Geoffrey, bien que tu sois toujours licencié à l’OC Locminé, tu as mis la compétition entre parenthèses cette saison. Pourquoi ?
J’ai été blessé en début d’année, ce qui m’a empêché de m’entraîner correctement et d’être sur les courses du début de saison. De plus, après la validation d’un Master 2 l’été dernier, je me suis lancé dans un doctorat à l’université de Reims. Autant j’arrivais jusque-là à concilier mes études et la compétition, autant quand on se lance dans ce type de formation, on prend conscience qu’il est difficile d’être compétitif sur tout les fronts et qu’il y a des priorités à avoir. Il n’en reste pas moins que je continue à rouler, que j’aime toujours autant faire du vélo, et que j’espère pouvoir reprendre la compétition rapidement. Maintenant que les jours se sont rallongés, que le beau temps revient, je n’ai qu’une envie : c’est d’aller rouler. Mais être compétitif demande beaucoup d’investissement… Je ne m’avance donc pas, on verra ce que l’avenir nous réservera, mais j’espère qu’on me reverra sur des courses très rapidement avec l’équipe de Locminé.

Tu ne t’es pas pour autant éloigné du milieu cycliste puisque c’est dans ce cadre que tu poursuis tes études…
En effet, j’ai réalisé une licence STAPS puis enchaîné avec un Master Mouvement Sport Santé (M2S) à l’université de Rennes. Le laboratoire M2S de Rennes m’a proposé de faire mon stage de Master 1 au sein d’une startup spécialisée dans l’ergonomie en cyclisme, MorphoLogics, qui travaillait sur le ML Cleat, un appareil d’optimisation du réglage des cales de chaussures de cyclisme. Nous avons réalisé ensemble des travaux sur l’amélioration de l’efficacité du pédalage par l’optimisation de l’interface pied/pédale, ce qui nous a permis de valider le système ML Cleat. De cette expérience, j’ai gardé de très bons contacts avec les directeurs de la société, Michel et William Le Goallec. Après mon stage de Master 2 à la fédé à Saint-Quentin-en-Yvelines, j’ai retrouvé MorphoLogics en septembre dans le cadre d’une thèse CIFRE. Je vais réaliser des travaux avec l’université de Reims dans le but de développer l’entreprise. Ce qui sera gagnant-gagnant pour tout le monde.

En quoi va consister concrètement ta collaboration avec la société MorphoLogics ?
Je vais intégrer la Recherche & Développement. Il y a un an, MorphoLogics a acquis les droits du système d’étude posturale Cyfac, développé par Robert Gauthier. Nous avons modernisé le système au niveau de la prise de mesures grâce au marbre ML Size, un outil de haute précision qui permet la lecture de l’ossature du corps humain à l’aide de capteurs mobiles. Il s’agit d’un système d’étude posturale numérique, très rapide, très simple et très précis, qui s’appuie sur onze mesures anthropométriques. Une fois les données du cycliste recueillies avec une tablette numérique, via une transmission sans fil, elles sont analysées par un logiciel. Les premières parties de l’étude ont été développées, nous travaillons actuellement sur un nouveau système qui permettra de reporter les réglages sur le vélo. Mon rôle va être d’optimiser l’ensemble du logiciel pour améliorer l’étude posturale, notamment en contre-la-montre et en triathlon.

En tant que coureur, as tu toi-même eu recours à une étude posturale ?
Pas avant d’arriver chez MorphoLogics. A mon arrivée dans la société, j’étais très mal posé sur le vélo. Je me déhanchais énormément, on me charriait parce que je bougeais toujours les épaules d’un bord et de l’autre. Je me suis rendu compte que j’étais bien trop haut. J’ai donc fait évoluer ma position, ce qui m’a permis de découvrir de nouveaux axes de développement. Je me sens désormais beaucoup plus à l’aise, plus confortable sur le vélo. J’ai beaucoup moins mal au dos, et j’ai ressenti une vraie amélioration.

Comment expliques-tu qu’une étude posturale ne soit pas encore systématique pour un coureur, quel que soit son niveau ?
En fait, tant qu’on ne s’est pas blessé, on ne se rend pas toujours compte qu’on a besoin d’une étude posturale. Si on n’est pas sensibilisé à ces choses là, on roule tant que tout va bien. J’aurais pu faire toute ma carrière en étant mal posé sur le vélo. On prend de mauvaises habitudes très tôt et on finit par ne plus s’en rendre compte. On s’habitue si on a un peu mal au dos. C’est le jour où on est rattrapé par une tendinite du genou et qu’on ne peut plus pédaler qu’on prend conscience qu’il serait peut-être bien de réaliser une étude. Malheureusement c’est parfois trop tard car les dommages sont causés et des soucis peuvent persister.

Chez MorphoLogics, une étude posturale complète commence par le réglage des cales grâce à l’appareil novateur qui a véritablement lancé la société, le ML Cleat. Y a-t-il beaucoup de carences en la matière ?
Vous n’imaginez pas le nombre de cyclistes qui montent leurs cales au milieu des trous et s’en vont rouler comme ça, sans plus d’attention portée à la bonne position du pied sur la pédale… Notre appareil a justement vocation à optimiser le réglage des cales à l’aide d’un système laser, ce qui permet une très grande précision. Il faut bien insister sur les deux bénéfices essentiels d’une cale bien positionnée, dans l’axe de l’articulation du 1er métatarse. D’abord l’optimisation du transfert d’énergie, puisque une bonne position du pied sur la pédale améliore l’efficacité du pédalage. Elle réduit en outre significativement le risque de pathologies, au niveau de l’articulation du genou, mais aussi de l’ensemble du corps car la position du pied sur la pédale influence le système locomoteur dans sa globalité.

Quel est le cœur de cible des appareils que vous développez à Saint-Malo ?
Nous concentrons prioritairement notre implantation dans les magasins de cycle, mais nous recevons un écho très favorable de la part du milieu de la santé. Les kinés, ostéo, podologues etc. sont de plus en plus nombreux à réaliser une étude posturale en complément de leur activité. Le ML Cleat, un outil que personne n’avait développé avant nous, est une innovation qui a du poids désormais et qui se démocratise. Et quand on met « le pied dedans », on n’a pas envie de s’arrêter à la seule position du pied sur la pédale : on veut pousser la chose jusqu’à l’étude posturale. Aujourd’hui une centaine de magasins utilisent le ML Cleat en complément de leur étude posturale et environ une quarantaine utilisent le ML Postural System. Notre prochain défi est de couvrir toutes les régions de France et de se développer à l’international. Nous avons un beau concept, il va maintenant falloir le faire grandir.