Seul. Sur les routes tourmentées du terroir viticole piémontais, à travers les champs de vignes qui produisent chaque année un vin italien dont la renommée a depuis longtemps dépassé les frontières du Piémont, Cadel Evans (BMC Racing Team) tourne les jambes. Le chronomètre est déclenché depuis 16h20, l’heure à laquelle l’Australien s’est arraché de la rampe de lancement dressée dans une rue de Barbaresco. En rose depuis le franchissement des Apennins le week-end dernier, l’ancien vainqueur du Tour de France avait formulé le vœu de repousser encore davantage des adversaires qu’il avait majoritairement écartés sur un fait de course il y a une semaine dans le Mont Cassin. Après les 41,9 kilomètres séparant Barbaresco de Barolo, il espérait n’avoir plus un adversaire à moins d’une minute. Il a échoué.

Il est de notoriété publique que le vin se bonifie avec l’âge. Certains champions aussi. Cadel Evans le sait : s’il venait à gagner cette 97ème édition du Giro, sa raison d’être cette saison, il deviendrait à 37 ans et trois mois le plus vieux vainqueur du Tour d’Italie. Et sortirait des annales le nom de Fiorenzo Magni, vainqueur à 34 ans et 5 mois du Giro 1955. Il en a la capacité. Mais pour passer les Alpes et surtout les Dolomites qui se dresseront bientôt sur sa route, l’ancien champion du monde doit encore mettre du temps de côté. Il a beaucoup misé sur ce contre-la-montre, que les organisateurs italiens avaient dans un premier temps dessiné sur 46,4 kilomètres, avant de le raboter de 4,5 kilomètres en mars dernier pour aller chercher d’autres routes, plus ardues, avec l’emprunt de trois difficultés ! Il faudra passer la côte de Boscasso (3,1 km  5 %), celle de Castiglione Falletto (3,1 km à 4,1 %), et celle de Barolo (1,6 km à 4,5 %).

Croyez-le ou non, c’est d’eau dont il est question du côté de Barolo, celle que le ciel a déjà déversé une bonne partie de ce Giro sur les routes irlandaises comme italiennes. La chaussée est arrosée par une bonne averse en début d’après-midi, ce qui va induire un danger supplémentaire et compliquer les performances des plus timorés. A l’heure où les favoris s’élancent, des portions sèches et humides se confondent. Il faudra rester vigilant, quitte à concéder quelques secondes, ce que fera Domenico Pozzovivo (Ag2r La Mondiale) après un départ canon. Il faut dire que les 12,5 premiers kilomètres en faux-plat montant et que ponctue la côte de Boscasso sont taillés pour lui. Ce tronçon suffit à l’Italien pour confirmer qu’il est bien le meilleur grimpeur de ce Giro, tant les écarts qu’il y établit sont spectaculaires.

Le Maillot Rose s’avère impuissant, seul contre le temps, pour lutter avec Rigoberto Uran.

En haut de Boscasso, Domenico Pozzovivo repousse Rigoberto Uran (Omega Pharma-Quick Step) de 15 secondes, Rafal Majka (Tinkoff-Saxo) de 40 secondes, Nairo Quintana (Movistar Team) de 45 secondes et… Cadel Evans de 53 secondes ! Le grimpeur italien ne fera pas illusion sur le restant du tracé, mais fera mieux que sauver les meubles. Sa 9ème place à 2’09 » lui permet de préserver la 4ème place du classement général à 2’32 ». Il sera en montagne l’un des principaux tourments des candidats au maillot rose. Des candidats auxquels la médiocre performance de Cadel Evans à l’entame de ce chrono n’est pas passée inaperçue. Les oreillettes sifflent alors que se profile la deuxième partie du tracé, plus propice aux gros rouleurs. Mais sur la portion qui lui est la plus favorable, l’Australien va encore s’enfoncer.

Pour être précis, Cadel Evans se refait bel et bien sur les coureurs qui avaient grimpé la côte de Boscasso plus vite que lui, et qu’il distancera au bout du compte à Barolo, où il réalise son meilleur chrono depuis deux ans. Mais un homme lui livre une résistance inattendue. Son dauphin en l’occurrence, le Colombien Rigoberto Uran. Non seulement Evans ne parvient pas à reprendre les 38 secondes qui lui faisaient défaut en haut de Boscasso, mais il en concède 21 de plus sur la section plate de ce contre-la-montre. Crispé sur sa machine lorsqu’il s’agit de virer sur l’asphalte humide, le porteur du maillot rose s’avère impuissant, seul contre le temps, pour lutter avec Rigoberto Uran. Lui qui est aux aguets, toujours placé et parfaitement épaulé par ses équipiers depuis le départ du Giro, est en train de perdre tout l’avantage qu’il s’était bâti dans la perspective de la troisième et dernière semaine de compétition. Et ça, ce n’est pas bon du tout.

