Certains records d’endurance laissent pantois. C’est le cas avec le record battu par le cycliste amateur britannique, Nima Javaheri. Ce dernier a parcouru 847 Km à vélo en 4 jours dont 40.088 mètres d’ascension, équivalent à plus de 4,5 ascensions de l’Everest. Il a ainsi largement battu l’ancien record de Massimo Pascale qui était de 36.432 mètres d’ascension. Pour réaliser cet exploit, ce banquier de profession a grimpé et descendu plus de 70 fois le Col de la Croisette en Haute-Savoie. Interrogé par nos confrères britanniques de  « Cyclingweekly », l’amateur d’ultra-endurance de 39 ans s’est confié sur sa préparation, sa motivation, ses sensations et ses prochains projets toujours aussi fous.

Nima Javaheri : un parcours peu banal d’ultra-dénivelé à vélo

Capture d'écran YouTube 2.Capture d’écran YouTube. | © vjachens

Alors que l’on pourrait s’attendre à une longue expérience en ascension à vélo pour ce cycliste, nos confrères britanniques ont été surpris par le profil atypique de ce sportif amateur. En effet, Nima Javaheri a confié que lorsqu’il était jeune, il n’avait guère d’intérêt pour le sport : « Quand vous avez 20 ans, vous voulez juste être beau. Je faisais quelques développés couchés à la salle de sport et c’était tout. La course à pied et le vélo n’ont joué aucun rôle dans ma vie jusqu’en 2014 »

C’est un séjour professionnel à Francfort qui lui a donné ses premiers intérêts pour le sport en plein air. Le banquier a cependant expliqué qu’il ne s’est vraiment intéressé au cyclisme que lors de son arrivée à Genève en Suisse en 2014. « Il y a des pistes cyclables partout », explique- t-il avant de poursuivre : « et nous sommes à seulement 5 km de la frontière avec la France,directement sur une montée de 1.000 m ». Le banquier explique qu’il s’est d’abord intéressé à des sorties de 40 ou 50 Km avant de pousser à 100 Km et au-delà. 

Le cycliste découvre alors son intérêt pour l’endurance : « Sur mon vélo, j’ai commencé à parcourir les 175 km du périmètre du lac Léman, et c’est devenu ma boucle dominicale habituelle. Un week-end, j’ai décidé de le faire deux fois, soit 350 Km. Cela s’est bien passé, alors je l’ai fait quatre fois, soit 700 Km ».

La pandémie a développé la soif de records 

Capture d'écran Youtube 3.Capture d’écran Youtube. | © vjachens

Pendant la période de confinement, le cycliste britannique s’est entraîné à l’endurance à la course à pied et a participé à l’ultramarathon Backyard Ultra. Durant cette épreuve extrême de course à pied, les coureurs courent une boucle de 6,7 km par heure, utilisant le temps restant pour récupérer – et répètent autant de fois qu’ils le peuvent. Nima explique : « J’ai gagné les deux épreuves suisses l’année dernière, 34 tours dans la première, puis 51 tours dans la seconde soit 350 km de course non-stop, ce qui était le record du monde à l’époque ». Un goût pour l’endurance qui lui a ouvert l’appétit sur les records.

En septembre dernier, le banquier résidant à Genève a décidé de réaliser deux Everest c’est-à- dire grimper l’équivalent de deux fois la hauteur de l’Everest (8.848 mètres). Une fois ce défi réalisé, le cycliste amateur s’est dit : « En fait, mes jambes vont bien ». De là est née l’idée de battre le record mondial d’ascension. Le coureur de 39, pressé par un déménagement futur sur Zurich, s’est alors décidé pour la date de début mars en fin d’hiver malgré le froid. Le coureur s’est entraîné et préparé pendant 6 mois. Au menu 15 à 20 heures d’entraînement par semaine avec natation pour la récupération, course sur sentier pour la résistance générale et longues randonnées froides sur le vélo pour avoir un avant-goût de ce qui l’attendait.

Un record d’ultra-dénivelé à vélo complètement fou

Nima Javaheri au centre de l'image.Nima Javaheri au centre de l’image. | © Blood Cancer UK

Le mardi 1 er mars à minuit, Nima Javaheri a pris le départ au pied du Col de la Croisette pour la première ascension de 14 Km avec 9% de dénivelé moyen. Chaque ascension lui faisant gravir 679 mètre de dénivelé. Le banquier a expliqué : « J’ai roulé les 27 premières heures sans dormir » avant de poursuivre : « À deux heures du jeudi matin, j’ai pris une douche et fait une sieste de 90 minutes dans le camping-car, puis je me suis levé, j’ai mangé et je suis remonté sur le vélo ».

