Arthur, partir au 5ème kilomètre du Championnat de France, c’était la stratégie de l’équipe FDJ ?
C’était mon rôle. J’écoute, bête et discipliné, les consignes. On avait désigné un groupe de coureurs dans l’équipe qui devait être devant, car si l’échappée allait au bout, nous devions être capables de gagner. J’ai pris la responsabilité avec William Bonnet qui était aussi dans ce cas-là.

Imaginiez-vous que, six heures après, vous alliez disputer le titre national ?
Oui et non, car un championnat, c’est long. On a le temps de passer par plusieurs sentiments. Quand on a eu onze minutes d’avance, j’ai pensé que le peloton aurait du mal à revenir, surtout avec le vent. Et je savais que si des poursuivants rentraient sur nous, ils seraient des hommes costauds mais aussi usés par la course. J’y ai un peu cru, mais il n’y avait pas une très bonne entente dans l’échappée. Je ne sais pas si les autres étaient à fond ou s’ils comptaient leurs coups de pédales, mais l’entente n’était pas super. J’ai un peu douté, mais dans les derniers tours, j’ai tout donné, je n’ai pas trop réfléchi.

Ce n’était donc pas un sacrifice de prendre l’échappée au départ…
Non, pas du tout, c’était peut-être même mieux pour moi. Une course comme ça, avec le ribin, ce n’est pas mon fort. Je suis un peu un fer à repasser sur les épreuves du genre. Je suis mauvais dans les chemins avec des graviers. C’est peut-être ce qui m’a permis d’arriver un peu relâché, sans pression. Je me suis dit qu’au moins, devant, il n’y aurait personne pour m’embêter, j’étais tranquille.

Dans l’échappée, avez-vous roulé ou laissé les autres le faire, vu que vous étiez dans la plus grosse équipe ?
William Bonnet et moi avons bien roulé, on y avait tout intérêt puisque derrière d’autres équipes prenaient la course en main. On voulait que la course soit dure, mais il fallait léser certaines équipes pour ensuite profiter de la qualité de notre effectif et jouer le surnombre.

Sentiez-vous que vous étiez dans un grand jour ?
A la fin, je savais que j’étais vraiment bien quand Sylvain Chavanel et Tony Gallopin sont rentrés sur moi. J’étais presque mieux qu’au départ, mais je ne voulais pas trop le leur montrer. J’ai essayé de faire le mort, ce qui n’est pas facile !

Quand vous avez vu revenir Sylvain Chavanel sur vous, ne vous êtes-vous pas dit ça allait être compliqué de gagner ?
Si, j’ai un peu douté, mais j’ai géré mon affaire quand j’étais devant, et après j’ai tout de suite vu, quand ils sont rentrés, qu’ils n’allaient pas me lâcher comme ça. Surtout sur un circuit où il n’y a pas de difficulté, où il n’y a pas de risque, à moins d’avoir une défaillance, une fringale, des crampes… Mais j’étais assez confiant de ce côté-là. Peut-être pensaient-ils que j’étais usé dans la course, fatigué, et ils se sont peut-être moins méfié de moi que l’un de l’autre. Quand je suis parti à un kilomètre de l’arrivée, ils sont restés se regarder, et je savais que s’ils me laissaient prendre quelques mètres, ils auraient du mal à revenir sur moi. On avait tous la même envie de gagner. Sur le podium, Sylvain était dépité et Tony était au bord des larmes. On a tous fait des sacrifices.

Sur la ligne, vous n’avez pas levé les bras. Vous ne réalisiez pas ?
Il y avait trop de vent, il fallait assurer ! Sérieusement, c’est bizarre de passer la ligne. Ça s’est passé un peu trop facilement. Voir revenir Chavanel et Gallopin, jouer avec eux, qu’ils me laissent sortir dans le final, c’était un peu trop facile. Enfin, c’était très dur, mais tout s’est tellement bien goupillé !

C’était une course particulière, sans Marc et Yvon Madiot…
C’est vrai que de ne pas les avoir sur un Championnat de France, ça fait un peu bizarre. Ne pas entendre crier la veille du championnat, ça manque, quand même !

Sur le podium, à quoi pensiez-vous ?
C’était assez bizarre de se retrouver là. J’avoue que, comme tout coureur, j’ai souvent pensé à être champion de France, c’est normal. Mais quand on y est vraiment, on se demande ce qu’on fait là, au final. J’ai essayé de profiter au maximum tout en étant un peu surpris d’être là. C’était un bon moment.

Porter le maillot bleu-blanc-rouge sur le Tour de France, c’est un symbole très fort…
Les couleurs bleu-blanc-rouge, ça représente beaucoup pour moi, ça a une grande valeur. Porter ce maillot sur le Tour de France et pendant une année complète, ça va être quelque chose ! Je n’arrive pas encore à réaliser. Mais je sais que ça va être cool. C’est quand même la classe !

Comment jugez-vous votre saison jusqu’à maintenant ?
Il y a des hauts, des bas, des satisfactions, des regrets, des déceptions, comme dans toutes les saisons. On veut toujours faire mieux. J’ai fait un Dauphiné assez moyen, même très moyen. J’avais de grandes ambitions, après l’étape que j’avais gagnée l’an passé. J’en suis sorti vraiment déçu, je me suis vraiment remis à travailler à l’entraînement. En plus, on a eu 40° en Franche-Comté, donc j’en ai profité ! J’ai travaillé dur, j’avais quand même dans un coin de la tête de jouer la gagne ici. Je me considère comme un coureur de circuit et de championnats, donc je savais qu’un jour un championnat me sourirait. Mais un championnat, ça se gagne, il ne faut pas se louper. Dans l’équipe, on sait que j’ai beaucoup de qualités, même si je n’ai pas toujours répondu présent à des moments où je le devais. Je suis encore jeune, il ne faut pas trop s’enflammer, ma carrière est encore longue et j’espère continuer à progresser. Ce succès va m’apporter de la confiance.

Quels sont vos prochains objectifs ?
Le rêve suprême, ce serait un maillot de champion du monde. Mais il y a encore de la marge. Aujourd’hui est déjà un grand pas que j’ai effectué dans ma carrière, je vais profiter de ce moment. Et le Tour de France arrive, on a de gros objectifs dans l’équipe, il faut que je sois concentré. Je vais bien profiter de cette 100ème édition avec le maillot. Mais il faudra aussi être fort, car il y aura de grosses attentes, je vais être surveillé. Et il faudra aider les copains car on a de belles ambitions. Comme on a beaucoup de qualités dans l’équipe, il faut savoir travailler pour les autres, ranger son ego.

Justement, vous aurez pour mission de protéger votre compagnon de chambre Thibaut Pinot sur le Tour ?
Comme je le connais très bien, je sais comment il fonctionne. Il est assez compliqué à gérer en tant que leader, mais avec moi, ça se passe bien, je suis assez patient. Je vais bien m’occuper de lui !

Propos recueillis par Elodie Troadec à Lannilis le 23 juin 2013.