Les Championnats du Monde de Melbourne entrent aujourd’hui dans le vif du sujet avec la première des trois courses en ligne, celle de la catégorie Espoirs, dont on dit qu’elle préfigure bien souvent ce qui se passera quarante-huit heures plus tard chez les professionnels. Les meilleurs coureurs au monde de moins de 23 ans vont d’ailleurs avoir quasiment autant de tours de circuit à boucler que les pros, à ceci près que ces derniers devront parcourir en plus, dimanche matin, une portion linéaire de 82,3 kilomètres entre Melbourne et Geelong. Ce n’est donc pas le cas pour les Espoirs, qui se contenteront pour leur part de tourner sur le circuit d’arrivée, dix boucles de 15,9 kilomètres, et l’occasion enfin de savoir si ce circuit se prête si bien à un sprint massif ou si les puncheurs sauront exploiter les deux bosses situées en milieu de parcours.

A l’usage, il va nous être permis de tirer les premiers enseignements de ce circuit australien, plus sélectif qu’on ne l’a présenté mais moins décisif qu’on ne voudrait le croire ! Les deux difficultés s’enchaînent à la perfection. D’abord le Mount Pleasant (1000 mètres à 7,5 %), qu’une descente rapide et quasi rectiligne de 2500 mètres lie à la seconde difficulté, un petit mur de 400 mètres à 11 % présentant un passage à 16 %. Malheureusement, ces deux uniques difficultés capables de dynamiter un peloton sont situées à mi-circuit et il s’avère difficile, pour ceux qui parviennent à sortir du lot à la faveur de la pente, de résister aux avant-postes sur la partie retour, qui emprunte une route en bord de mer avant de bifurquer vers la ligne d’arrivée, située au bout d’un faux-plat montant. En définitive, si ce circuit nous semble effectivement trop dur pour un pur sprinteur, il convient à la perfection à un coureur rapide en comité réduit.

Les Espoirs étrennent donc le parcours des Championnats du Monde, un beau tracé du reste, tantôt urbain, tantôt forestier, tantôt maritime. Et un premier attaquant n’hésite pas à se présenter dès les premiers kilomètres. Le champion des Etats-Unis en titre Ben King attaque en effet dès le départ. Un coup de folie ? Disons plutôt une tentative de réitération de son récent coup d’éclat. Il y a deux semaines, il a gagné le titre national américain de cette manière, en s’échappant seul et de bon matin sur le circuit de Greenville. Il avait pris jusqu’à neuf minutes d’avance et jamais le peloton, pourtant composé des meilleurs professionnels du pays, n’a revu le jeune homme. Or s’il avait pu tromper la vigilance des meilleurs pros américains, il n’en fera pas de même avec les meilleurs Espoirs mondiaux, qui ne lui céderont pas plus de 6’10 ».

Les coureurs de l’équipe de France secouent la course dans les 25 derniers kilomètres.

Entre le courageux échappé solitaire qu’est Ben King et le peloton, trois coureurs s’intercalent. Il faut bien suivre la course car un autre Ben King, Australien celui-là, part à la poursuite de son homonyme, accompagné du Biélorusse Andrei Krasilnikau et du coureur de Honk Kong King-Lok Cheung. Mais le trio de chasse ne parvient pas à se rapprocher suffisamment de l’homme de tête. Il est même rejoint dans le sixième des dix tours par l’Italien Moreno Moser. Ce dernier va insister dans le tour suivant pour reprendre seul Benjamin King, auteur d’une échappée solitaire d’une bonne centaine de kilomètres. Et le peloton s’éveille aussi alors qu’on entre dans le dernier tiers de la course pour finalement reprendre tout le monde à deux tours de l’arrivée. Autant dire que les tentatives trop matinales, sur un circuit de cette envergure, auront été littéralement vouées à l’échec. Mieux valait attendre le coup de pétard de la dernière heure !

C’est justement ce qu’ont choisi de faire les coureurs de l’équipe de France. Il y a un an, Romain Sicard était allé chercher le titre mondial, et les Bleus ont cet héritage à défendre. A 25 kilomètres de l’arrivée, Tony Gallopin se découvre. Le coureur de Cofidis (les Championnats du Monde Espoirs sont aussi ouverts aux coureurs pros de moins de 23 ans sous réserve qu’ils n’appartiennent pas à un groupe ProTour) passe à l’attaque dans le Mount Pleasant, s’engage à toute vitesse dans la descente mais bute dans la difficulté suivante, où il est relayé à l’avant de la course par Jean-Lou Paiani. L’équipe de France secoue une course trop figée à son goût mais le peloton réagit et il amorce groupé le dernier tour de circuit. De nouveau, Tony Gallopin passe à l’attaque. Une fois, deux fois, et il parvient à s’isoler après la dernière bosse, à 6 kilomètres du but. Dans les longs bouts droits qui ramènent les coureurs vers la ligne d’arrivée, il tente de résister au retour d’un peloton qui a fini par se réduire à une trentaine d’unités sous les actions offensives répétées des Bleus. L’équipe de France court à la perfection, Romain Hardy suivant les contres derrière Tony Gallopin, mais le petit peloton trouve suffisamment de ressources pour rejoindre le dernier attaquant sur le front de mer, à 2 kilomètres du but.

Un sprint conclura donc l’épreuve ! Plein pot, les finisseurs déboulent en direction de la ligne blanche, et de l’emballage massif c’est un coureur australien qui dresse soudain les bras devant son peuple, sous une acclamation retentissante. A 20 ans, Michael Matthews, qui rejoindra les pros de Rabobank l’an prochain, devient champion du monde Espoirs. Le point final à une saison 2010 éblouissante qui l’a vu gagner deux étapes du Tour de Langkawi et terminer 2ème du Tour des Flandres Espoirs, 4ème du Tour du Japon ou encore 8ème du Tour de l’Avenir. A Geelong, Michael Matthews est couronné sur ses terres d’Australie. Il précède l’Allemand John Degenkolb tandis que, fait rare, l’Américain Taylor Phinney et la Canadien Guillaume Boivin coupent la ligne dans un même élan, privant d’un rien Arnaud Demare, 5ème, d’une médaille de bronze. La photo-finish ne les départagera pas. Phinney et Boivin sont déclarés troisièmes ex-aequo.

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Classement :

1. Michael Matthews (Australie) les 159 km en 4h01’23 » (39,5 km/h)
2. John Degenkolb (Allemagne) m.t.
3. Taylor Phinney (Etats-Unis) m.t.
3. Guillaume Boivin (Canada) m.t.
5. Arnaud Demare (France) m.t.
6. Sonny Colbrelli (Italie) m.t.
7. Laurens De Vreese (Belgique) m.t.
8. Sebastian Lander (Danemark) m.t.
9. Juan-José Lobato (Espagne) m.t.
10. Viacheslav Kuznetsov (Russie) m.t.