A 24 ans, Corentin Thibaud (à droite sur la photo) est entraineur référent sportif de haut niveau au Centre Régional d’Entrainement et de Formation Cyclisme (CREF) de la Roche Sur Yon. A travers cet interview, il nous donne quelques clés de compréhension sur la formation des futurs champions. Thomas Voeckler à l’époque mais aussi Mathieu Burgaudeau (Vendée U-Pays de Loire), qui a récemment fait parler de lui sur ce début de saison réussi.

Corentin, peux-tu te présenter en quelques mots aux lecteurs de Vélo 101 ?

J’ai débuté le cyclisme il y a maintenant 10 ans dans le club de ma commune, le Vélo Club Agesinate. J’ai pratiqué 2 ans en première catégorie dans l’équipe du Pays Olonne Cycliste Côte de Lumière avant d’arrêter pour me consacrer pleinement à ma formation. Actuellement, je pratique le cyclisme route, vtt, le trail et l’escalade car je suis aussi passionné de ces sports. Je suis actuellement entraineur du Centre d’Entrainement de La Roche sur Yon, où j’ai 9 athlètes en charge. Je suis aussi entraineur du Pole Espoir des Pays de Loire, où je m’occupe du suivi d’entrainement des membres et d’organiser des regroupements. Enfin, j’ai aussi créé ma micro-entreprise où j’entraine 5 sportifs de niveau professionnel à juniors et je travaille aussi comme vendeur au Decathlon de la Roche Sur Yon. Un emploi du temps bien chargé !

Tu es donc principalement entraineur. De quelle formation viens-tu exactement ?

J’ai débuté par un Bac Pro Froid et Climatisation, dans le bâtiment. C’était la formation qui m’attirait le plus avec la section sport-études dans laquelle j’étais (section où il est actuellement salarié, NDLR). Par la suite, j’ai passé les diplômes fédéraux actuels pour pouvoir passer le DEJEPS Cyclisme traditionnel au CREPS de Poitiers en 2014 et 2015.

Qu’est-ce qui t’as donné envie de t’investir au sein du cyclisme ?

Depuis mes années cadets, j’ai toujours été intéressé par l’optimisation de la performance, je me souviens encore que je voulais absolument savoir pourquoi je devais faire tel ou tel exercice. Pourtant, être entraineur à cette époque était pour moi être bénévole au sein d’un club et les quelques postes étaient inaccessibles. En junior 1, avec mon entrée au Pôle Espoir de La Roche sur Yon, j’investissais dans mon premier capteur de puissance et passais le reste de mon temps à lire des ouvrages ainsi que des forums sur l’entrainement sportif.

Le déclic pour en faire mon métier m’est venu grâce à une rencontre, celle de Fabien Aoustin, l’entraineur actuel de l’équipe Vital Concept Cycling Club. Il est devenu mon entraineur à la fin de mes années juniors. Le courant est tout de suite super bien passé, il avait cette fibre du partage. A cette époque, il était coordinateur du DEJEPS et salarié d’une association (ACE) qui avait pour objectif de former les entraineurs. Pour cela, il fallait bien que cette association ait quelques coureurs dans ses membres, alors je l’ai intégré. Nous faisions régulièrement des stages d’évaluation, de Préparation Physique Générale, etc. Après un an passé à ses côtés et à échanger autour de la performance, ma formation de base dans le bâtiment ne m’intéressait plus forcément. C’est à ce moment que j’ai décidé de changer totalement d’orientation pour passer mon DEJEPS Cyclisme.

Corentin Thibaud, au centre, lors de la soirée de présentation des équipes CREF/Vendée U Pays de la Loire.

Peux-tu, dans un premier temps, nous présenter ce qu’est le CREF ? Quels sont ses directives et objectifs ?

