Sandy, vous vous êtes mis en tête de participer cette année aux trois Grands Tours, c’est un défi que vous aviez en tête depuis longtemps ?
Plus qu’un défi, c’est un rêve que je nourris depuis très longtemps en effet. C’est sûr que disputer les trois Grands Tours la même saison paraît très compliqué par rapport au cyclisme moderne. Mais j’ai déjà doublé six fois des Grands Tours : quatre fois le Giro et le Tour, deux fois le Tour et la Vuelta. L’année dernière j’y pensais déjà très fort, mais je n’étais pas en condition et je ne m’étais pas préparé pour. Cette fois je me suis dit pourquoi pas. Il faut essayer. Peut-être que je n’en aurai pas les capacités mais j’en ai vraiment envie.

Comment se prépare un tel projet ?
Il faut y penser dès le début de la saison pour tout axer là-dessus. Je m’en pense capable, étant plus un coureur de courses par étapes. Je récupère assez bien. Je suis moins à l’aise sur des courses d’un jour. En fin de saison, j’ai souvent un petit creux après le Tour, où je ne fais plus trop de résultats et où mon rôle se résume à aider les autres. Cette année j’ai vraiment envie de faire une saison complète.

Avez-vous adapté votre préparation hivernale en fonction de cet objectif ?
Ma préparation a été modifiée cet hiver mais pas seulement pour cela puisque je viens d’être papa ! J’ai eu quelques semaines, non pas de vacances, mais durant lesquelles j’ai moins roulé car j’en avais moins envie. Et puis dans le cadre de ma préparation nous avons décidé de miser sur un pic de forme plus tardif. Je vais commencer la saison plus tard, fin février seulement sur le Samyn puis à Tirreno-Adriatico. L’idée est d’arriver en forme aux Tours de Catalogne et du Pays Basque, enchaîner avec la Flèche Wallonne et Liège-Bastogne-Liège, pour arriver au top au Tour d’Italie.

Trois courses par étapes de trois semaines la même saison impliquent forcément un programme chamboulé en dehors des Grands Tours ?
Pas nécessairement. En début de saison, je vais suivre un programme relativement équivalent aux autres années. Certes, ma rentrée est différée d’un mois et je vais disputer Tirreno au lieu de Paris-Nice, mais pour le reste c’est assez classique.

Marc Madiot a noté une plus forte implication de votre part durant les stages hivernaux. Comment l’expliquez-vous ?
Les méthodes d’entraînement évoluent. Nous n’avons plus les mêmes méthodes que lorsque je suis passé pro, quand la règle l’hiver était d’avaler des kilomètres et des kilomètres. A cette époque, je cherchais déjà à faire des séances d’entraînement plus courtes mais avec de petites intensités plus ludiques. Ça passait mieux. Et c’est pourquoi l’hiver j’aime bien faire du cyclo-cross. En une heure, on travaille mieux à mon sens qu’en trois heures de vélo. Aujourd’hui, les kilomètres et les heures de selle, je les ai ! Mais je perds en tonicité, en nervosité, c’est donc ce sur quoi je travaille. Et puis avec les jeunes qui nous poussent, tout ça fait qu’on a envie d’évoluer.

Quelle va être la caractéristique essentielle pour pouvoir enchaîner trois Grands Tours dans une saison ?
La récupération. Tout le monde peut faire trois Grands Tours, à condition de bien récupérer. Si on se présente fatigué au départ d’une course, il sera compliqué d’aller au bout des trois semaines et d’obtenir de bons résultats. Entre chaque Grand Tour, je marquerai une coupure puis je disputerai une course par étapes en guise de reprise. Je ferai la Route du Sud entre le Giro et le Tour, le Tour de Burgos entre le Tour et la Vuelta. Cette course entre les deux me permettra de voir où j’en suis. Je ne la ferai pas au maximum. Ça permettra de se situer par rapport à l’entraînement, de se remettre dans le bain.

Lequel des trois Grands Tours vous inspire le plus ?
Pour moi, ça a toujours été le Giro. Simplement parce que j’ai toujours été mieux au mois de mai. Tout coureur a des périodes où il se sent mieux, moi c’est en mai que j’ai les meilleures sensations. On dit souvent que le Giro est dur, mais je l’affectionne et j’aime la façon dont il se court.

A contrario, vous n’êtes pas un homme des fins de saisons. Ne craignez-vous pas que la Vuelta soit de trop ?
Ce sera peut-être trop, on n’en sait rien. Pour le moment je pars pour faire les trois Grands Tours. Je ne vais pas dire que je partirai sur la Vuelta si je me sens fatigué et que je sens que je ne pèserai pas sur la course. A ce moment-là je changerai d’optique et je laisserai ma place. Mais si je fais les trois, c’est pour y être compétitif.

Qu’y viserez-vous ?
Je ne partirai pas pour jouer une place au classement général car c’est là, vraiment, où on brûle le plus d’énergie. Pas spécialement physiquement mais mentalement et nerveusement. Courir les trois Grands Tours pour la gagne, c’est évidemment compliqué. Mais courir après une victoire d’étape sur chacun des Grands Tours et aider un leader au classement général, c’est dans mes cordes.

Gagner une étape sur les trois Grands Tours la même année, seul un sprinteur comme Alessandro Petacchi y est parvenu en 2003. C’est très ambitieux…
Oui mais il faut bien se donner des objectifs ! Je pourrais ne pas le dire, mais de toute façon j’y pense. Quelle que soit la course, même si on sait pertinemment qu’elle a de grandes chances d’arriver au sprint, on a toujours le petit rêve d’une échappée qui va au bout. C’est aussi ce qui est bien dans le vélo. Même si toutes les conditions semblent réunies pour tel ou tel coureur, tout le monde a sa chance. On ne sait jamais comment va se passer la course. Si on ne le veut pas, on n’y arrivera pas. Comme le dit la FDJ, « 100 % des gagnants ont joué » !

On vous sent plus motivé que jamais à l’aube de votre quatorzième saison. Quel état d’esprit vous anime ?
L’année dernière, j’ai eu un gros passage difficile en début de saison dû à une mononucléose pendant l’hiver. Je me suis remis en question, beaucoup de choses n’allaient pas, et en fin de saison je me sentais de mieux en mieux. Et puis ce nouveau défi de faire les trois Grands Tours me motive. Peut-être ai-je retrouvé une seconde jeunesse !

Propos recueillis à Paris le 24 janvier 2013.