De longues minutes durant, c’est un défilé de gueules cassées, de maillots déchiquetés, de bras et de jambes ensanglantés, auxquels les tifosi postés sur la ligne d’arrivée du Mont Cassin ont assisté. Que ce soit en Irlande ou dans le sud de l’Italie, il fallait encore que la pluie s’en mêle aujourd’hui alors que les coureurs s’engageaient dans l’étape la plus longue de cette 97ème édition du Giro. Au départ de Sassano, en Campanie, il faut aujourd’hui parcourir 247 kilomètres pour aller chercher, et c’est une première, l’ascension du Mont Cassin, qui domine la route allant de Rome à Naples et que l’Histoire associe aux combats meurtriers qui s’y déroulèrent durant la Seconde Guerre mondiale. On s’attend à une probable explication entre les favoris dans les 8,7 kilomètres à 5,1 %. Ce qui va suivre dépasse en réalité l’entendement.

Longtemps, pourtant, cette sixième étape se sera voulue sans intérêt notoire. Partis bille en tête au kilomètre 9, quatre coureurs défendant les couleurs d’une équipe invitée par l’organisation vont réaliser la majeure partie de la course devant. Edwin Avila (Colombia), Marco Bandiera (Androni Giocattoli), Andrea Fedi (Neri Sottoli-Yellow Fluo) et Edoardo Zardini (Bardiani-CSF) sont les échappés matinaux. L’étape étant longue jusqu’au pied du Mont Cassin, et les conditions restant clémentes jusque-là, le peloton s’offre un peu de répit. L’avance accordée au quatuor sera d’autant plus importante : quatorze minutes au mieux. Mais il n’est pas question de faire don de la victoire d’étape aux quatre coureurs installés devant depuis le départ. La chasse est lancée alors que l’on s’approche de la montée inédite du Mont Cassin, et Avila, Bandiera, Fedi et Zardiani sont rejoints sans riposter à 12 kilomètres du but, après 225 kilomètres d’échappée.

L’étape a jusqu’ici collé au scénario ultra classique qui veut que l’échappée matinale soit absorbée au pied de la difficulté finale pour laisser s’expliquer les candidats à la victoire d’étape et davantage aujourd’hui au maillot rose, qui ne semble dès lors plus tenir qu’à un fil sur les épaules du valeureux Michael Matthews (Orica-GreenEdge). Si le sprinteur australien passe bien les bosses, 6ème hier à Viggiano, on ne donne plus cher de sa peau alors que se profilent les 8,7 derniers kilomètres que l’on présente comme la première des neuf arrivées en altitude de ce Tour d’Italie. La moins sévère certes. Mais voilà que la pluie, une fois encore, s’invite dans le final sur une course rose qu’elle n’a de cesse d’arroser au quotidien. En un rien de temps la chaussée se met à reluire pour se muer en patinoire, comme ce fut le cas mardi à Bari.

Des coureurs glissent par dizaines sur l’asphalte délavé, Cadel Evans en tire profit.

Et soudain, à l’approche d’un rond-point dans les rues de Cassino, c’est le jeu de quilles ! Des coureurs glissent par dizaines sur l’asphalte délavé. L’accident est violent. Plusieurs coureurs resteront au sol, sévèrement touchés. Ceux qui repartiront ne seront pas moins choqués, les corps meurtris, les maillots et cuissards en lambeaux, le sang coulant le long de leurs coudes ou de leurs mollets. C’est un massacre auquel vient de s’exposer le peloton tout entier à 10 kilomètres de l’arrivée, soit juste avant qu’il ne s’engage dans l’ascension du Mont Cassin. Un désastre dont sont victimes deux des principaux favoris, Michele Scarponi (Astana), qui va céder 1’37 » sur cette chute, et surtout Joaquim Rodriguez (Team Katusha), touché et définitivement sorti de la course au maillot rose, avec un retard de 7’43 » sur la ligne d’arrivée.

Les autres favoris s’en tirent sans heurts, mais lorsqu’ils reprennent leurs esprits, ils prennent conscience qu’un premier wagon a filé sans attendre son reste. Profitant du dramatique accident survenu derrière eux, avant même que la course des favoris ne soit véritablement lancée, une douzaine de coureurs choisit d’insister à l’avant, sous l’impulsion d’une équipe BMC Racing Team regroupée autour de Cadel Evans. L’Australien court à la perfection, toujours placé depuis le Grand Départ de Belfast, ce qui l’a épargné du carambolage dont ont été victimes, directement ou non, tous ses adversaires. Or cette fois il va chercher à tirer profit de cet avantage, tracté par Daniel Oss puis Steve Morabito sur les pentes du Mont Cassin où ne subsistent à leurs côtés que Matteo Rabottini (Neri Sottoli-Yellow Fluo), Tim Wellens (Lotto-Belisol), Luke Durbridge, Ivan Santaromita et… le Maillot Rose Michael Matthews (Orica-GreenEdge).

