Sur Paris-Roubaix, lorsque les courageux qui en terminent entrent sur le vélodrome, ils peuvent lire cette maxime en jetant un coup d’oeil sur leur droite : « l’Enfer du Nord mène au paradis. » D’enfer, il est bien question sur cette 5ème étape reliant Ypres à Arenberg. De paradis, beaucoup moins. Du moins, pas pour une très large partie du peloton. La pluie, qui nous avait plus ou moins épargnés depuis le Grand Départ de Leeds, fait son retour au plus mauvais des moments et pour le plus grand désespoir des coureurs. La décision d’ASO de supprimer les secteurs de Mons-en-Pévèle (1000 mètres) et celui d’Orchy à Beuvry-la-Forêt (1400 mètres) pour raboter le kilométrage de pavés (13 kilomètres contre 15,4 initialement prévus) devait être une décision humaine pour le bien de tous les coureurs.

On pourra toujours se poser des questions sur l’incidence qu’aurait eue la présence de ces deux secteurs supplémentaires, mais les sept qui resteront causeront suffisamment de dégâts. Chris Froome (Team Sky), lui, ne verra pas même l’ombre d’un pavé. Le Britannique déjà diminué par une chute hier goûte à nouveau au sol français par deux fois. Blessé dans sa chair, mais aussi dans la tête, le natif de Nairobi préfère arrêter les frais. Il quitte le Tour sonné, le corps endolori sur une route détrempée du Nord de la France et rejoint sa voiture en boitant. Intouchable en montagne depuis l’an dernier, Chris Froome est vaincu par la plaine du Nord. L’abandon du vainqueur sortant est certes un événement marquant de cette étape déjà entrée dans la légende du Tour. Il n’est que le premier d’une longue série.

Le costume d’hyper favori qu’a délaissé Froome, Alberto Contador (Tinkoff-Saxo), qui avait coutume de le porter dès qu’il mettait les pieds sur un Grand Tour, va s’empresser de le récupérer en faisant rouler ses équipiers derrière les fuyards. Mathew Hayman et Simon Clarke (Orica-GreenEdge), Samuel Dumoulin (Ag2r La Mondiale), Tony Gallopin (Lotto-Belisol), Tony Martin (Omega Pharma-Quick Step), Rein Taaramae (Cofidis) et Lieuwe Westra (Astana) ont en effet préféré éviter la nervosité du peloton et prendre l’échappée qui aborde le premier secteur pavé à Gruson en tête avec un peu plus de 2 minutes d’avance. L’espoir de résister au retour des favoris va les animer pendant toute la première partie d’étape. Avant que le peloton ne rentre sur le premier secteur. Avant que l’étape ne commence à réellement écrire la légende qui est la sienne.

Vincenzo Nibali vole sur les pavés pendant que ses rivaux tombent les uns après les autres

Les sept secteurs pavés éparpillés dans les 70 derniers kilomètres vont provoquer une course à élimination par l’arrière. Tous les favoris, mis à part Vincenzo Nibali (Astana), protégé par la tunique jaune de leader, connaîtront aujourd’hui un ennui. Alejandro Valverde (Movistar Team) et Tejay Van Garderen (BMC Racing Team) sont attardés dans le secteur 9, Alberto Contador lâche physiquement dans le secteur 8, Andrew Talansky (Garmin-Sharp) et Jurgen Van Den Broeck (Lotto-Belisol) chutent à l’entrée du secteur 6 : les favoris du Tour tombent comme des mouches sur ces pavés boueux dont les secousses vont renverser complètement ce Tour de France. L’addition est très lourde ce soir pour tout le monde. Plus qu’une défaite de tous ceux-là, il s’agit avant tout d’un coup de maître de Vincenzo Nibali.

Les ennuis mécaniques ou physiques que connaissent tous ses adversaires ne doivent rien enlever à la prestation pleine de maîtrise de l’Italien sur ces pavés qu’il ne connaît pourtant pas. Lui qui n’a jamais participé à Paris-Roubaix et au Tour des Flandres (hypothèse pourtant évoquée un moment pendant l’hiver) vole sur ces pavés glissants. Parfaitement entouré par une garde forte encore de trois hommes au moment où ses rivaux sombrent, Nibali avale les pavés comme ce Flandrien qu’il n’est pas. Reconnu pour être habile dans ses trajectoires (toujours utile dans de telles conditions), le Sicilien creuse des écarts impressionnants ce soir qui font de lui le favori numéro un pour ce Tour : Jurgen Van Den Broeck est à 1’45 », Richie Porte (Team Sky) à 1’54 », Andrew Talansky, Alejandro Valverde sont à plus de 2 minutes et Alberto Contador, en complète perdition en fin d’étape concède 2’37 ».

