Si les images capturées dimanche par un hélicoptère de la télévision ont trahi la manœuvre de Vincenzo Nibali (Astana), qu’on a vu disparaître à 80 à l’heure derrière son véhicule, tracté à l’évidence par son directeur sportif, elles ne diront jamais ce qui s’est réellement passé quelques kilomètres plus tôt quand un carambolage géant a été à la base du chaos qui a mené à l’expulsion du champion italien. Lui a bien une idée arrêtée. Dès dimanche soir, avant de tourner le dos à la Vuelta, un nom était sur les lèvres de Vincenzo Nibali : celui de Caleb Ewan (Orica-GreenEdge). Le néo-pro australien, qui aime jouer des coudes dans les arrivées massives où il s’exprime déjà avec réussite, s’est fait une mauvaise réputation depuis la chute magistrale qu’il a causée dans un rush du Tour de Pologne. Mais celle-ci, il nie en être l’auteur.

« J’étais à l’arrière du peloton, tout ce que j’ai vu ce sont des coureurs s’écraser devant moi, se défendait-il dès dimanche en réponse aux accusations de Vincenzo Nibali. Ce n’est pas très agréble d’entendre dire cela de moi de la part d’un champion comme lui. Je n’ai rien à voir avec cette chute, et s’il a des remontrances à me faire, qu’il vienne me le dire en face plutôt que de balancer aux médias que Caleb a fait ça… » De son côté, Vincenzo Nibali n’en démordait pourtant pas, lui qui avait déjà accusé à tort Chris Froome de l’avoir fait chuter au Havre le mois dernier au Tour de France, avant de se rétracter. On ne saura donc jamais qui dit vrai dans ce règlement de comptes malsain. Une chose est sûre s’agissant de Caleb Ewan : il possède à 21 ans un pur talent qu’il vient d’exprimer au plus haut niveau en s’adjugeant sa première victoire d’étape dans un Grand Tour, lui qui réalise au Tour d’Espagne ses premiers pas à un tel niveau.

Le scénario de la cinquième étape était couru d’avance. En l’absence de la moindre difficulté, qu’elle soit topographique (167,3 kilomètres de routes totalement planes entre Rota-Alcala de Guadaira) ou météorologique (une forte chaleur et pas un brin de vent pour former un éventail en Andalousie), ce sont les sprinteurs que l’on guettait tout naturellement deux jours après la victoire de Peter Sagan (Tinkoff-Saxo) à Malaga devant Nacer Bouhanni (Cofidis) et John Degenkolb (Giant-Alpecin). Il ne s’agissait pas de déprécier la valeur des autres finisseurs engagés, néanmoins l’attention demeurait focalisée sur ces trois-là, que beaucoup se cantonnaient à vouloir seulement déterminer l’ordre de passage sur la ligne d’arrivée… au mépris de sprinteurs tout aussi capables qu’eux de s’imposer du côté d’Alcala de Guadaira.

Tom Dumoulin parvient à surprendre Esteban Chaves.

Ce n’était en tout cas pas faire déshonneur à l’échappée du matin que de penser qu’elle n’irait pas au bout dans de telles circonstances. D’ailleurs, on n’avait pas senti beaucoup de baroudeurs inspirés par l’attaque très matinale de l’Ethiopien Tsgabu Grmay (Lampre-Merida), qui s’était borné à vouloir faire le départ. Personne n’ayant accompagné le coureur africain, ce dernier se mettait à redouter une interminable journée seul en tête de course, avec un résultat nul au bout du compte. Aussi prit-il la bonne initiative en se relevant pour encourager ceux qui ne lui avaient pas accordé de crédit à faire le bond en tête de course. Deux coureurs avaient fini par se dévouer pour prendre part à l’échappée du jour après 20 kilomètres de course : le Canadien Antoine Duchesne (Team Europcar) et le Belge Iljo Keisse (Etixx-Quick Step).

Mais à un, deux ou trois, ce n’était pas la bonne journée pour s’échapper. Même avec sept minutes d’avance, jamais le trio de tête n’aura pu croire que le peloton finirait par renoncer. Alors chacun tenta sa chance dans les rues de Séville à moins de 20 kilomètres de l’arrivée, avant de mettre le cap sur Alcala de Guadaira. Après une tentative d’Antoine Duchesne, on voyait filer Iljo Keisse. Pas pour longtemps car le Belge, comme ses compères éthiopien et canadien, était ravalé tout cru à 9 kilomètres de l’arrivée. On constatera néanmoins que les échappés s’approchent chaque jour un peu plus de la ligne d’arrivée…

Toujours est-il que c’est bien un sprint qui conclura la cinquième étape et ses 700 derniers mètres en faux-plat montant. Et que Caleb Ewan est là, discrètement calé dans la roue de John Degenkolb alors que Peter Sagan court déjà devant. Quand le train Giant-Alpecin remonte et que le fauve John Degenkolb est lâché, plus rien ne semble pouvoir empêcher l’Allemand de s’imposer, lui qui comme Sagan commence à posséder une belle collection de places d’honneur sur les Grands Tours. Il pourra d’ailleurs rajouter cette étape d’Alcala de Guadaira à ladite collection, car Caleb Ewan le remonte soudainement pour parvenir encore à augmenter l’allure et prendre l’ascendant en direction d’une onzième victoire cette saison. De loin la plus prestigieuse d’un coureur qui écumait ces dernières années les routes du Tour de l’Avenir.

