Yoann, en l’espace d’un mois tu as déjà obtenu deux victoires plus trois podiums. T’attendais-tu à entamer la saison de cette manière ?
Je suis reparti cet hiver sur les mêmes bases que l’année précédente, ce qui m’a permis d’entamer la saison avec des sensations correctes, bien que légèrement inférieures à celles de 2016 puisque j’ai préféré faire des intensités un peu plus tard cette année. Je me suis un peu loupé sur ma première course mais dès la suivante j’avais de bonnes sensations. J’ai fait la course comme je sais le faire pour commencer à enchaîner les podiums et les Tops 10. Je ne me suis pas accordé beaucoup de repos en début de saison, si bien que je suis tombé un peu malade pour la manche du Circuit des Plages Vendéennes à Chantonnay. Malgré tout j’ai réussi à prendre l’échappée et à m’imposer en solitaire. Au métier. Etant donné mes sensations à ma reprise, je ne m’attendais pas à gagner aussi tôt.

Où situes-tu ton niveau de forme par rapport à la saison dernière ?
Je dirais qu’il est un peu en-dessous de celui de 2016, même si j’ai fait treize jours de course au mois de février, avec ma participation au Tour de la Provence avec l’équipe de France, contre six ou sept à la même époque l’an passé. J’ai pas mal enchaîné les jours de course pour un mois de février, si bien que j’ai davantage fatigué mon organisme. Malgré tout je me suis senti bien au Tour de la Provence en parvenant à réaliser un résultat plutôt convenable (24ème) pour une course relevée de ce niveau, avec pas mal d’équipes WorldTour au départ. J’ai levé un peu le pied après ces trois jours, ce qui m’a permis de bien récupérer avant un mois de mars concentré uniquement sur les week-ends.

L’hiver passé a-t-il été l’occasion d’apporter des améliorations à ta préparation ?
Pas spécialement. J’ai suivi la même préparation que par le passé, avec beaucoup de course à pied et de musculation au mois de novembre, puis pas mal de kilomètres à mon retour sur le vélo. J’ai aussi disputé une dizaine de cyclo-cross, comme j’en ai l’habitude. J’ai décroché le titre de champion du Poitou-Charentes en dépit d’une chute au départ. J’ai terminé la course à la niaque pour la remporter… mais j’ai ensuite été arrêté quatre semaines avec quatre points de suture au péroné. Je ne pouvais plus marcher sans boîter. J’en ai profité pour me reposer en décembre. Mais à ma reprise j’ai voulu rattraper le temps perdu en multipliant les sorties foncières et en enchaînant les stages en Espagne et dans le Pays Basque. Je suis arrivé un peu trop vite en forme fin janvier, mais j’ai pu entretenir cet état au cours du mois de février.

Tu es sorti d’une saison 2016 exceptionnelle. Qu’est-ce qui te satisfait le plus quand tu y repenses ?
Je n’aurais jamais imaginé gagner autant de fois dans l’année, mais c’est surtout le titre de champion de France amateur du contre-la-montre qui m’a apporté le plus de satisfaction. Je tournais déjà autour par le passé, à une époque où ce titre n’existait pas. J’avais donc à cœur de remporter ce titre en 2016. Avant de m’adjuger une étape du Kreiz Breizh Elites, sur une Classe 2, au cours de l’été.

Qu’a représenté pour toi ta victoire au classement Vélo 101-Powertap.fr, dont tu retrouves cette semaine le leadership ?
Ce classement témoigne de la régularité d’un coureur sur une saison. Finir en tête est encourageant et c’est susceptible d’ouvrir des portes. Je m’y fie forcément. Quand on intègre le Top 10, on se prend vite au jeu, on regarde ce que font les autres coureurs. On ne court pas toujours ensemble, dès lors on observe ce que font les adversaires sur les autres courses.

Tu as été récompensé par des pédales PowerTap P1. Quel est ton rapport à un outil comme le capteur de puissance ?
A vrai dire, je m’entraîne avant tout aux sensations. J’ai toujours fonctionné ainsi, si bien que je ne suis pas encore adepte du capteur de puissance. J’ai hésité à m’y mettre cet hiver, mais plutôt que de révolutionner mon entraînement j’ai préféré opter pour ce que je savais faire et qui m’avait réussi l’an dernier. Mon entraîneur n’étant pas non plus spécialiste de tels outils, nous avons choisi de reprendre le même programme d’entraînement dans l’immédiat.

