Un instant d’hésitation a gagné Vincenzo Nibali la ligne mulhousienne franchie. L’Italien est revenu sur ses pas en direction du podium protocolaire. Une habitude contractée depuis sa prise du maillot jaune il y a une semaine à Sheffield. Un assistant d’Astana s’est vite empressé de réorienter son champion vers le parking des équipes, que le Sicilien a rejoint dans un maillot jaune qui ne lui appartenait déjà plus. Le temps d’une respiration en tout cas. Voilà déjà cinq minutes que Tony Gallopin (Lotto-Belisol) a pris place à bord du motorhome qui offre au futur Maillot Jaune, avant son intronisation sur le podium protocolaire, autant un lieu où se rafraîchir qu’un havre inestimable avant l’interminable circuit médiatique qui l’attend.

Dehors, dans l’aire protocolaire, sa compagne Marion Rousse, l’ancienne championne de France ambassadrice du Prix de la Combativité, est aux anges. Un sourire ineffaçable irradie son visage, attirant sur elle les regards amicaux. Entre deux accolades, elle guette fiévreusement l’ouverture de la porte du motorhome, finissant par défier le protocole pour s’y engouffrer et retrouver son champion d’amoureux. Elle l’accompagnera jusqu’à l’arrière du podium, l’abandonnant le temps de la cérémonie aux mains d’autres hôtesses, chargées de lui remettre le maillot de lumière dont il s’est emparé à force de combativité.

« Ce maillot, dit enfin Tony Gallopin, j’y pensais depuis mercredi et l’étape d’Arenberg. Je l’avais dans un petit coin de la tête, mais entre les rêves et la réalité il y a toujours un long chemin. J’en avais parlé à mon manager Marc Sergeant, qui m’a donné carte blanche ce matin. Ça a alors été une grosse bataille pour prendre l’échappée. A partir de là je me suis dit que c’était jouable, à condition qu’Astana manifeste la volonté de céder le maillot. »

A la veille du 14 juillet, et alors que l’étape était presque acquise à Tony Martin, l’union nationale a prévalu pour soutenir la cause de Tony Gallopin dans le large groupe de poursuivants auquel il appartenait. « J’ai vraiment senti de la solidarité française dans cette échappée, reconnaît le leader du classement général. Dès que nous sommes partis, j’ai parlé avec Pierre Rolland, qui avait plusieurs équipiers avec lui. Que ce soient également les coureurs de Cofidis et d’Ag2r La Mondiale, j’ai vraiment senti beaucoup de soutien aujourd’hui et ça fait plaisir. »

Mais ce n’est que le Grand Ballon franchi que la possibilité d’enfiler le maillot jaune est devenue concrète dans l’esprit du coureur de 26 ans. « Marc Wauters me poussait vraiment depuis la voiture, il me disait que j’avais cinq minutes d’avance sur le peloton Maillot Jaune, que j’allais prendre le maillot, mais je n’ai surtout réalisé que lorsque j’ai franchi la ligne au milieu d’une nuée de photographes ! » En rejoignant Mulhouse 5’02 » avant le peloton, Tony Gallopin dérobe la tunique sacrée à Vincenzo Nibali, qu’il est le seul à précéder au classement général, de 1’34 », avant l’étape si redoutée de la Planche des Belles Filles. Il y a deux ans, le Francilien y avait obtenu une honorable 19ème place, cédant 1’44 » à Chris Froome et 1’37 » à Vincenzo Nibali…

« Je vais essayer de garder le maillot, affirme-t-il, mais je connais cette arrivée pour l’avoir grimpée en 2012, et ce n’est pas facile. La journée a été difficile, je commence à être fatigué. J’ai fait tous les jours à fond, j’ai beaucoup travaillé pour André Greipel dans le train, aujourd’hui encore j’ai sauté sur tout ce qui bougeait, je sens que je commence à payer les efforts. Ça s’annonce compliqué, surtout si les leaders décident de passer à la grande explication. J’aborderai cette étape sans stess, en essayant de profiter au maximum. Mais le principal reste de maintenir Jurgen Van Den Broeck auprès des meilleurs. Si je suis encore en jaune demain soir, ce ne sera que du bonus. »

A propos de bonus, Tony Gallopin aura l’immense honneur de rouler en jaune un 14 juillet. « Je n’aurais pas pu rêver meilleure journée pour être en jaune, conclut-il. Un 14 juillet, ça va être une sensation incroyable, une grande fierté. Après ma victoire à la Clasica San Sebastian il y a un an, je me demandais si je pourrais faire mieux. Aujourd’hui mes sensations sont incroyables, j’ai du mal à réaliser, ça va vraiment être grand demain de vivre un 14 juillet en jaune… »