C’est comme un critérium d’après-Tour qui réunirait pour une exhibition majeure certains des principaux protagonistes du dernier Tour de France. Pourtant, si la Clasica San Sebastian revêt des allures de grande kermesse, elle a plus valeur de Championnat du Monde de juillet. Ici, ceux qui ont marqué les esprits sur la Grande Boucle viennent chercher encore un peu de gloire avant de s’éclipser du devant de la scène pour reprendre leur souffle en vue des échéances de la fin de saison. S’il manque à l’appel ceux qui ont joué les premiers rôles sur le Tour, nommons Cadel Evans, Andy Schleck et Alberto Contador, bien d’autres coureurs en vue ces dernières semaines sont de passage dans le Pays Basque espagnol pour une course de 234 kilomètres au terme de laquelle ont bien souvent l’occasion de s’exprimer les meilleurs du moment.

Le tracé de la Clasica San Sebastian fait la part belle à l’arrière-pays basque, là où les routes serpentent à travers les collines verdoyantes. Depuis un an, il emprunte même une boucle ravageuse qui engendre deux ascensions de l’Alto de Jaizkibel (7,8 km à 5,8 %) et de l’Alto de Arkale (2,7 km à 6,3 %) dans les 80 derniers kilomètres. Il y a un an, à l’adoption de ce tracé plus musclé, la sélection avait pris forme dès le premier round. Elle s’était affirmée dans le second tour pour ne laisser devant que les trois meilleurs. On s’attend à un scénario du genre cette fois encore, mais il est un fait que les coureurs sortis du Tour sont moins frais que par le passé, et ils courront à l’économie le plus tard possible. En l’absence d’offensive, l’échappée du matin va dégager des bénéfices d’une fugue lancée dès le 12ème kilomètre.

Six hommes animent la tentative matinale : Matt Brammeier (HTC-Highroad), Murilo Fisher (Liquigas-Cannondale), Karsten Kroon (BMC Racing Team), Klaas Lodewyck (Omega Pharma-Lotto), Eloy Ruiz (Andalucia-Caja Granada) et Julian Sanchez (Caja Rujal). Le peloton ne manifeste pas son désir de rentrer trop vite sur les six échappés, dont l’avance grimpe constamment pour atteindre bientôt la barre confortable des dix minutes de crédit. Le groupe de tête franchit ainsi sans encombre la première ascension de l’Alto de Jaizkibel, que les favoris n’exploiteront pas comme ils l’avaient fait l’an passé. Cette première progression ne laisse entrevoir que peu de mouvements au sein du peloton. Néanmoins, on constate que la différence se réduit. Le retour des hommes forts sur la tête de course ne saurait être alors qu’une question de temps.

Philippe Gilbert est le seul favori à posséder un équipier à ses côtés.

Survient la seconde escalade de Jaizkibel, historiquement le juge de paix de la Clasica San Sebastian. Là, à une quarantaine de kilomètres de l’arrivée, le groupe de tête se disloque tandis que le meilleur grimpeur du Tour de France Samuel Sanchez (Euskaltel-Euskadi) se découvre le premier à la pointe du peloton. Sur les hauteurs du col basque, ce sont Fränk Schleck (Team Leopard-Trek) et Philippe Gilbert (Omega Pharma-Lotto) qui réagissent au soubresaut du grimpeur basque. D’autres leur emboîtent le pas, si bien qu’au sommet de l’Alto de Jaizkibel, un semblant de regroupement général s’opère. Les échappés matinaux sont revus par un peloton représenté encore par une petite quarantaine d’unités. Voilà qui tranche avec les déroulements préécrits et laisse planer le doute sur l’issue de la course.

Il reste pourtant des kilomètres à couvrir avant de débouler sur la baie de San Sebastian. Et le Belge Stijn Devolder (Vacansoleil-DCM) entreprend de se lancer dans un raid aussi solitaire qu’inespéré. Son avance parvient à atteindre le seuil de la demi-minute mais il reste la courte bosse d’Arkale à gravir. Et quand elle se dresse sous les roues des coureurs, le pauvre Devolder est rappelé à la raison et ce sont dix coureurs qui s’engagent sur l’axe routier aux couleurs industrielles qui plonge vers le centre plus chaleureux de San Sebastian. Le champion de Belgique Philippe Gilbert est encore là. C’est lui le favori au sein de ce groupe qui comprend en outre les noms de Carlos Barredo, Dries Devenyns, Joaquim Rodriguez, Samuel Sanchez, Fränk Schleck, Rigoberto Uran, Greg Van Avermaet, Jelle Vanendert et Haimar Zubeldia.

Philippe Gilbert est la bête noire du groupe de tête, le seul au demeurant à posséder un équipier à ses côtés. Et quand Carlos Barredo démarre sous la banderole des 10 kilomètres, Jelle Vanendert se met en quatre pour contrôler l’écart. A 3,7 kilomètres du but, Philippe Gilbert n’a plus qu’à se servir sur un plateau. Le champion de Belgique attaque, rejoint Barredo, le dépasse. Les poignets posés sur le cintre à la recherche d’une position aérodynamique, Gilbert ne se retourne plus. Il s’en va chercher son premier triomphe sur la Clasica San Sebastian, qu’il prendra le temps de savourer en rejoignant le front de mer avec une douzaine de secondes d’avance sur Carlos Barredo et Greg Van Avermaet, ses premiers poursuivants. Irrésistible, Philippe Gilbert complète en Espagne son tableau de chasse démesuré.

Classement :

1. Philippe Gilbert (BEL, Omega Pharma-Lotto) les 234 km en 5h48’52 »
2. Carlos Barredo (ESP, Rabobank) à 12 sec.
3. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) à 14 sec.
4. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) m.t.
5. Dries Devenyns (BEL, Quick Step) m.t.
6. Fränk Schleck (LUX, Team Leopard-Trek) m.t.
7. Haimar Zubeldia (ESP, RadioShack) m.t.
8. Samuel Sanchez (ESP, Euskaltel-Euskadi) m.t.
9. Rigoberto Uran (COL, Team Sky) m.t.
10. Jelle Vanendert (BEL, Omega Pharma-Lotto) à 50 sec.