Peux-tu te présenter ? 

Je m’appelle Alexandre Chenivesse, j’ai bientôt 43 ans. Je suis né à Ajaccio et j’habite actuellement à Lille.

Raconte-nous ta carrière sportive et professionnelle ?

Ma carrière sportive a été assez courte. Je me suis mis au vélo quand j’étais adolescent suite à des problèmes d’allergie. Cela m’a permis de regagner de la capacité respiratoire. J’ai arrêté le vélo quand j’étais en BTS Audiovisuel car ce n’était pas compatible. J’ai travaillé dans le milieu de la TV (Canal+Sport…) mais depuis treize ans je suis chez Decathlon. 

Portrait d'Alexandre ChenivessePortrait d’Alexandre Chenivesse | © GusSev

Comment es-tu entré dans le monde du vélo ? 

J’ai pris ma première licence au club de l’UC Aubenas en Ardèche. Il y avait pas mal de pratiquants dans le coin, le club est à côté de chez moi. Je regardais aussi beaucoup les courses de vélos à la TV. 

Es-tu le précurseur du team Van Rysel-AG2R La Mondiale U19 ? 

J’ai en effet créé ce projet quand j’ai débuté chez Decathlon à St Egreve, en Isère. Le tout premier coureur a été Geoffrey Bouchard. Ce dernier était venu me voir en magasin pour acheter un vélo alors qu’il était cadet. Il revenait souvent pour des problèmes mécaniques. On lui a proposé de se former, d’apprendre la mécanique… Ensuite il est venu avec d’autres coureurs et c’est de cette façon que s’est lancé le projet. Ensuite, David Giraud, un de mes voisins alors étudiant STAPS et coureur du CCF (Chambéry Cyclisme Formation), a commencé à l’entrainer.

Peux-tu nous expliquer son fonctionnement ? Quel rôle y as-tu ?

Nous sommes un projet associatif, l’association +2SPORTS, affiliée à la Fédération Française de Cyclisme, dont notre siège est à Voiron en Isère.

Le projet consiste à proposer un accompagnement aux juniors, en complément du club d’origine du coureur. Cet accompagnement est basé sur :

  • une aide matérielle (prêt d’un vélo de route, d’un vélo de CLM, vélos de CX, roues, capteur de puissance…)
  • un coaching par des entraineurs professionnels pour les coureurs n’ayant pas d’entraineur
  • des stages de préparation, de formation…
  • des compétitions UCI à l’étranger majoritairement
  • un accompagnement au quotidien pour que le coureur réalise son double projet
  • des formations dans tous les domaines, y compris mécanique (le coureur monte lui-même son vélo de route lors d’un stage)

Ce qui est important pour nous :

  • le coureur reste licencié durant les 2 ans dans son club d’origine tout en étant dans notre structure 
  • le coureur est scolarisé et s’engage à réussir sa scolarité (#doubleprojet)
  • le coureur est libre de continuer après les juniors dans le club de son choix

Pour ma part, je suis le président de +2SPORTS et mon rôle est de manager le staff et l’équipe, avec en particulier des missions sur l’administratif, finance, communication, logistique…

Séance montage pour certains et lavage pour d'autresSéance montage pour certains et lavage pour d’autres | © GusSev

Qui compose cette équipe (coureurs, staff) ?

Deux salariés : David Giraud, manager sportif et Alexandre Pacot, coach. Le reste du staff est composé par des bénévoles.

Dans les membres du conseil d’administration, on retrouve Geoffrey Bouchard, Nans Peters, Maël Guégan, Loic Jamet, Pierre Moncorgé, Thibaut Boulanger : tous des anciens juniors de la structure.

Cette saison, 17 coureurs composent l’effectif :