Le CREF est donc le Centre Régional d’Entrainement et Formation Cycliste de la Roche Sur Yon. La section sportive est basée sur deux lycées, celui de Notre Dame du Roc et de Saint François d’Assise), tous les deux à La Roche sur Yon. Ici, on a deux objectifs principaux. Dans un premier temps, on souhaite concilier la pratique du cylisme dans une structure d’accès au haut niveau tout en proposant aux athlètes d’avoir un double projet et leur laissant suivre leurs études (lycée et études supérieures). Puis, dans un second temps, on veut vraiment former des jeunes sportifs pour qu’ils deviennent des athlètes/cyclistes accomplis.

Comment se compose le staff de ce type de structure ?

Dans l’ensemble du staff, on est principalement cinq. Il y a Richard Tremblay, qui est le créateur de la structure et le responsable financier puis Xavier Fournier, le manager. Ensuite, on retrouve Nicolas Arnaud, le mécanicien et enfin, les deux entraineurs, Andy Hurford et moi-même.

Côté athlète, comment peut-on rentrer au CREF ?

La démarche est assez simple en soit. Il leur suffit de se rendre sur notre site internet www.crefcyclismepdl.fr pour se procurer le dossier de candidature. Puis il faut qu’ils nous le renvoient, généralement avant début avril. Une fois qu’on a reçu tous les dossiers, on effectue une présélection en tenant compte des aspects scolaires et sportifs et enfin, une journée de sélection est réalisée au début du mois de mai avec des tests physiques et un entretien individuel.

Combien sont-ils au total sous votre tutelle ?

Sur la saison 2017-2018, ils sont 19 juniors et 15 espoirs, soit un total de 34 cyclistes.

Quel est le palmarès du CREF à ce jour (Cx, route, CLM, piste…) ?

En 2017, on a eu Léo Judas qui est devenu champion de France du CLM Junior et Samuel Thibaud, champion de France du scratch Junior, puis Bryan Monnier qui fait champion de France de vitesse Cadet.

Avant, en 2016 on avait également eu Emilien Jeannière, vice-champion d’Europe Junior mais aussi Quentin Fournier, Bryann Le Claire et Maxime Chevalier qui sont devenus champions de France de poursuite par équipe. Samuel Thibaud, encore champion de France du scratch, cette fois Cadet, et de l’Américaine. Enfin, Baptiste Bouvier avait été champion de France de la course aux points et de l’Américaine.

Quelle est l’évolution des coureurs après la formation au sein du CREF ? Peux-tu nous donner un ratio sur un futur professionnel, DN1, ou autre issue ?

Je dirais qu’environ 10% sont passés professionnels. A l’issue de leurs années juniors, 80 à 85% environ intègrent une DN (DN1 à DN3). Les autres donnent souvent priorité à leurs études tout en continuant, quand même, leur pratique du cyclisme.

As-tu l’exemple d’un ou plusieurs cyclistes professionnels qui est/sont passé(s) par le CREF ?

A ce jour, on a déjà 35 cyclistes qui sont passés professionnels. Le plus célèbre est Thomas Voeckler, mais on peut aussi citer François Pervis, Kenny Elissonde, Damien Gaudin, Sebastien Turgot, Sébastien Joly ou encore Kevin Reza. Plus récemment, il y a aussi eu Simon Sellier, qui est aussi Parrain de notre structure depuis 2017.

Quels sont ceux qui performent en ce moment tout en étant en formation ?

En ce moment, sans hésiter, Mathieu Burgaudeau, Kevin Perret et Emilien Jeannière chez les Espoirs. Puis, en Junior, nous avons Samuel Thibaud, Bryan Monnier, Damien Bodard et Antoine Devanne qui font parler d’eux.

 

Corentin Thibaud, à gauche, et ses athlètes lors de la victoire au championnat de France de poursuite par équipe, en 2016.

Cela fait quelques mois que tu es au CREF des Pays de la Loire. Est-ce ta première expérience en tant qu’entraineur dans le milieu du cyclisme ?

C’est ma première expérience en tant que salarié d’une structure. Mais avant de rentrer au CREF en septembre 2016, j’entrainais déjà des cyclistes, de niveau régional et national et j’encadrais les sélections et stages des sélections pistes en Pays de Loire, avec Eric Blanchard.

