Peux-tu nous rappeler les grandes lignes de ta carrière, l’année à laquelle tu es passé pro et les principaux succès de ta carrière ?

Je suis passé pro en ’97 à la création de l’équipe Cofidis. J’y suis resté toute ma carrière jusqu’en 2012, c’est à dire 16 années. Je retiendrai mes victoires sur le Tour de France, dont une le 14 juillet, comme l’a fait Warren Barguil, et puis la Vuelta en fin de carrière avec 4 victoires d’étapes et 4 maillots à pois.

J’ai anticipé cette fin de carrière. Pendant les trois ou quatre dernière années, à chaque fois je repartais pour un an et je me disais tant que je gagne je continue. C’est vrai que la dernière année,  il y a eu ma chute sur le Tour, ca a été mon seul abandon sur le Tour de France donc ca a été plus difficile, je n’ai pas eu de victoire et j’ai senti que c’était le moment d’arrêter. J’aurais préféré finir sur une victoire mais cela n’a pas été le cas. Globalement, je suis satisfait de ma carrière.

Quand on arrête et qu’on est pro, est-ce plutôt parce qu’on a peur de ne plus gagner ou plutôt parce qu’on a peur de se blesser ?

Oui c’est plutôt ça, c’est la peur de la chute de trop, mais ce n’était pas l’année de trop car j’ai continué à rouler encore après l’arrêt de ma carrière. J’avais tendance à courir derrière, c’était handicapant et c’est vrai que cette chute sur le Tour m’a quand même bien marqué.

As-tu commencé à réfléchir à une reconversion en 2012 ou seulement une fois que c’était fini ?

Non seulement quand c’était fini car dans ma tête, si j’y pensais avant, je n’étais déjà plus cycliste. J’ai essayé de profiter jusqu’au dernier moment, sur ma dernière Vuelta et sur ma dernière course. Ensuite, je me suis laissé 2 à 3 mois avant de me plonger vraiment dans une reconversion.

Au 1er janvier 2013, je n’avais aucune piste ni perspective. J’aimais toujours beaucoup le vélo mais je ne voulais pas faire directeur sportif car cela voulait dire repartir encore beaucoup, c’est vraiment quelque chose que je ne voulais pas. Je cherchais pas mal de pistes mais sans réelle idée majeure.

En ce moment, tu es avec Time. Est-ce qu’à l’époque tu avais pensé à te rapprocher des marques pour leurs apporter ta crédibilité ?

Pas vraiment non, avec Time, c’est venu bien plus tard. Cela date de l’an dernier quand le manager de Cofidis m’a proposé d’être ambassadeur de la marque. Certaines choses se sont faites vraiment naturellement, comme mon rôle de consultant pour Eurosport où j’ai eu de la chance car cette chaine retransmettait la Vuelta, qui était ma course phare, donc j’ai été à l’essai pendant l’été 2013. Ensuite, j’ai pu mettre un pied dedans et commenter pas mal de courses avec eux et je vais encore faire cette saison avec eux.

J’avais fait 10 jours avec Eurosport et à partir du moment où j’ai commenté, les coureurs français gagnaient ! (Rires).

Est-ce que cela veut dire que tu n’as jamais eu envie de passer par la case formation ou par un bilan de compétences via l’UNCP par exemple ?

J’avais commencé à chercher des pistes mais j’avais eu une bonne carrière donc je n’étais pas trop dans le besoin et je n’avais pas besoin de travailler tout de suite. On profite de la famille mais pas trop longtemps parce que pendant des années, on a été actif et on a beaucoup voyagé donc c’est un autre rythme à prendre.

A titre personnel, j’aimais beaucoup le voyage à vélo donc j’avais pensé à organiser des séjours itinérants.

On aurait pu imaginer que cet emploi de consultant puisse être difficile pour toi car tu étais quelqu’un de plutôt réservé mais finalement cela te convient très bien…

Oui tout à fait, je suis moi-même et j’apporte ce que je sais. Comme tu dis, j’étais quelqu’un de timide, les premières fois à l’antenne, ce n’est pas évident mais finalement je reprends le même style qu’étant coureur. Après 16 ans, je connais les tactiques et les différentes courses donc j’essaie d’apporter cette expérience là à la télé.

On sent une bonne ambiance chez Eurosport, une ambiance détendue dans l’équipe qui se retransmet à l’antenne…

Oui c’est une ambiance familiale, décontractée et cela se sent à l’antenne. On a plusieurs caractères différents, c’est aussi ce qui fait la diversité de l’équipe. Je suis sûrement le plus réservé mais je suis dans mon rôle. Aussi dans l’analyse, j’ai parfois une vision différente. J’aime beaucoup, je prends vraiment plaisir à commenter ces courses et quelques fois je ressens l’adrénaline que j’avais étant coureur. On se retrouve parfois à vibrer pour un coureur qui passe la ligne d’arrivée, on sent l’effort sur les visages, ce sont des sensations qu’on a déjà connu.

On dit que l’un des risques quand un ancien pro est consultant, c’est qu’il se retrouve en décalage avec la nouvelle génération vélo, est-ce l’une de tes craintes ?

Oui, tout à fait, je l’ai déjà vécu entre mes débuts en 97 et les années 2012 où ce n’était plus du tout le même vélo donc évidemment il faut se mettre à la page. Cela fait 5 ans que j’ai arrêté, je pense qu’il doit y avoir pas mal de choses qui ont évolué entre temps. Plus on est vieux, plus on peut être en décalage par rapport à la réalité.

Est-ce que cela signifie qu’avant le Tour et la Vuelta tu vas aller prendre la température sur d’autres courses ?

Oui il faut se tenir informé, regarder les actualités… mais il y a certaines choses qui ne changent pas à travers le temps comme les tactiques ou le mal de jambes !

Y a t-il des modèles de reconversion que tu aimerais citer ?

Non pas vraiment, je pense que chacun essaie de trouver sa voie, après une carrière ce n’est pas évident. Tout le monde n’a pas le même souhait, certains veulent s’occuper d’une équipe, d’autres veulent rester près de leur famille parce qu’ils en ont été très éloignés, donc non il n’y a pas de modèle. Moi, en étant consultant chez Eurosport, chez Vittel sur le Tour, j’ai toujours la passion du vélo.

Etant d’un naturel discret, te serais-tu vu être cycliste pro en 2018 avec les réseaux sociaux à gérer et une image publique toujours plus développée ?

Non je serais resté discret mais j’imagine qu’effectivement quand on a des sponsors, il faut de la visibilité. Il faut également faire attention à l’image que l’on donne, il faut savoir jongler avec tout ça, cela fait partie du jeu, notamment pour les partenaires.

Comment te vois-tu dans 10 ans ?

Ouf, alors là, très bonne question ! J’aurais déjà du mal à le dire dans un ou deux ans… Je ne sais pas mais j’espère avoir toujours la santé, pouvoir toujours rouler. J’aime bien ce rôle de consultant mais j’aime être sur le vélo également.

 

Mathilde Duriez, vélo101