Grâce à sa performance, Nibali, 3ème de cette étape complètement folle, laisse derrière lui des spécialistes de classiques flandriennes comme Fabian Cancellara (Trek Factory Racing) ou Peter Sagan (Cannondale). Parmi ceux qui appartiennent à cette caste, il n’aura finalement laissé filer que Lars Boom (Belkin). Le Néerlandais, déjà vu très offensif dans le secteur de Bersée à 40 kilomètres de la ligne où il a filé en compagnie de son coéquipier Sep Vanmarcke, sera le seul à pouvoir s’accrocher au train Astana après leur accélération fatale à tout le groupe de tête à 16 kilomètres de l’arrivée. Pour s’assurer de son succès, le Néerlandais fait parler ses qualités de cyclo-crossman. Dans le dernier secteur à 5 kilomètres d’Arenberg, il distance Nibali et imite son compatriote, Niki Terpstra, vainqueur de Paris-Roubaix cette année.

Demain retour à la normale sur le Tour avec une étape sans grande difficulté entre Arras et Reims (194 km).

Classement 5ème étape :

1. Lars Boom (PBS, Belkin) en 3h18’35 »
2. Jakob Fuglsang (DAN, Astana) à 19 sec.
3. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) m.t.
4. Peter Sagan (SVQ, Cannondale) à 1’01 »
5. Fabian Cancellara (SUI, Trek Factory Racing) m.t.
6. Jens Keukeleire (BEL, Orica-GreenEdge) m.t.
7. Michal Kwiatkowski (POL, Omega Pharma-Quick Step) à 1’07 »
8. Lieuwe Westra (PBS, Astana) à 1’09 »
9. Matteo Trentin (ITA, Omega Pharma-Quick Step) à 1’21 »
10. Cyril Lemoine (FRA, Cofidis) à 1’45 »

Classement général :

1. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) en 20h26’46 »
2. Jakob Fuglsang (DAN, Astana) à 2 sec.
3. Peter Sagan (SVQ, Cannondale) à 44 sec.
4. Michal Kwiatkowski (POL, Omega Pharma-Quick Step) à 50 sec.
5. Fabian Cancellara (SUI, Trek Factory Racing) à 1’17 »
6. Jurgen Van Den Broeck (BEL, Lotto-Belisol) à 1’45 »
7. Tony Gallopin (FRA, Lotto-Belisol) m.t.
8. Richie Porte (AUS, Team Sky) à 1’54 »
9. Andrew Talansky (USA, Garmin-Sharp) à 2’05 »
10. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 2’11 »

Classement par points :

1. Peter Sagan (SVQ, Cannondale) 185 pt
2. Marcel Kittel (ALL, Giant-Shimano) 135 pt
3. Bryan Coquard (FRA, Team Europcar) 121 pt
4. Alexander Kristoff (NOR, Team Katusha) 82 pt
5. Vincenzo Nibali (ITA, Astana) 53 pt
6. Mark Renshaw (AUS, Omega Pharma-Quick Step) 50 pt
7. Arnaud Démare (FRA, FDJ.fr) 44 pt
8. Greg Van Avermaet (BEL, BMC Racing Team) 42 pt
9. Ramunas Navardauskas (LIT, Garmin-Sharp) 42 pt
10. Michal Kwiatkowski (POL, Omega Pharma-Quick Step) 40 pt

Classement de la montagne :

1. Cyril Lemoine (FRA, Cofidis) 6 pt
2. Blel Kadri (FRA, Ag2r La Mondiale) 5 pt
3. Jens Voigt (ALL, Trek Factory Racing) 4 pt
4. Nicolas Edet (FRA, Cofidis) 4 pt
5. Thomas Voeckler (FRA, Team Europcar) 3 pt
6. Pierre Rolland (FRA, Team Europcar) 2 pt
7. Tom-Jelte Slagter (PBS, Garmin-Sharp) 2 pt
8. Perrig Quemeneur (FRA, Team Europcar) 2 pt
9. David De La Cruz (Spa, Team NetApp-Endura) 2 pt
10. Christopher Froome (GBR, Team Sky) 1 pt

Classement des jeunes :

1. Peter Sagan (SVQ, Cannondale) en 20h27’30 »
2. Michal Kwiatkowski (POL, Omega Pharma-Quick Step) à 6 sec.
3. Romain Bardet (FRA, Ag2r La Mondiale) à 1’27 »
4. Thibaut Pinot (FRA, FDJ.fr) à 1’41 »
5. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Shimano) m.t.
6. Matteo Trentin (ITA, Omega Pharma-Quick Step) à 11’15 »
7. Jesus Herrada (ESP, Movistar Team) à 14’33 »
8. Nelson Oliveira (POR, Lampre-Merida) à 17’38 »
9. Jon Izagirre (ESP, Movistar Team) à 18’01 »
10. Rudy Molard (FRA, Cofidis) à 21’22 »

Classement de la combativité :

1. Lieuwe Westra (PBS, Astana)

Classement par équipes :

1. Astana (KAZ) en 61h21’26 »
2. Belkin (PBS) à 4’18 »
3. BMC Racing Team (USA) à 6’05 »
4. Team Sky (GBR) à 6’17 »
5. Trek Factory Racing (USA) à 7’22 »
6. Cannondale (ITA) à 9’03 »
7. Team Katusha (RUS) à 9’26 »
8. Orica-GreenEdge (AUS) à 9’32 »
9. Garmin-Sharp (USA) à 10’00 »
10. Team NetApp-Endura (ALL)  à 10’36 »