  • Florian Carpentier (J2 – Olympique Hesdin Marconne – Hauts de France) – Florian fait sa 2e année chez nous. Blessé en fin de J1, on l’attendait sur des épreuves flandriennes cette saison.
  • Joris Chaussinand (J2 – VC Corbas – Auvergne Rhone-Alpes) – Grimpeur, Joris qui fait sa première année universitaire est bourré de talents. Nous l’attendons en montagne.
  • Timothé Gabriel (J2 – UVC Charleville Mézière – Grand Est) – Recruté pour cette saison, Timothé est un coureur qui endosse facilement le rôle de capitaine de route, ayant une bonne lecture de la course. Crossman aussi.
  • Pierre Gautherat ( J1 – VC Dolois – Bourgogne Franche-Comté) – Crossman, Pierre pourra s’exprimer sur des épreuves roulantes et venir se mêler au sprint.
  • Romain Grégoire (J1 – AC Bisontine – Bourgogne Franche-Comté) – Crossman brillant aussi, Romain qui est en terminale cette année, est un sérieux candidat en montagne. Dommage que la Classique des Alpes soit annulée.
  • Léo Kraemer (J1 – UC Haguenau – Grand Est) – Léo est un coureur qui s’est exprimé en cadet 2 dans sa région et aux championnats de France où il est monté sur le podium.
  • Jordan Labrosse (J2 – Cours la Ville Cyclisme – Auvergne Rhône-Alpes) – Pour sa 2e année, Jordan qui a débuté le vélo qu’il y a 4 ans, est un coureur très intéressant humainement. Il est un équipier solide en montagne.
  • Rémi Lelandais (J2 – VC Annemasse – Auvergne Rhône-Alpes) – crossman avant tout, Rémi se découvre des qualités de sprinteur à la Venturini sur route. Les Flandriennes et Paris Roubaix étaient ses objectifs de début de saison.
  • Flavio Mauricio (J1 – Parisis AC 95 – Ile de France) – Rouleur/Sprinteur, Flavio a la particularité de suivre des études dans le domaine de la restauration.
  • Oscar Onley (J2 – Spokes Cycling Team – British Cycling) – découvert sur les routes du Valromey, Oscar est un des meilleurs grimpeurs du Royaume Uni. Il vit en Ecosse.
  • Enzo Paleni (J2 – Beauvais Team Cycliste – Hauts de France) – Enzo est un coureur complet. Il apprend vite et progresse.
  • Benjamin Peatfield (J1 – The Green Jersey CC – British Cycling) – Notre 2e anglais, Benjamin vit à Manchester. Il est un très bon sprinteur.
  • Florian Richard Andrade (J2 – US Metro Transports – Ile de France) – Florian sait se motiver et atteindre ses objectifs. On l’attendait beaucoup sur les Flandriennes.
  • Yanis Seguin (J1 – VC Saintais – Nouvelle Aquitaine) – Rouleur/Sprinteur, Yanis est en plein apprentissage pour sa première saison junior. Il devrait se montrer à son avantage en Belgique, lui qui vient du motocross.
  • Thomas Tachot (J1 – Seyssinet Seyssins Cyclisme – Auvergne Rhône-Alpes) – Thomas habite du côté du plateau de La Mure. Grimpeur/Puncheur, il cherche à mieux se connaitre sur cette première saison junior.
  • Bastien Tronchon (J2 – La Motte Servolex Cyclisme – Auvergne Rhône-Alpes) – 18 ans tout juste, Bastien a de belles qualités en CLM. Coureur complet, il est costaud sur les épreuves de plusieurs jours.
  • Baptiste Vadic (J2 – Creuse Oxygène Guéret – Nouvelle Aquitaine) – Le creusois vacciné au cyclocross, Baptiste s’avère être redoutable au sprint.
Alexandre Chenivesse au centre du team Van Rysel-AG2R La MondialeAlexandre Chenivesse au centre du team Van Rysel-AG2R La Mondiale | © GusSev

Anciennement rapporté à la FDJ, pourquoi être parti avec AG2R La Mondiale ?  

Nous avons été accompagnés pendant 3 ans par l’équipe professionnelle FDJ de Marc Madiot. Lorsque notre partenaire commun, la marque Btwin textile, a décidé de se désengager du partenariat avec la FDJ, cette dernière a décidé de mettre fin à notre partenariat, car leur nouveau partenaire textile était concurrent de Btwin.

Nous avons pu en quelques semaines rebondir rapidement avec AG2R La Mondiale. Vincent Lavenu suivait depuis longtemps notre projet, qui s’inscrivait dans son approche de la formation et la détection des jeunes talents, avec le CCF. C’est donc depuis 4 ans que nous sommes accompagnés par l’équipe professionnelle AG2R La Mondiale dans le cadre de la filière de formation AG2R La Mondiale. Nos staffs respectifs échangent, travaillent ensemble autour de la formation des coureurs. Par exemple, nous avons la même plateforme d’entrainement, les coachs de l’équipe pro viennent sur nos stages pour observer notre travail, échanger et partager avec les coureurs. C’est très enrichissant pour tout le monde.

Comment vos choix de recrutement s’effectuent-t-ils ?  

Pour 2020, nous avons eu 250 dossiers de candidatures, dont 35 coureurs étrangers. C’est la mission de David Giraud de lire tous les dossiers, de faire des pré sélections, des entretiens individuels pour aboutir à une short liste d’une dizaine de candidats. Nos choix sont simples : le coureur candidat doit avoir un projet de formation scolaire, quel que soit le diplôme. Ensuite, on regarde le potentiel sportif à travers les performances sportives etc. Au fil du temps, on a pas mal de contacts, de « recommandations » pour nous aider dans tout cela. Le recrutement 2021 va bientôt débuter cela sera très compliqué en l’absence de compétitions. Mais c’est pour tout le monde pareil. 

