À 29 ans, malgré un palmarès unique dans l’histoire car ponctué de titres mondiaux aussi bien en cyclisme sur route qu’en VTT XCO, marathon et cyclo-cross, Pauline Ferrand-Prévôt a participé à deux Olympiades sans rien gagner. Après des années difficiles liées à des soucis de santé, Tokyo lui offrira-t-elle enfin la médaille si convoitée ? 

Pauline Ferrand PrévotPauline Ferrand Prévot | ©

 

Tombée dedans à la naissance

Parents cyclistes, son père tenait aussi un magasin de vélo à Reims-, oncle, grand-frère et demi-sœur coureurs. « C’est une histoire de famille » confirme Pauline. « Sauf que ma mère ne voulait pas que je fasse du vélo, pas assez féminin, donc j’ai fait du patinage artistique dès 5 ans… » Mais rien n’y fait. La gamine d’alors a ça dans le sang. « Je prenais des palettes dans le jardin et faisais des circuits de cyclocross avec. Ma mère a fini par céder ! » Après avoir brillé chez les jeunes, la jeune femme fait ses débuts chez les pros en 2011, à 19 ans. À peine un an plus tard, elle glane un premier podium en coupe du monde de VTT. De bons résultats qui l’envoient directement aux JO de Londres. Elle termine 26e en VTT, mais 8e de la course sur route. « Belle performance, car j’étais la plus jeune concurrente, ça reste un grand souvenir ». 

Une éclosion précoce

Deux ans plus tard en 2014, Pauline devient la première Française championne du monde sur route depuis la légendaire Jeannie Longo. En 2015, elle glane deux nouveaux titres mondiaux en cyclo-cross et VTT cross-country. En l’espace de deux ans, la cycliste est à seulement 23 ans la première de l’histoire à obtenir un titre mondial sur trois disciplines différentes. 2016, année des JO de Rio. La multiple championne de France (plus de 20 titres à son actif et ce dans toutes les disciplines), en est la grande favorite. Mais handicapée entre autres par des blessures et une sciatique, c’est la désillusion. Elle termine 26e de la course en ligne et abandonne la course VTT, avant de mettre un terme à sa saison. 

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Blessures en cascade


« Les deux saisons suivantes ont été difficiles. J’ai gagné des courses, mais un peu dans la douleur. À l’époque, je ne savais pas ce que j’avais, j’avais du mal à faire comprendre que je me sentais blessée, que je ne pouvais plus pédaler à pleine puissance, j’ai douté… je suis même allée jusqu’à me dire que c’était psychologique ! » Fin décembre 2018, le diagnostic tombe. Pauline souffre d’endofibrose iliaque côté gauche et à un degré moindre à droite (une endofibrose est un étranglement de l’artère iliaque au niveau de l’aine privant de sang la jambe). Fin janvier 2019, elle est opérée à l’hôpital de la Salpêtrière. Retour gagnant puis qu’elle empoche l’été suivant son deuxième titre de championne du monde de VTT, et devient dans la foulée championne du monde de VTT marathon pour sa première participation à ce format. À la fin 2019, la cycliste décide d’arrêter provisoirement le cyclisme sur route pour se consacrer au VTT et aux JO de Tokyo. « Tout allait très bien durant ma semaine de préparation en Afrique du Sud, mi- décembre. Quand je suis revenue, je me suis sentie un peu moins bien, j’avais moins de force, de puissance sur le vélo à l’entraînement. J’ai mis ça sur le compte de la fatigue et de ma semaine d’entrainement intensif. Mais, début 2020, sur une épreuve de cyclo-cross à Bruxelles, j’ai abandonné, car je ne pouvais pratiquement plus bouger la jambe. La douleur, connue, irradiait dans tout l’arrière de ma jambe. J’ai immédiatement envoyé un message au professeur qui m’avait opérée de mon endofibrose l’an dernier. Ce n’était pas exactement la même qu’avant, même si elle se situait aussi à la jambe gauche. Les récidives sont rares pourtant… ». Pauline a alors subi une nouvelle intervention… suivie d’un nouveau titre de championne du monde. 

