Claire, on vous connaît comme l’une des voix du cyclisme sur la chaîne L’Equipe. Quel a été votre parcours pour en arriver là ?
Je suis journaliste à la chaîne L’Équipe, spécialiste du cyclisme. J’ai essentiellement travaillé autour de ce sport dans toutes les rédactions que j’ai fréquentées en tant que pigiste ou correspondante. J’ai suivi un parcours scolaire et universitaire dans l’optique d’exercer ce métier. J’ai un Bac +4 journalisme de sport et une licence de lettres, option médias et communication.

Quelles sont vos fonctions exactes ?
Je suis titulaire depuis septembre. J’y ai effectué mes premières piges en février 2012, profitant d’un pont entre L’Équipe TV et lequipe.fr où j’ai effectué un stage en 2011. Aujourd’hui, je suis employée pour la chaîne L’Équipe, en qualité de rédactrice, commentatrice et envoyée spéciale. Mais la synergie fonctionne bien dans le groupe, on peut me commander des interviews pour agrémenter les sujets du site web voire, plus rarement, des papiers. Et vice-versa.

Quelles sont les différences fondamentales entre les deux approches, journalistique d’un côté, du commentaire de l’autre ?
J’ai toujours dit que le commentaire était l’exercice le plus difficile de ce métier à mon sens. Car il nécessite un style, une réactivité, une analyse et surtout une mémoire infaillible. Mais il est loin de me déplaire ! Quant aux reportages et aux interviews, ils nécessitent réactivité et originalité, dans le choix des questions. Et une anticipation, parfois de plusieurs semaines.

Le fait que vous commentiez en plateau, sans que l’on vous voie à l’antenne, est-ce un bien ou un bémol selon vous ?
On m’aperçoit parfois à l’antenne lorsque j’interviens face caméra dans les émissions ou à la prise d’antenne des commentaires. Mais c’est vrai qu’on me voit moins que si j’intervenais en plateau. Quant à savoir si c’est un bien ou un bémol, je ne me pose pas la question, je ne le vois pas comme ça. J’aime cette complémentarité entre l’exercice du commentaire et les interviews sur le terrain. J’ai avant tout envie de parler et de montrer le cyclisme, pas de me montrer moi.

Comment fait-on sa place au milieu des dinosaures du journal L’Équipe et plus précisément à la rubrique vélo ?
Ce sont des noms que je voyais petite en lisant le journal. J’ai toujours eu tendance à sacraliser les bons styles. Mais vous avez mis le doigt sur le point le plus important en parlant de « dinosaures », je respecte leur longévité et leurs méthodes. J’apprends beaucoup de leur organisation, qui me sert aussi à la télévision. C’est ce que j’ai dit à Philippe Bouvet lorsqu’on a commenté pour la première fois ensemble, qu’il m’avait donné une leçon. Attention, pas question de les copier pour autant. Je défends mon « style ». Je n’ai pas « fait ma place », cela s’est très bien passé, dès le début. On se dit souvent que les journalismes de TV et de presse écrite sont différents mais complémentaires.

Hormis le cyclisme, vous occupez-vous d’autres sports ?
Nous sommes tous polyvalents dans la rédaction de la chaîne même si, et c’est un vrai plaisir, on nous laisse d’abord nous exprimer sur nos spécialités. Lorsqu’il n’y a pas de cyclisme, je peux commenter du bobsleigh, du freestyle, du sport-boules par exemple.

Selon vous quel est le moment de sport en 2016 ?
Difficile de répondre à cette question. Je vais plutôt vous donner deux souvenirs. Le premier, c’est le Tournoi de qualification olympique de Water Polo en Italie en avril. Il y avait une telle synergie et une telle envie de se qualifier. Les joueurs savaient que c’était là leur seule occasion en quatre ans d’offrir une vitrine à leur sport. Ils ne partaient pas favoris, ils ont tout de même réussi à décrocher leur billet en accédant aux demi-finales au terme d’un match fou. Il y avait quelque chose d’épique. En cyclisme, je vais vous décevoir par mon manque d’originalité, mais je vais revenir sur la deuxième place de Romain Bardet sur le Tour de France. Car l’euphorie est montée crescendo autour de lui. Par le climat presque serein qui régnait autour de lui. Et surtout par la réaction du public. La France attend sûrement son prochain vainqueur du Tour de France. Mais la France aime avant tout profondément le cyclisme.

