Cathy, on vous retrouve au CREPS de Poitiers en formation DEJEPS, pourquoi cette démarche ?
Je suis titulaire du BEESAC que j’ai passé par la filière « sportif haut niveau » en 2005. Je souhaite améliorer mes connaissances dans le perfectionnement sportif, l’entraînement, et le DEJEPS est un niveau au-dessus pour certaines connaissances. Je suis impliquée dans l’encadrement de jeunes cyclistes au sein du Vélo Sport 31 et je souhaite actualiser certaines connaissances de l’entraînement que j’ai acquises au cours de ma carrière.

Pouvez-vous nous présenter votre club de la région toulousaine ?
C’est un club que j’ai créé avec mon mari Gaëtan Prime, en 2004, à Venerque, un petit village dans la banlieue toulousaine. Mon mari est président de l’association et je m’occupe de l’entraînement et de tâches administratives. Nous sommes bénévoles tous les deux. Le club ne dispose pas de salariés mais a la chance d’avoir une quinzaine d’éducateurs diplômés. En 2004 nous étions 11 licenciés, à présent nous sommes 183. Le club est le plus important du comité Midi-Pyrénées. Nous disposons d’un bus de cinquante places pour déplacer nos jeunes licenciés et leurs matériels sur les événements.

Quelles activités proposez-vous ?
Notre club propose des activités cyclistes traditionnelles, du BMX et du VTT très axé loisir. Notre école de vélo est la base du club et chaque année nous avons plusieurs jeunes licenciés sélectionnés pour le TNJV. Dans nos licenciés Cadets, nous avons des jeunes présents aux Championnats de France route, piste et cyclo-cross. C’est une fierté, une reconnaissance de notre investissement bénévole et de la qualité de notre formation.

Sur le plan personnel, vous venez juste de mettre un terme à votre carrière…
Oui, j’ai organisé mon jubilé le week-end du 6 octobre à Venerque, au siège du club. On a organisé une randonnée à laquelle ont participé plus de 200 personnes, familles, amis et des gens rencontrés au cours de ma carrière. La soirée a été conclue par un dîner-spectacle où un montage-photos a revisité ma carrière. J’ai eu la chance d’avoir un contrat d’insertion professionnelle au sein de la SNCF depuis janvier 1999. Il prend fin le 1er novembre. C’était un mi-temps payé plein-temps et qui m’a laissé des aménagements pour effectuer ma carrière d’athlète de haut-niveau.

Comment votre carrière a-t-elle débutée ?
J’ai débuté à l’âge de 13 ans, en 1990, après avoir vu Frédéric Moncassin, mon cousin, remporter un cyclo-cross à Blagnac. Mon père est un ancien cycliste, il n’était pas forcément enthousiaste à ce que je m’oriente vers le vélo, un sport peu reconnu pour les filles. Mes deux petits frères pratiquaient déjà le vélo. L’un a intégré l’équipe de France Juniors sur route. Tous les trois nous avons évolué à un haut niveau. Ma première licence, je l’ai prise au club de Villeneuve Tolosane, où était licencié mon cousin. J’ai eu la chance de connaître André Gerardo, un super éducateur, qui m’a inculqué la passion du vélo et m’a orientée sur la piste avec des valeurs de courage, de combat. C’est lui qui a le plus influencé ma carrière et m’a encouragée à créer mon club.

Quels sont les meilleurs souvenirs de votre carrière ?
Mon premier titre de championne de France, en 1994 chez les Juniors, acquis à Bordeaux en poursuite. C’était ma spécialité, j’adorais ça. Un premier titre reste un moment particulier. Il y avait toute ma famille auprès de moi. Mais mon meilleur souvenir est survenu dix mois après la naissance de ma première fille, en 2006. J’ai été sacrée championne de France de poursuite à Hyères face à Jeannie Longo… Ecouter La Marseillaise sur la première marche du podium, avec la tunique bleu-blanc-rouge sur les épaules et en ayant ma fille dans les bras, j’en frissonne encore !

