate. On a attendu, je me suis fait soigner. On m’a retiré les échardes dans la demi-heure. Quand ça a refroidi, j’ai eu très mal. Finalement, on s’est rendu compte qu’il n’y avait rien de cassé. Je n’ai pas pu faire d’échographie. Il a fallu attendre trois jours et mon retour en France. Pendant ces trois jours, j’ai eu vraiment mal à l’épaule. Je me suis dit que les Championnats du Monde étaient peut-être terminés pour moi. Finalement, c’est juste un choc. Le muscle a été un peu froissé. Mais j’ai vite récupéré. Aujourd’hui, tout va bien.

C’est un obstacle supplémentaire à un hiver qui n’était déjà pas de tout repos…
Je ne vous cache pas que je ne suis pas dans les mêmes conditions que l’année dernière à la même époque. Je ne me pose plus trop de questions. Je prends les choses comme elles viennent. C’est la meilleure des façons. Car si je commence à penser à l’année dernière quand j’ai battu deux records du monde et remporté trois titres mondiaux, je vais m’enterrer. Pour le moment, j’ai encore la tête tournée à 100 % vers mon entraînement. Il me reste trois semaines. J’ai besoin de les optimiser pour faire monter ma forme du mieux possible. Je ne dis pas que je vais perdre. Je vais tout faire pour conserver mes titres.

Le fait de disputer ces Championnats du Monde à domicile vous apporte-t-il une motivation supplémentaire ?
Forcément, des Championnats du Monde à domicile, ça multiplie la motivation et la détermination (il fait une pause). Si ces Championnats du Monde avaient été à l’étranger, j’aurais peut-être déclaré forfait. Mais dans trois semaines, ça aurait été différent. J’aurais commencé à bouillonner. Je vais me transcender comme je sais me transcender. Des Mondiaux à domicile, ça change la donne. J’ai trois titres à défendre et je sais que je suis attendu. C’est plaisant. Je prends ça comme du positif. Il y aura 5000 personnes qui vont me supporter, qui seront là pour moi et pour l’équipe de France de façon plus générale. C’est ce qui peut faire la différence.

Ces Championnats du Monde ne seront-ils qu’une étape vers Rio ?
Je pourrais dire oui car c’est un Championnat du Monde à domicile. Pour un sportif, être champion du monde à domicile est un moment très fort à vivre et à partager avec son public. C’est pour ça que ce sera plus qu’une étape vers Rio. Je n’ai pas envie de dénigrer un Championnat du Monde. J’ai tellement galéré à devenir champion du monde que je ne peux pas me permettre de dire qu’un titre n’a aucune valeur. Ça garde une grande importance même si le titre olympique reste un cran au-dessus.

Le retard accumulé ces dernières années est-il en passe d’être comblé ?
Il est partiellement comblé. On s’est rendu compte de beaucoup de choses. Elles doivent maintenant être mises en place. Ce n’est pas facile, ça demande des moyens financiers et humains. On s’entraîne six jours sur sept, deux fois par jour. Il y a des choses comme les études en soufflerie que l’on ne peut pas faire quand on veut. On sait que nous devons progresser dans des domaines précis. On va tout faire pour y arriver. La situation n’est donc pas encore idéale, mais on y vient. Les Jeux Olympiques sont dans un an et demi. Les choses sont claires et sont fixées.

Quel est le titre qui vous paraît le plus facile à défendre ?
Ce n’est jamais facile à défendre. Tout le monde a le couteau entre les dents. Aujourd’hui, je dirais qu’aucun ne me semble plus facile qu’un autre. Chaque discipline est très dure autant psychologiquement que physiquement. Malgré tout, je dirais que j’aurai plus de chances sur le kilomètre. Par rapport à la marge que j’avais sur mon dauphin.

En revanche, vous n’avez pas été sélectionné pour la vitesse par équipes…
Ce n’est pas un choix personnel. Ce sont les sélections qui sont comme ça. Au vu de ce que j’ai montré en vitesse par équipes en Coupe du Monde cette année, je ne pouvais pas prétendre à intégrer l’équipe. Je n’ai pas été déçu de ma non-selection. C’est logique. Mais à l’avenir, je compte bien l’intégrer. On a pu voir que j’étais assez polyvalent sur le poste à occuper. Je ne me fixe aucun objectif. On verra ça l’an prochain sur les Coupes du Monde.

Quelles relations entretenez-vous aujourd’hui avec Grégory Baugé ?
Grégory est un exemple en vitesse individuelle, il a été quatre fois champion du monde et vice-champion olympique. Ce n’est pas n’importe qui, c’est un gros client. Je le vois évoluer tous les jours. On a vu qu’il revenait en forme à Cali avec son super chrono au démarrage en vitesse par équipes. Si je tombe contre lui en vitesse individuelle, je connais ses qualités et ses faiblesses. Je le prends comme n’importe quel autre adversaire. C’est quelqu’un à battre. Contre un autre Français, on est toujours motivé, c’est le sport qui est comme ça. Il faut savoir faire son trou, gagner sa place. Il faut tout faire pour le battre car ça peut engendrer des sélections ou des non-sélections pour le futur.

Propos recueillis à Saint-Quentin-en-Yvelines le 27 janvier 2015.