En ce mois de décembre et pour clore cette année 2017, il est temps de se pencher sur l’un des maillots que vous préférez, puisqu’il semblerait qu’il squatte la seconde place du top des ventes de maillots vintages chez les Cycles Marcarini : la tunique jaune et noire Renault-Gitane. Cela sera sûrement l’occasion pour vous de raviver quelques souvenirs, puisque dans la catégorie des équipes françaises qui ont marqué l’Histoire du vélo, Renault n’est pas en reste…

Renault et le cyclisme, cela n’avait rien d’évident. Aux débuts de l’entreprise, Louis Renault était un passionné de mécanique et déclinait le moteur à explosion dans tous les domaines où il était possible de le faire : automobile, machines agricoles, groupes électrogènes, moteurs pour bateaux… Sans doute devait-il considérer le vélo comme un moyen de locomotion appartenant au passé et sans avenir. Il a donc fallu attendre 1974 pour que Renault, alors Régie Nationale, investisse dans le vélo en achetant 30% des cycles Gitane. A l’époque, cet achat a peut-être plusieurs visées. D’abord, Renault se diversifie dans ses activités, mais cet acte a sans doute également quelque chose de politique puisqu’il permet de soutenir une entreprise française qui monte en puissance — les cycles Gitane produisent en effet 350 000 vélos en 1974 contre 67 000 en 1968. La machine est alors lancée : deux ans plus tard, Renault prend le contrôle des cycles Gitane, et avec, de l’équipe cycliste Gitane-Campagnolo. Il s’agit d’une équipe de haut de tableau — avec laquelle Lucien Van Impe remporte d’ailleurs le Tour de France en 1976 — ce qui explique que Renault décide d’y apposer son nom dès la fin du contrat de sponsoring conclu avec Campagnolo : l’équipe Renault-Gitane naît donc en 1978.

S’imposer sur l’asphalte avec le nom Renault, l’opération n’est pas anodine. Cela permet d’abord de faire le lien entre les deux entités que sont Renault et Gitane, faisant ainsi bénéficier la seconde de l’image de la première. Mais stratégiquement, cela permet surtout de venir marcher sur les plates-bandes de Peugeot, présent dans le cyclisme depuis les débuts du haut niveau et reconnu comme l’équipe cycliste la plus titrée. Renault débarque ainsi avec des ambitions affichées, et peut s’appuyer sur une base solide grâce au directeur sportif Cyrille Guimard et certains coureurs comme Bernard Hinault. C’est donc pour se démarquer du célèbre maillot à damier de Peugeot — dont nous avons d’ailleurs déjà dévoilé tous les secrets dans un article en octobre — que Renault lance un maillot qui reprend les couleurs de la marque (noir, jaune et blanc) ainsi que les motifs du logo Vasarely créé dans les années 1970. Naît alors le maillot qui deviendra par la suite mythique et sera comparé à l’abdomen des abeilles. Lorsque l’équipe imposera son règne sans pitié sur le peloton, on parlera même volontiers de « guêpe ». Parmi les changements qui interviennent, on peut aussi noter que les véhicules de l’équipe cycliste Renault deviennent des véhicules du constructeur de Billancourt : les R20 et R30 sont préférées, mais on trouvera également quelques R14. Pour la petite histoire, comme Peugeot sponsorise alors le Tour, chaque équipe doit avoir une Peugeot 505, règle à laquelle ne déroge pas Renault même si lui sera accordé le droit à une peinture moins voyante.

Pour ce qui est du palmarès de l’équipe, Renault reste aujourd’hui essentiellement dans les mémoires grâce au « Blaireau », j’ai nommé Bernard Hinault, qui a façonné son propre mythe en remportant la plupart de ses grands succès sous ce maillot. Dès sa première saison, Renault aligne 10 cyclistes au départ du Tour de France et l’emporte grâce à Bernard Hinault. D’ailleurs, en cette même année 1978, ce dernier s’impose également sur la Vuelta, le Grand prix des Nations et le Championnat de France sur route. En tout, ce seront quatre éditions du Tour remportées par le Blaireau sous les couleurs de Renault (1978, 1979, 1981 et 1982) et deux supplémentaires remportés par Laurent Fignon (1983 et 1984) sous cette même tunique. Au compteur également deux éditions du Giro et deux éditions de la Vuelta, toutes remportées par Bernard Hinault pour Renault. Mais si c’est bien principalement le nom de ce dernier qui est associé à la renommée de cette équipe, n’oublions pas Greg LeMond, Charly Mottet, les frères Madiot et Jean-René Bernaudeau, pour n’évoquer que quelques coureurs qui ont contribué à la gloire de ce maillot de « guêpe ».

C’est après l’arrivée d’un nouveau sponsor, Elf, en 1981, que la politique de l’équipe fait la part belle aux jeunes espoirs français et ne satisfait pas tout le monde. Ainsi, à la fin de la saison 1983, Bernard Hinault quitte Renault après avoir posé un ultimatum : prendre la direction de l’équipe ou bien partir. Le divorce est acté, et le départ du leader impose une restructuration de l’équipe ; c’est alors Laurent Fignon qui devient nouveau leader pour la saison 1984. Mais tout cela annonce finalement la fin d’une époque puisqu’en 1985, la Régie Renault croule sous les dettes et l’avenir de l’entreprise est en suspens. Renault décide alors de se recentrer sur son activité principale, et le cyclisme n’étant pas son coeur de métier, la firme cherche à se séparer des cycles Gitane et de l’équipe cycliste. De plus, malgré la victoire de Marc Madiot sur Paris-Roubaix, la saison 1985 n’est pas aussi faste que les précédentes, en partie à cause de la blessure de Laurent Fignon. Les parts dans les cycles Gitane sont donc finalement cédées, mais l’équipe sportive ne trouve pas de repreneur et elle est dissoute à la fin de la saison. Sur les ruines de cette équipe sera reconstituée l’équipe Système U-Gitane, sous l’initiative de Cyrille Guimard associé à Laurent Fignon, mais le beau maillot noir, jaune et blanc disparaît définitivement du peloton.