Et vos principaux résultats ?
Ma carrière de haut-niveau a débuté en 1995 avec ma première sélection en équipe de France, lors du Championnat du Monde à Forli, en Italie, où les disciplines route et piste étaient rassemblées. Je termine 4ème du contre-la-montre à 2 secondes du podium. Et j’obtiens une médaille de bronze sur la course aux points en piste, la seule médaille de l’équipe Nationale sur ce Mondial. En 1995 je signe le record de France de poursuite en 2’29″58, la meilleure performance mondiale chez les Juniors cette année-là. Au cours de ma carrière j’ai remporté sept titres de championne de France, six en poursuite et un en course aux points. Au niveau mondial, j’ai signé cinq podiums en Coupe du Monde mais je n’en ai jamais gagnée. J’ai deux médailles de bronze aux Championnats d’Europe Espoirs en poursuite. J’ai disputé trois Championnats du Monde Elites où je n’ai pas fait mieux que 4ème à Stuttgart en 2003 sur la course aux points.

Vous n’avez jamais participé aux Jeux Olympiques…
Hélas, non. C’est le plus grand regret de ma carrière. Je méritais mes sélections aux JO d’Athènes, sans aucun doute ! Suite à mes résultats acquis lors de ma saison 2003, j’avais apporté les points pour les quotas de la FFC pour les Jeux. Je n’en ai pas été récompensée pour autant. Et encore plus lors des JO de Pékin en 2008. Cette année-là j’étais 5ème de la Coupe du Monde, 1ère Française. Et la DTN ne m’a pas sélectionnée. C’est injuste ! Ces non-sélections ont été de grosses déconvenues mais j’ai toujours su rebondir et poursuivre ma carrière, notamment grâce à mon contrat SNCF qui m’a permis de poursuivre mes entraînements dans de bonnes conditions.

Avez-vous couru sur route ?
Oui, j’ai toujours pratiqué la route en parallèle à la piste, en étant présente sur le calendrier national et sur certaines courses internationales. En 2007/2008 j’étais au sein de l’équipe Pruneaux d’Agen. En 2002 je remporte le contre-la-montre du Tour de Bretagne. J’ai gagné des courses par étapes, terminé 2ème d’une Coupe de France, j’étais aussi en sélection mais cette discipline est « trop longue », j’avais moins de passion que pour la piste.

Quel regard portez-vous sur la carrière de Jeannie Longo ?
C’est dommage pour elle de sortir par la petite porte. Il faut reconnaître qu’elle a eu une carrière exceptionnelle mais on peut lui reprocher de n’avoir rien su transmettre aux jeunes françaises. Mes trois titres de championne de France acquis devant Jeannie Longo ont de la valeur à mes yeux même si les médias n’ont pas valorisé ma performance car seule Longo comptait à l’époque. Mais je ne l’envie pas, je n’échangerais pas ma vie contre tout son palmarès.

Et sur le bilan de la sélection française lors des épreuves sur piste des JO de Londres ?
Ils ont fait ce qu’ils ont pu, avec ce qu’ils avaient. Tout est à revoir, on a eu la confrontation entre l’amateurisme français et un projet professionnel anglo-saxon aux gros moyens financiers et humains. Les poursuiteuses anglaises avaient tout le matériel optimisé. Elles s’entraînent ensemble, elles sont payées pour être performantes sur les épreuves majeures et représenter leur nation. En France, nous sommes très, très loin de cette situation. Les filles sont des amateurs qui ne disposent d’aucuns moyens, et chez les hommes ce n’est guère mieux comme en atteste la situation de François Pervis.

C’est juste une question de moyens ?
Tant que la piste française n’aura pas des moyens équivalents aux anglo-saxons, c’est perdu d’avance. De gros moyens doivent être mis sur l’encadrement (masseur, kiné), les méthodes d’entraînement, les stages… La piste de l’INSEP présente une longueur de 166 mètres, celle de Londres en fait 250. La piste française a la chance de bénéficier de l’expérience de Florian Rousseau mais d’autres éléments essentiels à la performance doivent être trouvés. Vivement la piste de Saint-Quentin qui, je l’espère, devrait améliorer les conditions d’entraînement. Il me semble judicieux que tous les pistards soient regroupés sur un même pôle d’entraînement.

Votre avenir passe-t-il par un poste au sein de la FFC pour promouvoir le cyclisme féminin, et la piste en particulier ?
J’aimerais bien, je serai attentive à toute proposition. Si j’obtiens mon DEJEPS je pourrai passer le concours de professorat, nécessaire pour être entraîneur national. C’est une orientation que je n’exclue pas. Je suis passionnée par la piste, j’aime le contact humain et la jeunesse, et m’investir auprès des équipes Juniors françaises serait un beau challenge.

Propos recueillis par Jean-Baptiste Trauchessec le 18 octobre 2012.