Des Alpes aux Pyrénées, dans cette 101ème édition du Tour de France, il n’y a qu’un pas que le peloton s’en va franchir aujourd’hui entre Tallard et Nîmes. Une liaison de 222 kilomètres sans la moindre difficulté, qui précède de vingt-quatre heures la seconde pause observée par la course à l’ombre des remparts de Carcassonne. A l’ombre ou à l’abri, car si la canicule a frappé les routes alpestres, la météo s’annonce gâtée dans le dernier massif à l’assaut duquel s’élancera mardi la Grande Boucle. Peut-être que les nuages gorgés de pluie seront-ils dissipés au moment où le Tour s’engagera sur les routes pyrénéennes la semaine prochaine, en attendant ils seront bien présents ce dimanche au-dessus de la tête casquée des coureurs encore en lice pour rallier les Champs-Elysées dans exactement une semaine.

Il faut avoir des murs épais pour ne pas être tiré du lit par les grosses gouttes qui s’écrasent tôt ce matin dans les Hautes-Alpes, qui n’ont plus de hautes, à Tallard, que les lointains reliefs qui s’effacent sous une voûte nébuleuse. Si le ciel alpin retient ses larmes au moment où le Tour de France s’en va chercher d’autres sommets (pas avant mardi), il finira bien par se lézarder, tonnant ici et là pour modifier le décor attendu sur la route des arènes de Nîmes. On craignait que le vent ne se lève en direction de la côte méditerranéenne, ce qui aurait à coup sûr donné lieu à de jolis coups stratégiques, c’est surtout la pluie qui, en faisant son retour sur cette édition plus pluvieuse que les autres, va compliquer la donne sans pour autant avoir une réelle influence sur le déroulement de l’étape. Il est un autre paramètre qui rend cette édition particulièrement unique : les échappées lancées de loin ont toutes les peines à aller au bout…

Les sprinteurs, qu’on avait laissés sur la victoire d’Alexander Kristoff (Team Katusha) à Saint-Etienne jeudi, n’auront pas eu tellement à ronger leur frein. Les Alpes digérées, ils voient en cette quinzième étape une occasion supplémentaire de se mesurer. A une semaine du dernier rush pour lequel ils vont s’accrocher toute la semaine à venir dans les Pyrénées. Celui des Champs. S’échapper sur le terrain des finisseurs est un pari audacieux. Il faut bien posséder le nom d’un héros de série télévisée comme c’est le cas du Néo-Zélandais Jack Bauer (Garmin-Sharp) pour oser pareil défi. Il n’y en aura qu’un, pas deux, pour lui emboîter le pas dans le premier kilomètre de l’étape, le champion de Suisse Martin Elmiger (IAM Cycling). Ensemble, les deux hommes vont n’avoir qu’une idée en tête : déjouer les plans des équipes de sprinteurs.

Le Jack Bauer de Garmin-Sharp entretient aussi bien le suspense que celui de la série 24.

Sous le ciel qui s’assombrit, Jack Bauer et Martin Elmiger veulent y croire. A quoi bon sinon s’élancer dans un périple aussi hasardeux que de vouloir tenir à distance un peloton tout entier pendant plus de 220 bornes, qui plus est sous la flotte qui ne va pas tarder à rejoindre la caravane multicolore. C’est peut-être une chance pour les deux échappés. L’équipe Astana, massée autour de Vincenzo Nibali à l’avant du paquet, pour tâcher d’épargner au Maillot Jaune les désagréments qui ont précipité plus tôt que prévu ses plus dangereux adversaires à la maison, n’a pas d’intérêt particulier à rentrer sur les deux coureurs qui occupent la tête de course… et les spectateurs du Tour. Ayant laissé faire la formation kazakhe un instant, les équipes de sprinteurs se mettent en route assez tardivement. Mais leur poursuite va être perturbée par un déluge qu’essuie toute la caravane, invitant le peloton à sagement lever le pied au bénéfice du duo.

A 10 kilomètres de Nîmes, alors que l’équipe Giant-Shimano a finalement renoncé à faire le boulot pour colmater la brèche, les courageux Jack Bauer et Martin Elmiger possèdent encore une cinquantaine de secondes d’avance. Trempés jusqu’à la moelle, les deux héros du jour entrevoient la possibilité d’atteindre leur but. Mais le ciel leur joue décidément des tours. Voilà que le soleil est de retour dans un ciel bleu azur, asséchant rapidement les routes et profitant à la poursuite qui s’organise à nouveau derrière eux. Pourtant, les deux hommes du jour, même avec bientôt 220 kilomètres d’échappée dans les guiboles, une partie non négligeable sous la pluie, ne sont pas secs, c’est le cas de le dire. Et quand, à la sortie d’un virage, se dessine sous leurs yeux l’arche du dernier kilomètre, tous les espoirs restent permis !