Et c’est l’arrivée de la pandémie

« Avec le report des Jeux, il a fallu tout changer. Mes deux objectifs étaient les championnats du monde et les championnats d’Europe fin 2020 et dans les deux cas, j’ai bien réussi avec un premier titre de championne d’Europe en cross-country. Ensuite, j’ai pu entamer la saison sereine et me reposer avant de réattaquer la saison 2021 avec un changement de team. Il a fallu que je me réadapte au vélo… » Au sein de sa nouvelle équipe Absolute Absalon BMC, Pauline a de grandes ambitions pour Tokyo, étant qualifiée d’office en qualité de double championne du monde en titre : « je veux être championne Olympique. Grâce à cette équipe qui m’offre une grande liberté et me permet d’être pleinement épanouie, je vais pouvoir mettre toutes les chances de mon côté. » Après les JO malheureux de Rio, Pauline s’était fait tatouer un « life is a joke » sur la nuque, résumé de son état d’esprit. Habituée des résurrections, la championne a fait de la crise sanitaire une nouvelle occasion de prouver sa pugnacité. 

Pauline Ferrand-Prévôt Questions Réponses JO 

Que représentent les JO pour toi ? 

PFP : c’est la seule médaille qui manque à mon palmarès, or, j’ai tendance à vouloir ce que je n’ai pas et à me battre pour. Donc ce serait une consécration. 

Tu ne te présentes qu’en VTT cross-country, plus de route donc ? 

PFP : oui, j’ai appris de mes précédentes expériences Olympiques que courir deux lièvres à la fois, c’est prendre le risque de n’en attraper aucun. Donc j’évite la dispersion et je me mobilise pour le VTT, que je trouve très fun, mais ça ne veut pas dire que j’abandonne la route à long terme ! 

Avant que le Covid ne change la donne, avais-tu modifié tes routines d’entrainement ? 

PFP : le foncier étant acquis, j’avais surtout mis l’accent sur la résistance, avec des sessions en intensité à allure élevée, un type d’entraînement que je n’avais jusque-là jamais pu réaliser en raison de mes blessures mais aussi des saisons route, cyclocross et cross-country qui s’enchaînaient sans répit. Ces sessions vont monter en puissance au fil des semaines. Je fais pas mal de gainage. Après, je suis une puncheuse, j’ai encore des progrès à faire en technique sur les sauts, j’ai travaillé cela aussi. Avec le Covid, on s’est retrouvés confinés à la maison, à devoir faire du home-trainer, c’était un peu frustrant et injuste d’autant qu’on était les seuls athlètes à ne pas pouvoir s’entrainer. On a vécu au jour le jour en 2020 : le maitre- mot a été adaptation. En 2021, on est toujours un peu dans ce mode. Le calendrier change, des événements sont encore annulés. Mais on n’a pas le choix. Au lieu d’attendre 4 ans, on aura dû patienter un an de plus. J’ai de la pression, mais c’est de la bonne pression. La préparation, c’est ce que je préfère. 

La piste de Tokyo conviendra-t-elle à ton profil ? 

PFP : oui, c’est le genre de tracé que j’aime bien. C’est un parcours engagé de 4 km, avec des portions techniques et raides. Il faudra être super précis sur les trajectoires et au top sur les départs. C’est pour ça qu’avant de me faire réopérer, je me suis entraînée spécifiquement en moto tout-terrain. Pour travailler 

l’engagement avec plus de vitesse. Mais c’est chaud : lors du test-event, je me suis cassé le nez et deux autres concurrentes se sont blessées… 

Qu’attends-tu de ces JO pour ta discipline ? 

PFP : que ça explique mieux les différents formats de compétition. Pour le grand public, ça reste souvent un peu compliqué de s’y reconnaître entre toutes les épreuves. 

As-tu un souvenir fort des JO en tant que spectatrice ? 

PFP : oui, je me sens d’ailleurs un peu trop spectatrice des JO en général ! Je suis surtout fan des épreuves d’endurance. Quand on est au village Olympique, c’est magique, surtout la première fois. À Londres, j’avais 20 ans, c’était fou de se retrouver dans cette ambiance. On a parfois du mal à rester concentré sur sa compétition. À Rio, mon épreuve sur route était au début et celle de VTT à la fin. J’ai choisi de partir du village Olympique entre temps… Là, je n’aurai pas à choisir puisque je ne serai que sur l’épreuve de VTT ! 

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