L’amateur explique que l’une des plus grosses difficultés rencontrées pendant le record était la température qui descendait jusqu’à -6 degrés la nuit. Il confie : « Les parties les plus difficiles étaient les périodes où mon corps ne pouvait pas réguler ma température. Vous pensez que vous avez trop chaud mais dès que vous vous déshabillez, vous avez immédiatement trop froid ». Le cycliste devait porter une épaisse veste de ski lors des descentes : « Les 60 premières secondes de chaque descente étaient brutalement froides ».

Au troisième jour, le manque de sommeil conjugué à l’effort ont commencé à poser des problèmes à l’athlète : « Je travaillais sur une marge très, très mince. Chaque fois que j’arrivais au sommet, je m’asseyais, je fermais les yeux pendant cinq minutes et j’enfilais des vêtements chauds ». La fatigue a généré des hallucinations lors du troisième jour : « Je voyais un bâton sur le sol et je pensais que c’était un serpent ou je confondais le tronc d’un arbre avec une personne. Il faut juste l’ignorer et continuer à pédaler ».

Un mental d’acier pour aller au bout de l’effort

Nima Javaheri fier de son exploit.Nima Javaheri fier de son exploit. | © Blood Cancer UK

Nima Javaheri a expliqué à nos confrères comment il avait géré la quatrième journée extrêmement difficile : « La façon dont je le gère est de décomposer l’objectif. Mes jalons étaient le premier Everest, puis 10.000 m, puis le double Everest, puis j’en étais à la moitié. Il y avait toujours quelque chose de nouveau sur lequel se concentrer ». Le cycliste amateur a aussi pu compter sur le soutien de sa femme tout au long de cette aventure ainsi qu’une équipe de soutien de 10 personnes ainsi que des coureurs locaux qui ont roulé à ses côtés. Des spectateurs l’ont aussi encouragé depuis le bord de la route.

C’est le dimanche matin, alors que le soleil se levait sur le Mont Blanc, que le passionné d’endurance a atteint son premier objectif de 4 ascension de l’Everest avec 35.392 mètres de dénivelé avalé. Cependant, Nima Javaheri voulait poursuivre son plan et continuer jusqu’à 18h. Le bruit d’un record mondial en passe d’être battu, la foule a commencé à affluer en ce dimanche après-midi : « Il y avait littéralement des centaines de personnes sur la montée lorsque j’ai atteint la fin ». Après 4 jours et demi à vélo et 830 Km parcouru, le record officiel de 38.700 mètres de dénivelé en poche, le coureur a alors posé pied à terre.

Des jambes qui pouvaient encore mais…

Le record battu, Nima Javaheri a alors décidé d’arrêter selon le plan fixé. Il explique cependant qu’il aurait pu continuer : « Les jambes étaient en état de continuer. Je n’étais pas fatigué, car il y avait trop d’adrénaline. Si le plan avait été de continuer jusqu’à lundi, je pense que j’aurais pu atteindre les 50 000 mètres ». Le cycliste amateur a toutefois confié que « la douleur de la selle » était devenue le facteur le plus difficile à gérer.

Le spécialiste de l’ultra-endurance ne compte cependant pas en rester là et a déjà d’autres projets en tête : « Je veux parcourir 4.000 Km en sept jours. Le record actuel est de 3.700 Km », a-t-il ainsi confié à nos confrères avant de poursuivre : « Après cela, je veux pousser la barre de l’Everest encore plus haut ». Nul doute que nous entendrons encore parler de Nima Javaheri dans les prochains mois et années tant sa soif de records extrêmes semble insatiable.

Une alimentation et une préparation bien pensée

Capture d'écran Youtube.Capture d’écran Youtube. | © vjachens
Pour réaliser une telle performance, l’organisme doit disposer de suffisamment de carburant et doit bénéficier d’apports réguliers. Pour préparer son organisme, le banquier a expliqué comment il s’est préparé dans un premier temps : « J’ai pris quatre kilos pendant les dix jours précédant le départ, passant de 74 à 78 kg, car je savais que j’allais avoir besoin des réserves ».

Pendant les 4 jours et demi d’effort, le cycliste a adopté une alimentation bien pensée : « À chaque tour, je buvais un bidon de boisson glucidique et mangeais au moins la moitié d’un repas. Mes aliments de prédilection étaient le porridge au miel, le riz, le quinoa, la patate douce ; et après le deuxième jour, j’avais envie de plus de graisses et de protéines : avocat, bacon, saumon et poulet ». Pour compléter cette alimentation, le spécialiste de l’endurance avalait aussi un shake protéiné toutes les deux ascensions.