Dans cette rubrique des 101 personnes qui font le cyclisme français, le légendaire Julien Absalon a déjà eu droit à son portrait. Si la retraite du vosgien a retiré une belle chance de médailles et de succès à la France, celle-ci peut toutefois compter sur une nouvelle génération dorée de vététistes talentueux, véritable armada trustant régulièrement les top 10 des classements. Parmi eux, Titouan Carod et Jordan Sarrou ont déjà figuré dans ces pages, Victor Koretzky et Stéphane Tempier connaîtront leur tour prochainement, mais l’article du jour concerne l’aîné d’entre eux, leur grand frère en équipe de France, Maxime Marotte. Voici donc son portrait.
 

Son parcours :

A une autre époque, dans un autre temps, Maxime Marotte aurait sûrement pu entrer au panthéon du VTT. Pilote précoce et particulièrement doué, il s’est rapidement révélé comme l’un des meilleurs mondiaux, capable de se hisser dans le top 5 du classement général final de la Coupe du Monde à seulement 24 ans. Mais Maxime Marotte est également un homme malchanceux, rencontrant sur sa route des étoiles du cross-country, des champions imbattables, s’accaparant les victoires d’une manière tout à fait tyrannique. Commençant sous l’ère Julien Absalon, l’alsacien a rapidement vu l’incroyable Nino Shürter s’affirmer en accédant aux cimes du VTT mondial, et enfin le néerlandais Mathieu Van der Poel accéder à son tour au cercle très fermé des triples vainqueurs de manches dans une même saison de coupe du monde.

Toute sa carrière, Maxime Marotte a donc lutté parmi « les autres » pour en devenir le meilleur, derrière les envolées ahurissantes des monstres de son sport, dans un peloton au niveau relevé et au rythme relevé. D’ailleurs, dès 2010, l’alsacien s’affirme dans cette compétition pour les accessits. Longtemps gêné par une luxation de l’épaule en 2009, il effectue alors sa saison de pleine forme dans le prestigieux monde des élites. Surprenant par ses performances, il parvient à se classer deuxième des championnats de France, laissant la médaille d’or à l’intouchable Julien Absalon. De plus, cette année est également révélatrice de ses qualités au plus haut niveau. Coureur particulièrement endurant, il dévoile de beaux atouts en termes d’endurance, en remportant notamment l’épreuve nationale de VTT Marathon. Toutefois peu explosif, il est mis en difficulté par le punch de concurrents comme Alexis Vuillermoz. Ce manque à gagner le contraindra durant toute sa carrière, malgré des progrès notables effectués dans ce domaine.

L’année 2011 est celle de la maturité parmi les élites, de l’affirmation au milieu des cadors. Auteur de son premier podium en Coupe du Monde à Offenbourg et finalement 5e au classement général final, barré des toutes premières places par les extraordinaires Kulhavy, Absalon et Shürter. C’est donc en profitant de la force collective de l’équipe de France que Maxime Marotte goûte à la saveur de l’or. Champion d’Europe du relais mixte en compagnie de Fabien Canal, Julie Bresset et Victor Koretzky, il endosse à merveille le rôle de pilote élite pour asseoir la victoire tricolore devant les armadas suisse et italienne.

La saison 2012 est quand à elle sous le signe de la déception. Orientant toute sa préparation sur les olympiques de Londres, faisant de l’épreuve mythique son principal objectif de l’année, Maxime Marotte tombe de haut lors de l’annonce de sa non-sélection, le DTN lui préférant logiquement Julien Absalon, mais aussi Stéphane Tempier et Jean-Christophe Péraud. Fustigeant le manque de respect des critères de sélection, clamant sa frustration de voire une olympiade se terminer d’une telle manière, répétant à qui-veut-entendre son mérite quant à une place parmi les trois hommes représentant la France, l’alsacien passe quelque peu à côté de sa saison, hors du top 10 en Coupe du Monde, prenant pour seul lot de consolation une victoire en Coupe de France.

2013 est alors placé sous le signe du renouveau pour Maxime Marotte, avec l’envie de poursuivre sa progression. S’il manque de régularité tout au long de la saison, il s’affiche cependant très en jambes dès le mois de mai, où il décroche une quatrième place en Coupe du Monde à Albstadt, avant de renouveler l’expérience deux mois plus tard en Andorre. Planant sur la Coupe de France avec 3 victoires en 4 manches, il conclut la saison en beauté avec une quatrième place lors des mondiaux, une nouvelle fois privé de la victoire par Nino Shürter, mais aussi barré du podium par l’allemand Manuel Fumic et l’espagnol José Antonio Hermida.Maxime Marotte en 2013Maxime Marotte en 2013 | © Vélo 101

Malheureusement, 2014 va à nouveau être symptomatique de la carrière de Maxime Marotte. Peinant à s’affirmer parmi les meilleurs, galérant avec une forme capricieuse, le mulhousien ne parvient pas à mener une saison à la hauteur de ses espérances. En dépit d’une seconde médaille d’or aux relais mixte des championnats du monde, l’alsacien stagne dans son niveau, et voit progressivement de nouvelles générations émerger et le submerger. Ses larmes de soulagement lors de sa victoire à l’épreuve marathon du Roc d’Azur symbolisent d’ailleurs une véritable libération après tant de complications, résonnant comme la preuve de jambes encore bien fonctionnelles.