Tu veux nous faire croire qu’un rouleur de ton calibre ne se fie pas aux watts ?
Exactement. Il m’est arrivé par le passé de travailler un peu avec les watts, mais ça m’endormait plus qu’autre chose. J’ai réalisé un test à l’effort qui m’a permis d’évaluer ma PMA (Puissance Maximale Aérobie) à 530 watts. Mais à trop vouloir me fier à la puissance, j’avais le sentiment qu’il m’était plus compliqué de marcher. Je travaille donc aux sensations, avec un cardio. C’est ce paramètre là avant tout qui m’indique mon état de forme.

Malgré ton excellente saison 2016, tu n’as pas été amené à rebondir chez les pros cette saison. Comment expliques-tu que les négociations n’aient pas abouti ?
J’ai moi-même du mal à le comprendre. J’ai eu pas mal de contacts mais rien ne s’est concrétisé. C’est sûr qu’en fin de saison j’étais un peu déçu mais je me suis dit qu’il ne servait à rien de se prendre la tête. Tant que je me fais plaisir sur le vélo, c’est l’essentiel. Je vais donc essayer de refaire une saison aussi fructueuse cette année. Je cours au jour le jour, course par course, sans me fixer vraiment d’objectifs. Et ça fonctionne comme ça. Si je me fie aux différents classements amateurs, je suis déjà dans les premières positions.

On imagine néanmoins que quelques échéances occupent une place privilégiée ?
Disons que ce sont surtout des objectifs liés à ceux de l’équipe. Le premier, ce sera bien sûr la première manche de la Coupe de France au Tour du Canton de l’Estuaire les 1er et 2 avril, ce pourquoi je vais monter en pression jusque-là. J’aurai à cœur de marquer un maximum de points pour bien commencer la Coupe de France. A partir de là les manches vont s’enchaîner et il s’agira d’y marquer le plus de points possible.

Ton retour dans le peloton pro au Tour de la Provence t’a-t-il permis de mesurer les lacunes comblées depuis ton expérience professionnelle de 2013 à 2015 ?
Je ne m’attendais pas à marcher aussi bien que ça. Cela faisait plus d’un an que je n’avais pas couru à ce niveau, et je me suis présenté au départ avec des courses de 130 kilomètres seulement dans les jambes. Au Tour de la Provence, la première étape faisait plus de 200 bornes avec un col. J’ai été assez surpris de mon état de forme.

Quelle mission t’a confié Pierre-Yves Châtelon auprès des Espoirs de l’équipe de France ?
Il m’a contacté assez tardivement pour pallier le forfait d’Odrian Champossin. Pierre-Yves a pensé à moi, comme je marchais fort en début de saison et qu’il n’avait pas d’Espoir en réserve. Il m’a attribué un rôle de capitaine de route. Comme j’avais couru par le passé chez les professionnels, je savais à quoi m’en tenir. Je connaissais les routes, ce qui m’a permis de guider l’équipe et d’essayer de faire un bon résultat. Je serai à nouveau sur la Classic Loire-Atlantique samedi, mais par la suite l’équipe devrait être exclusivement composée d’Espoirs en vue de la Coupe des Nations.

Ton ambition est-elle toujours de retrouver ta place chez les pros dans un futur proche ?
Oui, c’est toujours le but. Mais je ne me mets pas de pression. Je fais les courses comme je sais le faire, en attaquant, en courant devant, dans l’espoir de gagner autant que l’an dernier. On fera les comptes à partir du mois de juin. Et on verra alors si mon projet de rejoindre une équipe pro est bien avancé. Je vais renouveler l’expérience avec l’équipe de France samedi à la Classic Loire-Atlantique. C’est une course que j’aimais bien par le passé quand je courais chez les professionnels. Je vais essayer de ne pas rater l’occasion d’y faire un bon résultat pour ouvrir les yeux aux équipes pros.