Le 8 mars pour le 40ème anniversaire de la journée de la femme, on indiquait qu’à compétence égale, les femmes sont rémunérées 27% de moins que les hommes.
A titre personnel, je ne rencontre pas de difficultés en tant que femme, ni dans les médias, ni dans le cyclisme. Je me suis toujours présentée en tant que journaliste dans ce milieu, montrer que c’est pour cela que j’étais là. Cela s’est très vite bien passé. Et je ne fais pas de langue de bois. Mais je n’ai pas de recette magique pour celles qui appartiendraient à des milieux qui les respectent moins.

Quel critère, selon vous, est privilégié pour s’imposer dans ce sport à la fois traditionnel et macho ?
Les connaissances sont évidemment essentielles. Mais elles peuvent provenir de différentes racines. C’est d’ailleurs ce qui fait la richesse de ce sport, notamment dans le commentaire. On n’a pas tous envie de mettre l’accent sur les mêmes choses.

Vous êtes une femme, jeune. Comment anticipez-vous votre vie de famille qui pèsera potentiellement sur votre carrière ?
Sereinement. Surtout avec les facilités d’aujourd’hui. Je n’ai pas d’enfant et n’envisage pas d’en avoir dans les prochaines années. J’ai évolué en sachant que ma vie professionnelle serait volumineuse. Il fallait que mon compagnon, ma famille, mes amis le comprennent. Je les en remercie car c’est primordial.

Avec l’apparition des données en direct, de plus en plus d’informations seront à disposition des journalistes. Comment abordez-vous cette évolution de votre métier ?
Pour la télévision, c’est un vrai plus. Cela alimente le live, ça montre le quotidien de ces coureurs. Un peloton, c’est aussi une vie. On frotte, on mange, on se raconte des blagues, on se dispute. Les motos sur les courses et les caméras embarquées nous en montrent des extraits. J’adore quand les coureurs s’expriment auprès des motos en course par exemple. Et je suis sûre qu’on n’a pas exploré toutes les idées possibles. Je pense que ces moyens permettent de lutter contre la principale critique qu’on formule à l’encontre des retransmissions cyclistes, l’ennui. Avec les anecdotes, la multitude d’histoires qui fait la richesse de ce sport. On peut narrer, ce sport.

Plus généralement, pensez-vous que le journalisme est un métier d’avenir ?
Oui. J’ai fait un master 1 de sport multimédias qui m’a permis d’accéder aux autres médias que la presse écrite. Le journalisme reste un métier d’avenir car il sait se renouveler, car il se réinvente sans arrêt. Et surtout, même si les sources augmentent, avec Internet, avec les réseaux sociaux, avec les applications, des entités crédibles et professionnelles seront toujours nécessaires pour les rassembler, pour les diffuser et pour ouvrir le débat. Informer, c’est un métier. Vérifier, recouper ses sources, c’est un métier. Poser des questions, voire se poser des questions, c’est un métier. La rumeur est un danger. Tant que le journalisme luttera contre ça, il survivra.

Sur cette évolution du métier, pensez-vous que les femmes, relativement nouvelles dans ces métiers multi-facettes aussi, sont plus à même de réussir là où les hommes sont plus ancrés dans leurs positions ?
Je ne crois pas que ce soit une question de genre. Peut-être de génération. Mais dans l’ensemble, tout le monde comprend que le monde et l’information évoluent.

Comment voyez-vous ce métier dans 10 ans, et votre position à la même échéance ?
Je le vois continuer à évoluer, évidemment. Mais je ne crois pas en la disparition totale de la presse écrite, ni des livres papier d’ailleurs. En tout cas, je ne m’imagine pas sans. Et puis les archives, qu’offrent peut-être moins les nouveaux médias, sont importantes, primordiales. Quant à moi… J’espère être toujours là dans 10 ans. Avec davantage d’anecdotes à vous conter !