Débarrassé de ses études en 2015, l’alsacien n’est toutefois pas débarrassé de tous tracas par le décès prématuré de sa mère en début de saison, accompagné d’une blessure en début de trêve hivernale. S’échinant encore à améliorer sa régularité, Maxime Marotte profite d’une forme flamboyante durant l’été pour se hisser à nouveau parmi les cadors, réussissant alors une belle fin de saison, gratifiée notamment d’un podium en Coupe du Monde. Frustré par un mauvais départ lors des mondiaux et enfermé dans la masse lors des premiers tours, il décroche cependant une belle 6e place, symbole de ce bel état physique. A nouveau 2e des championnats de France derrière l’éternel Julien Absalon et désormais double vainqueur de l’épreuve marathon, le pilote tricolore reste maître « des autres » dans ses terres, attendant patiemment que son compatriote vosgien tire sa révérence.

Cette belle saison offre d’ailleurs à 2016 la possibilité d’effacer la frustration de 2012. Cette fois bien sélectionné pour les Jeux Olympiques de Rio, après avoir terminé second du test-event l’année précédente, Maxime Marotte réalise un début de saison exceptionnel. Deuxième de la manche de Coupe du Monde de Cairns derrière Nino Shürter mais devant Julien Absalon, il enchaîne avec une troisième place à Albstadt derrière les deux légendes vivantes, avant d’offrir au public de la Bresse un triplé français en s’intercalant entre Absalon et Koretzky sur le podium. Auteur par la suite d’un quatrième podium consécutif à Lenzerheide, il se présente au Brésil avec un moral gonflé à bloc, et une confiance pleinement ravivée. Profitant de ce formidable élan physique et mental, il réalise une prestation de haut-niveau sur cette épreuve qu’il attend depuis quatre ans, rapidement distancé par Shurter et Kuhlavy, mais au contact de ses concurrents pour la troisième place. Si la performance est impressionnante, le résultat laisse toutefois place à l’amertume. Devancé d’à peine dix secondes par l’espagnol Carlos Coloma, champion d’Hispanie en titre, l’alsacien rentre en France bredouille.

Il n’en reste pas moins qu’à cette saison de très haute volée succède à nouveau une année 2017 au sommet. Transfuge durant l’hiver du familial Team BH à l’international Team Cannondale, le mulhousien profite en effet de la décompression post-JO pour changer d’environnement, après huit ans de bons et loyaux services au sein de l’écurie française. Loin de le déstabiliser, ce choix enrichit son expérience, et lui offre d’ailleurs une première saison de régularité avec une troisième place au classement général de la Coupe du Monde, sans jamais être monté sur le podium. Profitant du déclin de Julien Absalon, Maxime Marotte s’empare aussi immédiatement du maillot tricolore, pour la première fois de sa carrière, « la grosse satisfaction de l’année » selon l’intéressé.

Athlète se considérant « à maturité tardive », Maxime Marotte n’en finit plus de progresser depuis qu’il a atteint la trentaine. Auteur d’une saison époustouflante et récompensé par trois podiums en sept manches de Coupe du Monde, le champion de France s’adjuge la troisième place du classement général final, une nouvelle fois privé de mieux par l’intangible Nino Shurter et l’émergence du phénomène Mathieu Van der Poel. Cependant privé d’une prolongation de son bail avec le maillot bleu-blanc-rouge aux championnats de France par Titouan Carod, et affecté par une erreur de programme d’entraînement en juin, l’alsacien ne peut s’avouer pleinement satisfait de sa saison, terminée épuisé au Roc d’Azur.

Pourtant, 2019 s’avère être une année de rétrogradation au classement de la Coupe du Monde et en termes de résultats, dépassé par une nouvelle génération dorée, emmenée par l’infernal Mathieu Van der Poel, le surprenant Henrique Avancini ou encore le prometteur Jordan Sarrou. Sauvant sa saison avec un podium à Snowshoe, lors de l’ultime manche, le mulhousien doit cependant se remobiliser dans l’optique d’une éventuelle sélection aux Jeux Olympiques de Tokyo. 

Son statut aujourd’hui :

En effet, ces premiers mois de l’année 2020 constituent le véritable sprint final vers les JO pour tous les vététistes élites, et en particulier les pilotes français, en concurrence pour les trois tickets pour le Japon. 7e du classement général de la Coupe du Monde et deuxième français l’année dernière, Maxime Marotte possède de bonnes chances de s’envoler une deuxième fois vers l’épreuve reine du VTT, mais n’en possède toutefois pas la certitude. Avec cinq français dans le top 10 de la Coupe du Monde en 2019, la lutte s’annonce rude, et les frustrations ne manqueront pas d’entamer le moral de deux hommes tout aussi méritant que leurs compatriotes. Avec Jordan Sarrou, Maxime Marotte, Titouan Carod, Victor Koretzky et Stéphane Tempier, la France jouit d’une formidable génération de coureurs, certes privés de succès par les intouchables Shurter et Van der Poel, mais régulièrement placés et fréquemment sur les podiums. Si deux d’entre eux ne verront pas l’été japonais, les trois autres auront pleinement leur chance de médaille. A commencer par l’alsacien, si la forme est au rendez-vous.

Par Jean-Guillaume Langrognet