Des petites cassures qui se forment derrière la triplette Ewan-Degenkolb-Sagan, Tom Dumoulin (Giant-Alpecin) parvient à surprendre le Maillot Rouge Esteban Chaves (Orica-GreenEdge) pour lui reprendre 6 secondes. C’est une de plus que nécessaire pour lui ravir le maillot de leader !

Demain jeudi, une troisième arrivée en côte attendra les plus costauds entre Cordoue et Sierra de Cazorla (200,3 km).

Classement 5ème étape :

1. Caleb Ewan (AUS Orica-GreenEdge) les 167,3 km en 3h57’28 » (42,3 km/h)
2. John Degenkolb (ALL, Giant-Alpecin) m.t.
3. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff-Saxo) m.t.
4. Jempy Drucker (LUX, BMC Racing Team) m.t.
5. José-Joaquin Rojas (ESP, Movistar Team) à 2 sec.
6. Kristian Sbaragli (ITA, MTN-Qhubeka) m.t.
7. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) m.t.
8. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) m.t.
9. Tosh Van Der Sande (BEL, Lotto-Soudal) m.t.
10. Nikolas Maes (BEL, Etixx-Quick Step) m.t.

Classement général :

1. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) en 17h09’06 »
2. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) à 1 sec.
3. Nicolas Roche (IRL, Team Sky) à 16 sec.
4. Daniel Martin (IRL, Cannondale-Garmin) à 25 sec.
5. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) à 29 sec.
6. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) à 31 sec.
7. Chris Froome (GBR, Team Sky) à 35 sec.
8. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) à 36 sec.
9. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) à 37 sec.
10. Fabio Aru (ITA, Astana) à 48 sec.

Classement par points :

1. Peter Sagan (SVQ, Tinkoff-Saxo) 61 pt
2. John Degenkolb (ALL, Giant-Alpecin) 36 pt
3. Alejandro Valverde (ESP, Movistar Team) 35 pt
4. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) 31 pt
5. Daniel Moreno (ESP, Team Katusha) 31 pt
6. Nicolas Roche (IRL, Team Sky) 30 pt
7. Jempy Drucker (LUX, BMC Racing Team) 28 pt
8. Caleb Ewan (AUS Orica-GreenEdge) 25 pt
9. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) 24 pt
10. Joaquim Rodriguez (ESP, Team Katusha) 23 pt

Classement de la montagne :

1. Omar Fraile (ESP, Caja Rural-Seguros RGA) 13 pt
2. Walter Pedraza (COL, Colombia) 7 pt
3. Natnael Berhane (ERY, MTN-Qhubeka) 7 pt
4. Sylvain Chavanel (FRA, IAM Cycling) 4 pt
5. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) 3 pt
6. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) 2 pt
7. Davide Villella (ITA, Cannondale-Garmin) 2 pt
8. Nicolas Roche (IRL, Team Sky) 1 pt
9. Bert-Jan Lindeman (PBS, Team LottoNL-Jumbo) 1 pt
10. Alexis Gougeard (FRA, Ag2r La Mondiale) 1 pt

Classement du combiné :

1. Esteban Chaves (COL, Orica-GreenEdge) 11 pt
2. Tom Dumoulin (PBS, Giant-Alpecin) 16 pt
3. Nicolas Roche (IRL, Team Sky) 17 pt
4. Sylvain Chavanel (FRA, IAM Cycling) 143 pt
5. Alexis Gougeard (FRA, Ag2r La Mondiale) 220 pt

Classement par équipes :

1. Team Sky (GBR) en 51h38’26 »
2. Astana (KAZ) à 27 sec.
3. BMC Racing Team (USA) à 2’20 »
4. Movistar Team (ESP) à 2’24 »
5. Team Katusha (RUS) à 3’07 »
6. Etixx-Quick-Step (BEL) à 4’10 »
7. Cofidis (FRA) à 4’24 »
8. Lotto-Soudal (BEL) à 4’43 »
9. Cannondale-Garmin (USA) à 5’16 »
10. Team Europcar (FRA) à 6’27 »