Il y aura bientôt deux mois qu’Arnaud Démare (CC Nogent-sur-Oise) coupait triomphalement la ligne d’arrivée du Championnat du Monde Espoirs à Rudersdal, en binôme avec Adrien Petit. Le point d’honneur d’une saison réussie sur toute la ligne, et qui lui vaut d’ajouter son nom au palmarès du classement Vélo 101, qui référence depuis 2005 les résultats obtenus par les coureurs amateurs sur l’ensemble de la saison. Avant de rejoindre les rangs professionnels au sein de l’équipe FDJ, qu’il a déjà intégrée l’été dernier le temps d’un stage prometteur chez les pros, le coureur de 20 ans a donc encore obtenu des félicitations, cette fois de la part de la rédaction de Vélo 101. La tête bien sur les épaules à l’approche de sa première année pro, Arnaud Démare revient avec nous sur ces derniers mois et la manière dont il abordera 2012.

Arnaud, quel a été ton programme depuis le terme de ta saison il y a un mois ?
J’ai été très sollicité à droite, à gauche. Je suis allé en Italie pour recevoir un prix au Grand Gala International de cyclisme. Puis j’ai fait des gentlemen, j’ai été reçu pour le Vélo Star… Bref, beaucoup de réceptions. J’ai répondu à de nombreuses invitations et c’était sympa d’être mis à l’honneur. A présent, je reprends tout doucement l’entraînement.

Durant ce dernier mois, as-tu mis le vélo de côté ?
Oui, j’ai coupé un mois sans vraiment toucher au vélo. J’ai repris un petit peu cette semaine avec du footing et de la piscine.

Près de deux mois après l’acquisition de ton titre mondial, as-tu eu le temps de retomber sur terre ?
Je suis retombé, oui, mais je ne crois pas me rendre vraiment compte que je suis champion du monde Espoirs. Je suis toujours le même, et heureusement. Je continue à mener ma vie habituelle, sans rien changer. Je profite des petites invitations auxquelles je n’aurais pas bénéficié sans mon titre. Je pars en Nouvelle-Calédonie demain avec Adrien Petit (NDLR : son dauphin sur le podium des Championnats du Monde Espoirs) pour une CycloCancer. Le but est de récolter des fonds pour les enfants atteints du cancer. C’est une petite opération sympa et en même temps ça nous fait une semaine de vacances là-bas. Ce sera à la fois une bonne action et du bon temps passé.

Tu sors d’une saison exceptionnelle d’un bout à l’autre, as-tu pris le temps de prendre du recul et de réaliser tout le chemin accompli ?
Pas vraiment. Je n’ai pas pris le temps. Peut-être n’ai-je pas non plus envie de regarder ce que j’ai fait. Je me suis rendu compte toute l’année de ce que j’accomplissais mais je n’y ai pas prêté plus attention. Tout le monde me répète : « tu te rends comptes de ce que tu fais ? » C’est formidable mais je pense plutôt à l’avenir et à ce qui m’attend avec la FDJ plutôt qu’à ce que j’ai accompli.

Parmi un ensemble de distinctions, tu remportes le classement Vélo 101, qu’est-ce que cela représente pour toi ?
C’est sympa à chaque fois d’être le premier d’un challenge, quel qu’il soit. Les classements se ressemblent plus ou moins, chez les amateurs comme chez les professionnels. Le système de points met en valeur nos résultats sur une saison. Ça fait donc toujours plaisir de bien figurer dans un classement regroupant tous les cyclistes du peloton. Le classement Vélo 101 est un classement sur ce qu’on a dans les jambes, ça fait donc plaisir de se retrouver devant tout le monde.

Si l’on revient sur ton année, commencée en fanfare aux Courses au Soleil, on a le sentiment que tu n’as pas eu de moments de moins bien, mieux, que tu as progressé constamment, c’est ton ressenti ?
Oui. D’entrée de jeu, aux Courses au Soleil, Charlie Leconte et Pascal Carlot ont voulu que je frappe un grand coup de poing sur la table, que je montre que j’étais présent. Après, toute la saison, j’ai gagné régulièrement. Tous les mois je levais les bras au moins une fois. J’ai toujours été régulier, en Juniors 2 et Espoirs 1. Cette année j’ai toujours été là, mais là-haut ! Je prends ça pour un signe rassurant. Ça montre que je ne suis pas fatigué par les courses que je fais et que je peux enchaîner de nombreuses courses. C’est motivant avant d’arriver chez les professionnels.

