Il avait quitté le Tour de France sous les flèches empoisonnées des organisateurs du Tour, il le retrouve trois ans plus tard en lançant un poing rageur à tous ses détracteurs. Trois ans plus tard, rien n’a changé chez le Kazakh. La rage aux lèvres, les fessiers collés à la selle, Alexandre Vinokourov (Astana) a enlevé un succès dans un finish dont lui seul a le secret depuis ses débuts professionnels. Ce n’est pas une surprise de voir le Kazakh renouer avec le succès sur les routes françaises. Depuis sa victoire sur Liège-Bastogne-Liège en avril dernier, et son Giro plus qu’honorable pour un coureur âgé de 36 ans, on savait que rien ne pourrait l’empêcher d’être compétitif sur ce Tour. Certains l’annonçaient, d’autres le redoutaient et c’est arrivé. Faute de n’avoir pu lever les bras à Mende hier,  il s’est offert la victoire aujourd’hui à Revel au nez et à la barbe des sprinteurs. Mais le succès d’Alexandre Vinokourov sur une étape du Tour de France n’est pas seulement la victoire d’un puncheur qui a su bien négocier les ultimes kilomètres d’une étape de transition. Elle montre aussi que les organisateurs du Tour ont fait table rase des dégâts irréversibles causés par le Kazakh dans la traversée chaotique des Pyrénées du Tour de France 2007. A l’aune de cette victoire, on peut aussi se poser la question de la postérité du combat de Patrice Clerc. A l’arrivée à Revel, la foule acclame un coureur qu’elle a toujours adulé. Son image de coureur battant plaît au suiveur du dimanche comme au connaisseur. Il est vrai que Vinokourov a toujours joint le geste à la parole. Mais, surtout, le Kazakh n’a pas souillé le paletot jaune comme l’avait fait Rasmussen, enfermé à jamais dans la cellule du paria du cyclisme. Vino avait été exclu, durant la journée de repos à Pau pour avoir eu recours à des transfusions sanguines autologues. C’est d’une certaine manière sa chance. Car Vinokourov ne s’est ni excusé, ni confessé. Il a expié et cela lui suffit pour être réintégré par la grande famille du vélo.

Les mercenaires s’étaient donc donnés rendez-vous aujourd’hui sur les flancs de la côte de Saint-Férreol, une bosse de deux kilomètres permettant d’enflammer une étape de transition classique. Pourtant ce sont trois coureurs appartenant à la race des francs-tireurs qui sont partis dès les premiers kilomètres dans une échappée suicide. A vrai dire, on ne comprend pas dans quelle galère sont allés s’immiscer Juan Antonio Flecha (Team Sky), Pierrick Fedrigo (Bbox Bouygues Télécom), et Sylvain Chavanel (Quick Step) en s’échappant au kilomètre 4. Malgré leurs efforts, les trois coureurs n’ont jamais pris de champ au peloton. L’absence de difficultés majeures sur le profil encourage les sprinteurs à donner à leurs équipiers l’ordre de maitriser les fuyards. Du coup, les trois courageux sont enfermés dans le schéma classique des étapes dédiées aux sprinteurs. A 10 kilomètres de l’arrivée, et après avoir joué avec eux pendant 40 kilomètres, le peloton avale les trois coureurs, sans surprise.

La dernière bosse se profile et la tension augmente au sein du peloton. Dès le pied, un revenant, Alessandro Ballan (BMC) s’extirpe avec force du paquet. Peut-être reconnait-il dans cette aspérité placée juste avant l’arrivée, les « capi » du Tour de Lombardie et de Milan-San Remo qu’il maîtrisait jadis. Transparent depuis son titre de champion du Monde à Vérone en 2008, Ballan veut se racheter à Revel. Mais, c’est un Kazakh qui va lui piquer son idée. Dans les derniers hectomètres de la côte, Vinokourov (Astana) sort du peloton avec Luis Leon Sanchez (Caisse d’Epargne). Il dépose aussitôt l’Espagnol, dépasse Roche (AG2R La Mondiale) et Barredo (Quick Step), un temps dans la roue de Ballan et exécute l’Italien. Tout ça en un kilomètre. Et ce n’est pas le contre de Thomas Voeckler (Bbox Bouygues Télécom) dans le faux-plat qui précède la descente vers Revel qui l’effraie. Vinokourov fonce, sans se retourner vers son succès d’estime. La descente de Revel, c’est le toboggan vers la victoire.

Au pied de la descente, Vinokourov possède encore 15 secondes de bonus sur Voeckler et 20 sur un peloton amputé des équipiers de sprinteurs. Le suspense n’a pas duré. L’altruisme des équipiers de la Milram et de la Cervélo ne font pas le poids face à la détermination de Vinokourov. Le Kazakh tient à distance le peloton dans les 6 derniers kilomètres et s’offre un triomphe dans la dernière ligne droite. Une fois la ligne franchie, Contador vient le congratuler. La hache de guerre est bien enterrée chez Astana, en apparence en tout cas. Reste une interrogation, l’ambition d’Alexandre Vinoukourov est-elle satisfaite avant l’arrivée dans les Pyrénées?

 

Classement étape 13 :

1. Alexandre Vinokourov (KAZ, Astana)
2. Mark Cavendish (GBR, HTC-Columbia) à 13sec.
3. Alessandro Petacchi (ITA, Lampre-Farnese Vini)
4. Edvald Boassen Hagen (NOR, Team Sky)
5. José Joaquim Rojas (ESP, Caisse d’Epargne)
6. Julian Dean (NZL, Garmin-Transitions)
7. Anthony Geslin (FRA, FDJ)
8. Thor Hushovd (NOR, Cervélo)
9. Grega Bole (SLO, Lampre-Farnese Vini)
10.Lloyd Mondory (FRA, AG2R La Mondiale) m.t
Classement complet

Classement général :

1. Andy Schleck (LUX, Saxo Bank)
2. Alberto Contador (ESP, Astana) à 31′
3. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel) à 2’45 »
4. Denis Menchov (RUS, Rabobank) à 2’58 »
5. Jurgen Van Den Broeck (BEL, Omega Pharma-Lotto) à 3’31 »
6. Levi Leipheimer (USA, RadioShack) à 4’06 »
7. Robert Gesink (HOL, RadioShack) à 4’27 »
8. Joaquin Rodriguez (ESP, Katusha) à 4’58 »
9. Luis Leon Sanchez (ESP, Caisse d’Epargne) à 5’02 »
10. Roman Kreuziger (CZE, Liquigas) à 5’16 »