Exploitant la chute massive survenue au pied du Mont Cassin, Cadel Evans est en train d’écarter tous ses adversaires à la déloyale. Car derrière, le paquet diminué ne parvient pas à se réorganiser. Aux Movistar qui sautent les uns après les autres pour laisser Nairo Quintana sans soutien, personne ne vient en aide et l’écart s’accroît. Il atteindra 49 secondes au sommet (!), où Michael Matthews tire lui aussi bénéfice de la situation, parvenu à s’accrocher dans la roue de Cadel Evans dans le dernier kilomètre d’ascension pour remporter son étape du Giro le maillot rose sur les épaules. Un beau symbole entaché néanmoins par la manière adoptée par son compatriote Cadel Evans, 3ème de l’étape, ce qui lui octroie encore 4 secondes de plus au classement général, soit au total 53 secondes « gagnées » au Mont Cassin !

Demain vendredi, la septième étape reliera Frosinone à Foligno (211 km).

Classement 6ème étape :

1. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) les 247 km en 6h37’01 » (37,3 km/h)
2. Tim Wellens (BEL, Lotto-Belisol) m.t.
3. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) m.t.
4. Matteo Rabottini (ITA, Neri Sottoli-Yellow Fluo) m.t.
5. Ivan Santaromita (ITA, Orica-GreenEdge) à 13 sec.
6. Steve Morabito (SUI, BMC Racing Team) à 23 sec.
7. Wilco Kelderman (PBS, Belkin) à 49 sec.
8. Mauro Finetto (ITA, Neri Sottoli-Yellow Fluo) m.t.
9. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) m.t.
10. Fabio Duarte (COL, Colombia) m.t.

Classement général :

1. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) en 24h18’14 »
2. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) à 21 sec.
3. Rigoberto Uran (COL, Omega Pharma-Quick Step) à 1’18 »
4. Steve Morabito (SUI, BMC Racing Team) à 1’25 »
5. Matteo Rabottini (ITA, Neri Sottoli-Yellow Fluo) m.t.
6. Ivan Santaromita (ITA, Orica-GreenEdge) à 1’47 »
7. Fabio Aru (ITA, Astana) à 1’51 »
8. Tim Wellens (BEL, Lotto-Belisol) à 1’52 »
9. Ivan Basso (ITA, Cannondale) à 2’06 »
10. Nairo-Alexander Quintana (COL, Movistar Team) à 2’08 »

Classement par points :

1. Elia Viviani (ITA, Cannondale) 119 pt
2. Nacer Bouhanni (FRA, FDJ.fr) 115 pt
3. Giacomo Nizzolo (ITA, Trek Factory Racing) 106 pt
4. Roberto Ferrari (ITA, Lampre-Merida) 96 pt
5. Ben Swift (GBR, Team Sky) 86 pt
6. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) 62 pt
7. Davide Appollonio (ITA, Ag2r La Mondial) 44 pt
8. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 42 pt
9. Francesco Chicchi (ITA, Neri Sottoli-Yellow Fluo) 36 pt
10. Tom Veelers (PBS, Giant-Shimano) 34 pt

Classement de la montagne :

1. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) 14 pt
2. Maarten Tjallingii (PBS, Belkin) 12 pt
3. Miguel-Angel Rubiano (COL, Colombia) 9 pt
4. Tim Wellens (BEL, Lotto-Belisol) 9 pt
5. Cadel Evans (AUS, BMC Racing Team) 8 pt
6. Matteo Rabottini (ITA, Neri Sottoli-Yellow Fluo) 4 pt
7. Jonathan Monsalve (VEN, Neri Sottoli-Yellow Fluo) 4 pt
8. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) 3 pt
9. Rodolfo Torres (COL, Colombia) 3 pt
10. Angel Vicioso (ESP, Team Katusha) 3 pt

Classement des jeunes :

1. Michael Matthews (AUS, Orica-GreenEdge) en 24h18’14 »
2. Rafal Majka (POL, Tinkoff-Saxo) à 1’25 »
3. Fabio Aru (ITA, Astana) à 1’51 »
4. Tim Wellens (BEL, Lotto-Belisol) à 1’52 »
5. Nairo-Alexander Quintana (COL, Movistar Team) à 2’08 »
6. Wilco Kelderman (PBS, Belkin) à 2’11 »
7. Diego Ulissi (ITA, Lampre-Merida) à 2’22 »
8. Tobias Ludvigsson (SUE,  Giant-Shimano) à 2’47 »
9. Georg Preidler (AUT, Giant-Shimano) à 3’14 »
10. Diego Rosa (ITA, Androni Giocattoli) à 3’45 »

Classement par équipes :

1. BMC Racing Team (USA) en 72h09’23 »
2. Tinkoff-Saxo (DAN) à 1’01 »
3. Ag2r La Mondiale (FRA) à 1’35 »
4. Omega Pharma-Quick Step (BEL) à 2’06 »
5. Lampre-Merida (ITA) à 2’27 »
6. Orica-GreenEdge (AUS) à 2’34 »
7. Astana (KAZ) à 3’08 »
8. Movistar Team (ESP) à 3’42 »
9. Team Europcar (FRA) à 5’04 »
10. Colombia (COL) à 6’14 »