15 secondes. C’est la différence qui sépare Jack Bauer et Martin Elmiger du peloton sous la flamme rouge. De quoi maintenir le suspense qu’entretient aussi bien le Jack Bauer de l’équipe Garmin-Sharp que celui de la série 24. Martin Elmiger s’étant précipité à lancer le sprint à 450 mètres du but (!), il est contré par Jack Bauer sous les yeux d’un peloton dont les fauves de sprinteurs sont lâchés devant l’arène. Le Néo-Zélandais donne ses derniers coups de pédales en direction d’une ligne qu’il se voit presque franchir en tête, mais sa présence en tête sert avant tout d’appui à ceux qui le pourchassent. Après 220 kilomètres d’échappée, il va manquer 50 mètres à Jack Bauer pour accrocher le plus retentissant succès de sa carrière. Sous les arènes de Nîmes, il faut que le coup de grâce soit porté par Alexander Kristoff, qui n’en avait pas eu assez de sa victoire à Saint-Etienne et s’en va gagner une seconde étape sur le Tour.

Demain lundi, c’est repos, avant la reprise mardi entre Carcassonne et Bagnères-de-Luchon.

Classement 15ème étape :

1. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) les 222 km en 4h56’43 » (46,4 km/h)
2. Heinrich Haussler (AUS, IAM Cycling) m.t.
3. Peter Sagan (SVQ, Cannondale) m.t.
4. André Greipel (ALL, Lotto-Belisol) m.t.
5. Mark Renshaw (AUS, Omega Pharma-Quick Step) m.t.
6. Bryan Coquard (FRA, Team Europcar) m.t.
7. Ramunas Navardauskas (LIT, Garmin-Sharp) m.t.
8. Romain Feillu (FRA, Bretagne-Séché Environnement) m.t.
9. Michael Albasini (SUI, Orica-GreenEdge) m.t.
10. Jack Bauer (NZL, Garmin-Sharp) m.t.

Classement général :

1. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) en 66h49’37 »
2. Alejandro Valverde (ESP Movistar Team) à 4’37 »
3. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) à 4’50 »
4. Thibaut Pinot (FRA, FDJ.fr) à 5’06 »
5. Tejay Van Garderen (USA, BMC Racing Team) à 5’49 »
6. Jean-Christophe Péraud (FRA, Ag2r La Mondiale) à 6’08 »
7. Bauke Mollema (PBS, Belkin) à 8’33 »
8. Leopold Konig (TCH, Team NetApp-Endura) à 9’32 »
9. Laurens Ten Dam (PBS, Belkin) à 10’01 »
10. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) à 10’48 »

Classement par points :

1. Peter Sagan (SVQ, Cannondale) 402 pt
2. Bryan Coquard (FRA, Team Europcar) 226 pt
3. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) 217 pt
4. Marcel Kittel (ALL, Giant-Shimano) 177 pt
5. Mark Renshaw (AUS, Omega Pharma-Quick Step) 153 pt
6. André Greipel (ALL, Lotto-Belisol) 143 pt
7. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 134 pt
8. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) 115 pt
9. Tony Gallopin (FRA, Lotto-Belisol) 87 pt
10. Samuel Dumoulin (FRA, Ag2r La Mondiale) 86 pt

Classement de la montagne :

1. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 88 pt
2. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) 88 pt
3. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 86 pt
4. Thibaut Pinot (FRA, FDJ.fr) 49 pt
5. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 40 pt
6. Alessandro De Marchi (ITA, Cannondale) 38 pt
7. Thomas Voeckler (FRA, Team Europcar) 34 pt
8. Leopold König (TCH, Team NetApp-Endura) 32 pt
9. Jean-Christophe Péraud (FRA, Ag2r La Mondiale) 29 pt
10. Tony Martin (ALL, Omega Pharma-Quick Step) 26 pt

Classement des jeunes :

1. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) en 66h54’27 »
2. Thibaut Pinot (FRA, FDJ.fr) à 16 sec. »
3. Michal Kwiatkowski (POL, Omega Pharma-Quick Step) à 14’34 »
4. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Shimano) à 47’46 »
5. Jon Izagirre (ESP, Movistar Team) à 1h23’21 »
6. Peter Sagan (SVQ, Cannondale) à 1h36’13 »
7. Benjamin King (USA, Garmin-Sharp) à 1h45’29 »
8. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) à 1h46’23 »
9. Rudy Molard (FRA, Cofidis) à 1h49’22 »
10. Tom Jelte-Slagter (PBS, Garmin-Sharp) à 1h54’15 »

Classement de la combativité :

1. Martin Elmiger (SUI, IAM Cycling)

Classement par équipes :

1. Ag2r La Mondiale (FRA) en 200h46’47 »
2. Belkin (PBS) à 12’42 »
3. Team Sky (GBR) à 38’32 »
4. Astana (KAZ) à 46’10 »
5. Movistar Team (ESP) à 47’44 »
6. BMC Racing Team (USA) à 51’01 »
7. Trek Factory Racing (USA) à 1h15’07 »
8. Team Europcar (FRA) à 1h15’51 »
9. Lampre-Merida (ITA) à 1h22’13 »
10. Omega Pharma-Quick Step (BEL) à 1h31’56 »