Pourtant, Cadel Evans ne signe pas une contre-performance, 3ème temps sur la ligne, mais l’impression de puissance dégagée par Rigoberto Uran se traduit à Barolo par un temps d’exception qui le hisse 1’17 » devant Diego Ulissi (Lampre-Merida), 2ème, et 1’34 » devant Cadel Evans. Rafal Majka termine 4ème à 1’39 », Nairo Quintana 13ème à 2’41 ». Et c’est le maillot rose dont s’empare ce soir, et certainement contre toute attente, Rigoberto Uran. Pointé à 57 secondes de Cadel Evans ce matin, celui qui avait conclu le Giro à la 2ème place l’an passé réécrit le classement général. Et il lui est des plus favorables à l’avant-veille des Alpes. Cadel Evans est à présent 2ème à 37 secondes, suivent Rafal Majka à 1’52 », Domenico Pozzovivo à 2’32 », Wilco Kelderman (Belkin) à 2’50 », Nairo Quintana à 3’29 » et Fabio Aru (Astana) à 3’37 ».

Demain vendredi, la treizième étape sera favorable aux sprinteurs entre Fossano et Rivarolo Canavese (157 km).

Classement 12ème étape :

1. Rigoberto Uran (COL, Omega Pharma-Quick Step) les 41,9 km en 57’34 » (43,7 km/h)
2. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) à 1’17 »
3. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 1’34 »
4. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) à 1’39 »
5. Gianluca Brambilla (ITA, Omega Pharma-Quick Step) à 1’53 »
6. Wout Poels (PBS, Omega Pharma-Quick Step) à 2’00 »
7. Wilco Kelderman (PBS, Belkin) à 2’03 »
8. Thomas De Gendt (BEL, Omega Pharma-Quick Step) à 2’07 »
9. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) à 2’09 »
10. Patrick Gretsch (ALL, Ag2r La Mondiale) à 2’12 »

Classement général :

1. Rigoberto Uran (COL, Omega Pharma-Quick Step) en 49h37’35 »
2. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 37 sec.
3. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) à 1’52 »
4. Domenico Pozzovivo (ITA, Ag2r La Mondiale) à 2’32 »
5. Wilco Kelderman (PBS, Belkin) à 2’50 »
6. Nairo Quintana (COL, Movistar Team) à 3’29 »
7. Fabio Aru (ITA, Astana) à 3’37 »
8. Wout Poels (PBS, Omega Pharma-Quick Step) à 4’06 »
9. Steve Morabito (SUI, BMC Racing Team) à 4’20 »
10. Robert Kiserlovski (CRO, Trek Factory Racing) à 4’41 »

Classement par points :

1. Nacer Bouhanni (FRA, FDJ.fr) 220 pt
2. Giacomo Nizzolo (ITA, Trek Factory Racing) 196 pt
3. Roberto Ferrari (ITA, Lampre-Merida) 156 pt
4. Elia Viviani (ITA, Cannondale) 151 pt
5. Ben Swift (GBR, Team Sky) 112 pt
6. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 88 pt
7. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) 78 pt
8. Wilco Kelderman (PBS, Belkin) 64 pt
9. Rigoberto Uran Uran (COL, Omega Pharma-Quick Step) 65 pt
10. Enrico Battaglin (ITA, Bardiani-CSF) 65 pt

Classement de la montagne :

1. Julian Arredondo (COL, Trek Factory Racing) 75 pt
2. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Meria) 39 pt
3. Stefano Pirazzi (ITA, Bardiani-CSF) 26 pt
4. Robert Kiserlovski (CRO, Trek Factory Racing) 20 pt
5. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 15 pt
6. Wilco Kelderman (PBS, Belkin) 15 pt
7. Björn Thurau (ALL, Team Europcar) 15 pt
8. Pieter Weening (PBS, Orica-GreenEdge) 14 pt
9. Perrig Quémeneur (FRA, Team Europcar) 14 pt
10. Maarten Tjallingii (PBS, Belkin) 12 pt

Classement des jeunes :

1. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) en 49h39’27 »
2. Wilco Kelderman (PBS, Belkin) à 58 sec.
3. Nairo-Alexander Quintana (COL, Movistar Team) à 1’37 »
4. Fabio Aru (ITA, Astana) à 1’45 »
5. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) à 4’32 »
6. Georg Preidler (AUT, Giant-Shimano) à 12’25 »
7. Pawel Poljanski (POL, Tinkoff-Saxo) à 28’11 »
8. Mikel Landa (ESP, Astana) à 29’33 »
9. Sebastian Henao (COL, Team Sky) à 30’18 »
10. Jan Polanc (SLO, Lampre-Merida) à 30’42 »

Classement par équipes :

1. Omega Pharma-Quick Step (BEL) en 148h11’05 »
2. Ag2r La Mondiale (FRA) à 05’32 »
3. BMC Racing Team (USA) à 07’46 »
4. Tinkoff-Saxo (DAN) à 21’29 »
5. Lampre-Merida (ITA) à 23’46 »
6. Astana (KAZ) à 24’14 »
7. Movistar Team (ESP) à 29’17 »
8. Team Europcar (FRA) à 33’51 »
9. Colombia (COL) à 41’53 »
10. Trek Factory Racing (USA) à 44’03 »