On a remarqué que pour cette saison vous aviez recruté des étrangers. Pourquoi cela ? En avez-vous été critiqué ?  

Le cyclisme se mondialise. Nous courrons à l’étranger : en Belgique, Pays Bas, Autriche, Suisse, Italie, Espagne et l’anglais est la langue la plus parlée. Les équipes juniors étrangères s’internationalisent elles aussi. L’idée est de permettre à nos « français » de se mettre à parler anglais. D’où l’ouverture du recrutement à des coureurs étrangers limitrophes. Nous accueillons cette saison deux anglais parmi les meilleurs de leur pays. On parle anglais en stage et nos juniors français font l’effort de parler également. D’autre part, c’est aussi la découverte de nouvelles cultures, d’une nouvelle façon de s’entrainer. Dans le futur, nous souhaitons avoir 1/3 de l’effectif de coureurs étrangers venant de plusieurs pays différents.

On est souvent décrié car notre projet est atypique et ne rentre pas dans les « cases » de la fédération. Aujourd’hui, notre structure fait partie d’une filière de formation de l’équipe pro AG2R La Mondiale, avec les juniors, puis les U23 avec le CCF qui accueille depuis longtemps des étrangers. Ce que nous faisons est cohérent. Bien sûr, mathématiquement, cela fait moins de places pour les coureurs français. C’est un choix que nous assumons pleinement.  

LEs 17 coureurs du team en stage à CambrilsLes 17 coureurs du team en stage à Cambrils | © GusSev

Comment gérez-vous la situation du confinement avec vos 17 athlètes ?  

Comme tout le monde, la situation est compliquée. Le moral des troupes est bon ! Je salue la grande réactivité du staff qui a su mettre en place très rapidement des activités pour les jeunes. D’abord, nous avons un contact régulier au téléphone avec tous les coureurs chaque semaine. C’est du soutien moral plus qu’autre chose. 

Ensuite, on a mis en place des visio-conférences quasiment tous les jours, même le dimanche. Au programme, des interventions sur l’entrainement, des témoignages de coureurs professionnels comme Nans Peters la semaine dernière. Cette semaine, c’est Valentin Madouas (Groupama FDJ) et la semaine prochaine Benoit Cosnefroy. On fait intervenir aussi des membres du staff d’AG2R La Mondiale. Par exemple, Thomas Damuseau, responsable opérationnel et ancien coureur pro. On va avoir ce mercredi Julien Jurdie, directeur sportif. Ce sont des moments géniaux. Durant une heure, les coureurs se retrouvent tous derrière leur écran et échangent avec des intervenants du cyclisme.

D’autre part, on propose des formations à distance : gestion du temps, la communication sur les réseaux sociaux, de la mécanique avec notre mécano Jacques Raugel (et père de Antoine Raugel) ou encore plus atypique, des recettes de cuisine. L’idée est de garder les liens, de sortir du confinement artificiellement.

Enfin, les coachs proposent des séances de sport collectives en visio : gainage, renforcement musculaire, séance de HT. Les séances de HT et de renforcement musculaire sont mises à disposition du plus grand nombre sur notre site web. Avec le soutien de Van Rysel, les coureurs ont un abonnement sur Zwift. On veille à ce que les coureurs ne fassent pas trop de courses sur Zwift. Le confinement va durer longtemps, et la reprise des courses ne se fera pas immédiatement. Il faut savoir se ménager, et ménager « la machine ».

Y a-t-il un projet d’évolution avec cette équipe ? 

Des projets, nous en avons. Maintenant, le contexte vient à remettre tout à plat. Quel sera le paysage du cyclisme à la sortie de cette crise ? Je pense en particulier aux organisateurs d’épreuve, aux clubs et à leurs sponsors. Personne ne sait comment cela va finir. Il y aura peut-être besoin de reconstruire différemment les choses. Nous avions comme projet de relocaliser la structure sur Voiron et y installer notre Service-Course et notre futur centre de la performance. Tout est en stand-by pour le moment. Nous nous inscrivons pleinement dans la filière AG2R La Mondiale. Cette année, nous avons un maillot différent, mais l’idée est de, comme l’a fait le CCF, avoir un maillot décliné de celui des pros en 2021. Plus que jamais nous restons engagés dans la formation et l’accompagnement des juniors, cela fait déjà 12 saisons.