Décidemment, le moins que l’on puisse dire, c’est que cette journée de Championnat de France à Boulogne-sur-Mer aura été chargée en émotions. Les regrets de Jeannie Longo ce matin n’étaient rien face au bouleversement causé par la course amateur. La cause de tout cela ? Deux coureurs, Freddy Bichot et Samuel Plouhinec, tous deux membres de l’équipe Véranda Rideau Sarthe. Si la joie de voir les deux coureurs monter sur le podium est bien présente, si le bonheur de Freddy Bichot est éclatant en endossant le maillot tricolore, la déception et la tristesse de Samuel Plouhinec n’en étaient pas moins virulentes. Et ça peut se comprendre ! L’ancien champion de France, revenu à la compétition cette saison après un grave accident en 2010, fut l’un des premiers à lancer l’offensive, dès le début de la course. Il avait les jambes, et il le savait.

Au deuxième tour, Samuel Plouhinec part donc avec Romain Lejeune (Champagne-Ardenne) avant d’être rejoint par six autres coureurs, dont Matthieu Converset (AVC Aix-en-Provence) et Vincent Canard (Rhône-Alpes). Au moment où ils s’engagent pour un septième tour, les échappés sont rejoints par un groupe de contre, au sein duquel est placé Freddy Bichot. Ils se retrouvent à dix-neuf devant. Oui mais voilà : dix-neuf coureurs, c’est trop. Alors deux coureurs de Rhône-Alpes, Vincent Canard et Blaise Sonnery, décident de prendre la poudre d’escampette et s’éloignent du groupe de tête. Ils sont rattrapés au tour suivant par le Breton Warren Barguil et… les deux Véranda Rideau Sarthe. Qui décident de fausser compagnie à leurs partenaires d’échappée. A plus de 55 kilomètres de l’arrivée, les deux complices, tous deux d’anciens pros, choisissent en effet de se lancer seuls dans un raid aussi audacieux que spectaculaire.

Bichot et Plouhinec partis, derrière la bagarre fait rage. Le circuit exerce une véritable sélection naturelle. Abandons, cassures, tout y passe, et personne n’en sort indemne. Il y a divers pelotons et des coureurs un peu partout. A l’avant, les deux coureurs de Véranda Rideau orchestrent à merveille leur petite balade de santé, menée tambour battant, à plus de 40 km/h. Pas question d’être rattrapés : les deux hommes ont à cœur d’offrir ce doublé à leur équipe. Ils auront au maximum 1’55 » d’avance sur leurs poursuivants. Mais cela suffit amplement. Alors que leurs anciens compagnons d’échappée sont rejoints par trois autres coureurs, Bichot et Plouhinec doivent faire face à un épineux problème : à qui la victoire ? L’enjeu n’est pas des moindre. Il s’agit du titre de champion de France, du droit d’arborer le maillot tricolore pendant un an.

Ce n’est donc pas rien ! D’un côté, Samuel Plouhinec, 35 ans, a déjà été sacré champion de France en 2009. Il n’en a pas moins l’envie de gagner. Au début de l’année 2010, il avait été renversé par un chauffard à l’entraînement et avait dû renoncer à la fin de son bail avec le maillot bleu-blanc-rouge, ne retrouvant la compétition que début 2011 et renouant rapidement avec de belles performances. De l’autre, Freddy Bichot, 31 ans, s’est lui aussi déjà imposé dans le cadre d’un Championnat de France amateur. C’était en 2002 à Briançon. Mais un contrôle positif aux corticoïdes, qu’il avait expliqué par une injection effectuée dans le cadre d’un traitement à une allergie quelques semaines plus tôt, acte médical qu’il avait omis de préciser au moment du contrôle, l’avait privé du titre, remis alors à son second Frédéric Delalande. Il convient donc d’arbitrer les deux finalistes. La décision est vite prise : la victoire se jouera à la pédale.

Alors qu’ils s’engagent dans le dernier virage, le sprint est lancé. Et le plus fort est Freddy Bichot. Le Mayennais s’effondre en larmes à peine la ligne franchie. Des larmes de joie, mais aussi de revanche. A 31 ans, son rêve est maintenant de voir son équipe intégrer les pelotons professionnels l’an prochain. Plouhinec lui aussi verse des larmes. De déception celles-là, bien que le coureur s’assure très heureux pour son coéquipier. Alors, quand la Marseillaise résonne dans les rues de Boulogne, que Bichot et Plouhinec pleurent tous les deux sur le podium, et que, juste devant, c’est toute l’équipe Véranda Rideau Sarthe qui essuie ses larmes, l’émotion est à son comble. Le seul à sourire à pleines dents, c’est Matthieu Converset. En réglant le compte de ses compagnons d’échappée au sprint, le jeune homme obtient la médaille de bronze. – Elodie Troadec

Classement :

1. Freddy Bichot (Véranda Rideau Sarthe) en 4h14’57 »
2. Samuel Plouhinec (Véranda Rideau Sarthe) m.t.
3. Matthieu Converset (AVC Aix-en-Provence) à 57 sec.
4. Emilien Viennet (CC Etupes) à 1’01 »
5. Blaise Sonnery (Rhône-Alpes) à 1’02 »
6. Vincent Canard (Rhône-Alpes) à 1’04 »
7. Romain Delalot (CC Nogent-sur-Oise) à 1’05 »
8. Warren Barguil (Bretagne) à 1’06 »
9. Yann Guyot (Ile de France) à 1’37 »
10. Etienne Tortelier (Sojasun Espoir-ACNC) à 1’40 »