Comment expliques-tu une telle constance ?
Je m’amuse vraiment sur mon vélo. Je fais ça avec énormément de plaisir. Quand je suis fatigué, je m’écoute, je passe d’abord par la récupération avant de retravailler tout de suite. Hervé Boussart, mon entraîneur depuis le Team Wasquehal, me connaît bien. Il sait que quand je dis que je suis fatigué, c’est que j’ai vraiment besoin de souffler. Et le fait de souffler régulièrement dans la saison me permet d’être motivé et d’en vouloir tous les dimanches. Rester constant toute l’année est devenu l’une de mes forces.

Quels outils utilises-tu à l’entraînement ?
En 2010, j’utilisais un Powertap, mais je l’ai cassé l’hiver dernier. Cette année, j’ai donc davantage travaillé aux sensations, avec un cardio. Mais je vais racheter un capteur de puissance cet hiver en vue de mon passage chez les pros pour vraiment être au top. J’ai beaucoup travaillé en intensité avec mon rythme cardiaque.

Sais-tu quelle puissance tu es capable de développer dans un sprint ?
Pas vraiment. J’ai développé presque 1700 watts sur une puissance max en Espoirs 1, en 2010 (NDLR : c’est autant que le champion du monde Mark Cavendish). Depuis je ne sais pas trop où je me situe, n’ayant plus utilisé de capteur de puissance.

Tu vas arriver très attendu chez les pros, c’est une source de motivation ou d’appréhension ?
C’est évidemment une source de motivation mais je ne cache pas qu’il y a effectivement un peu d’appréhension. Il va me falloir faire ma place dans le peloton, m’intégrer à mes nouveaux coéquipiers et me faire respecter. C’est un autre milieu, on repart de zéro. Les rangs Espoirs n’ont rien à voir par rapport à tous ces grands champions. Je ne vais pas être intimidé. Je vais faire ma course comme j’ai l’habitude de le faire. Je me laisse un temps d’adaptation pour vraiment découvrir. La gagne, ça viendra plus tard dans mon esprit. Mais si j’ai une ouverture, bien sûr, je ne la louperai pas !

Ton stage avec la FDJ cet été t’a permis de découvrir la marche à franchir chez les pros, est-elle haute ?
Mon stage m’a permis de savoir ce qu’il faut que je travaille, comment approcher les sprints. Je sais à quoi m’attendre, c’est ce qui est bien. C’est un gain de motivation pour l’an prochain. Je sais où je vais, je ne pars pas dans le flou. Ce stage en août a été motivant.

Comment gères-tu la pression médiatique soudaine autour de toi et les attentes qui en émanent ?
J’essaie toujours de ne pas trop en dire aux journalistes, de rabaisser leurs ambitions ! On ne monte pas un champion comme ça. Je ne me mets pas la pression, je laisse dire les gens sans que ça m’affecte. Il n’est pas question qu’on m’enflamme pendant un ou deux ans pour qu’un jour je finisse par ne plus marcher pour une raison quelconque. Je mets donc des holàs là-dessus. J’avance doucement, sans pression, et je verrai comment ça marche dans les années futures.

En quoi va consister ta préparation hivernale ?
Comme tous les ans, ce sera de la Préparation Physique Générale (PPG) en reprise, puis de la musculation, du foncier, un peu de cyclo-cross le week-end pour me faire plaisir, un peu de VTT. Mais surtout du foncier, du foncier, jusque mi-janvier avant de reprendre de l’intensité. Les principales modifications par rapport aux années passées viendront surtout du volume : au lieu de faire quatre heures je ferai peut-être cinq heures.

As-tu déjà évoqué avec Marc Madiot les grandes lignes de ton programme 2012 ?
Pas trop encore. Notre premier stage avec la FDJ aura lieu du 8 au 16 décembre, d’abord à Moussy-le-Vieux (Seine-et-Marne) puis à La Baule (Loire-Atlantique). J’y découvrirai mon programme de l’an prochain mais je suis d’ores et déjà ouvert à tout ce qu’on me proposera.

Propos recueillis le 17 novembre 2011.