On compte dorénavant une classique pavée de plus au calendrier WorldTour. Une épreuve dont le dénouement se rapproche généralement de celui d’un Tour des Flandres, dont il emprunte une grande partie des routes (avant la refonte du tracé du Ronde cette année), et dont le scénario est souvent moins prévisible que celui d’un Gand-Wevelgem. Le Grand Prix E3, puisque c’est de lui qu’il s’agit, méritait son intronisation dans la cour des grands. On avait simplement omis un détail. Un seul. L’entrée de l’épreuve au WorldTour permet la réintroduction des oreillettes sur une course qui avait tellement gagné ces dernières années lorsque l’outil avait été laissé aux vestiaires. On ignore si l’oreillette rejoindra un jour la place qui est la sienne, au musée, entre les maillots de laine et les prolongateurs de guidon. Mais il faudra faire avec.

Le Grand Prix E3, ce sont 203 kilomètres tortueux, sinueux, périlleux autour d’Harelbeke. Ce sont aussi treize monts encaissés dans la seconde moitié de la course. A ceux à qui ça avait pu échapper, on est passé au printemps mardi dernier. Et il rayonne aujourd’hui. Pas un brin de vent sur les Flandres. Soleil, chaleur et poussière se conjugueront dans la campagne belge. Bien avant l’enchaînement des monts, neuf coureurs décident de battre le pavé en se portant en tête de course sans trop se faire d’illusions d’aller au bout. On y retrouve Luca Ascani, Oscar Gatto et Kevin Hulsmans (Farnese Vini), Gert Dockx (Lotto-Belisol), Gregor Gazvoda (Ag2r La Mondiale), Michael Morkov (Team Saxo Bank), Sébastien Delfosse (Landbouwkrediet-Euphony), Damien Gaudin (Team Europcar) et Nico Sijmens (Cofidis). A l’approche du Mur de Grammont, qui lance la seconde moitié de la course, l’avance des neuf échappés atteint 6’45 ».

Au Grammont succèdent La Houppe, le Berg Stene, le Boigneberg, l’Eikenberg et le Stationsberg. Mais c’est le Taaienberg, à 55 kilomètres de l’arrivée, qui marque réellement l’ouverture des hostilités entre les favoris. Tom Boonen (Omega Pharma-Quick Step) s’arrache au sprint sur la rampe pavée. Le démarrage du Flamand est foudroyant. A tel point que personne ne parvient à se maintenir dans sa roue. Mais on est encore loin du but et le Belge n’insiste pas. Son action a eu le mérite de bien dépoussiérer le peloton, qui se rapproche alors constamment des hommes de tête. Le Paterberg à 39 kilomètres du but va sonner le glas des échappés. Pas de tous car Oscar Gatto, dont l’équipe Farnese Vini comptait trois représentants devant, va insister jusqu’à 25 kilomètres de l’arrivée et l’avant-dernière difficulté, le Knokteberg.

Les déboires de Fabian Cancellara, le cran de Sylvain Chavanel.

Ceux qui s’affrontent pour la victoire ne tiennent guère compte de la présence en tête du dernier éclaireur. Double tenant du titre, Fabian Cancellara (RadioShack-Nissan) court déjà pour la gagne lorsqu’il accélère soudainement dans le Vieux Quarémont à 34 kilomètres d’Harelbeke. Une poignée de favoris serre les dents dans le sillage du Suisse, dont le destin va brusquement chavirer. Fabian Cancellara a tout juste le temps d’apprécier les dégâts réalisés qu’il constate une crevaison. Le champion doit se laisser décrocher, cherche longtemps l’assistance matérielle qui l’attend à la sortie du mont pavé. Et quand il s’arrête pour changer de roue sur la droite de la chaussée, à la sortie d’un virage, il est percuté de plein fouet par Carlos Barredo (Rabobank). La collision est violente entre les deux hommes. Tout semble avoir basculé pour Cancellara, qui remontera néanmoins sur selle et regagnera formidablement sa place dans le peloton.

Les déboires de Fabian Cancellara, Sylvain Chavanel (Omega-Quick Step) ne les a pas vus. Le champion de France saisit une ouverture à 30 kilomètres de l’arrivée. Il s’échappe avec Dmitriy Muravyev (Astana) et Simon Spilak (Team Katusha). Ce dernier saute dans le Knokteberg quelques kilomètres plus loin, et c’est un duo Chavanel-Muravyev qui tente de résister à un groupe conséquent qui se reforme derrière eux pour bientôt prendre l’apparence d’un vrai peloton. Echappé une fois de plus dans la finale d’une classique belge, Sylvain Chavanel peut compter sur le superbe travail défensif de ses coéquipiers au cœur du peloton, encore qu’on puisse douter de l’esprit collectif de certains (on a vu Niki Terpstra se laisser aller à prendre quelques relais appuyés). Ces efforts permettent aux deux attaquants d’obtenir une demi-minute d’avance.

Mais l’arrivée est encore loin. Le Tiegemberg franchi, il reste 15 kilomètres roulants jusqu’à Harelbeke. Le peloton a désormais Sylvain Chavanel et Dmitriy Muravyev en point de mire. Les deux hommes de tête font de leur mieux mais à 7 kilomètres de l’arrivée, il leur faut renoncer. Le Grand Prix E3, de manière inattendue (on en revient à la problématique du retour de l’oreillette posée au départ), va se conclure par un sprint massif. Il sera de haute tenue entre Tom Boonen et Oscar Freire (Team Katusha). Mais le Belge, quadruple lauréat consécutif à Harelbeke de 2004 à 2007, s’en va conquérir d’une courte tête un cinquième succès dans le Grand Prix E3. Oscar Freire se classe 2ème, Bernhard Eisel (Team Sky) 3ème. Les Français Matthieu Ladagnous (FDJ-BigMat), Alexandre Pichot (Team Europcar) et Sébastien Turgot (Team Europcar) intègrent tous les trois le Top 10 de cette nouvelle classique du WorldTour.

Classement :

1. Tom Boonen (BEL, Omega Pharma-Quick Step) les 203 km en 4h51’59 » (41,7 km/h)
2. Oscar Freire (ESP, Team Katusha) m.t.
3. Bernhard Eisel (AUT, Team Sky) m.t.
4. Leonardo Duque (COL, Cofidis) m.t.
5. Sep Vanmarcke (BEL, Garmin-Barracuda) m.t.
6. John Degenkolb (ALL, Project 1t4i) m.t.
7. Matthieu Ladagnous (FRA, FDJ-BigMat) m.t.
8. Alexandre Pichot (FRA, Team Europcar) m.t.
9. Alessandro Ballan (ITA, BMC Racing Team) m.t.
10. Sébastien Turgot (FRA, Team Europcar) m.t.