Quel est ton rôle exact au sein de cette entité régionale ?

Mon rôle est principalement le suivi sportif, j’ai en charge 9 Juniors sur les 19. Je m’occupe aussi de l’encadrement des sorties collectives de septembre à janvier, ainsi que des séances de cyclo-cross et en saison les sorties routières. J’assure aussi le suivi des évaluations physiques, le traitement des données physiologiques sur les séances spécifiques. Tout cela pour que chaque athlète puisse avoir un feedback des séances effectués, pour mesurer la progression et ajuster si besoin.

Tu as en charge le groupe des juniors, quels sont vos objectifs ?

L’objectif principal est la formation d’un athlète avant qu’il soit un cycliste. Après ça, la formation sportive consiste à apprendre à gérer une saison en fonction des différents cycles de travail et de récupération. C’est aussi leur apprendre les bases à maitriser pour espérer être coureur cycliste… à savoir la diététique, la préparation physique, courir en équipe, la mécanique et tous les autres facteur de la performance.

Qu’utilises-tu comme méthodes d’entrainement ? Qu’est-ce qui est mis en place pour atteindre un plus haut niveau ?

Nous sommes 3 entraineurs de la structure, nous avons chacun nos méthodes et c’est ce qui fait notre force. Personnellement, j’essaie plutôt d’adapter ma méthode aux coureurs plutôt que de leur imposer une manière particulière car chaque athlète a des préférences. Mon objectif est que la méthode colle à sa conception du cyclisme. Quand le cycliste est maitre de son projet, les performances sont au rendez-vous.

Globalement,  de septembre à janvier, nous sommes sur un bloc de préparation physique généralisé sauf pour certains qui visent des performances nationales en cyclo-cross (Damien Bodard et Tom Mainguenaud). Nous reprenons le vélo mi-décembre, le mercredi, tout en continuant la préparation physique. A ce moment, nous sommes principalement sur un développement aérobie. A la mi-février, nous rajoutons une séance de vélo, le mardi, plus spécifique. Puis, vient notre stage de fin février qui s’articule en deux blocs. Le premier bloc est typé aérobie sur route, puis le second bloc sur piste pour travailler les intensités. Chaque athlète bénéficie d’une préparation individuelle adaptée à ses objectifs et ses capacités.

Cette année, la nouveauté est l’arrivée d’un préparateur physique. Nous allons intégrer de la musculation tout au long de la saison pour certains, à raison de deux séances par semaine en période hivernale (chose que nous pratiquions déjà) pour arriver en cours de saison à une séance toutes les deux semaines, en fonction des périodes de travail. Cela permet aux jeunes de garder les bénéfices du travail effectué l’hiver. A côté du staff purement sportif, nous avons les services d’un kiné/ostheopathe qui est à disposition tous les lundi des jeunes ainsi que d’une diététicienne qui fait 3 cours collectifs sur les principes de bases. Les jeunes peuvent la voir quand ils veulent en fonction de leur demande et besoin. Une psychologue du sport est aussi à disposition des jeunes. Elle intervient 2 fois en collectif. Enfin, nous faisons 2 journées de bikefitting avec un podologue qui nous réalise des semelles pour chacun des jeunes et nous avons un medecin que les jeunes peuvent voir sur rendez-vous en fonction des pathologies. C’est très complet.

Penses-tu que le CREF pourrait mettre de nouvelles choses en place pour continuer à rendre les cyclistes les plus performants possibles ? Quels outils imagines-tu ?

Difficile à l’heure actuelle de faire beaucoup plus. Les jeunes sont à l’école dans des classes normales et les emplois du temps sont déjà bien remplis. Il est important de ne pas tout leur mettre à disposition, car après tout ce ne sont que des juniors. La progression dans la performance vient surtout des entraineurs et pour cela, nous nous formons régulièrement sur des thématiques qui nous intéressent. Durant l’année 2018, Xavier, notre manager, va réaliser un DU de Thérapeute du sport qui nous permettra de mieux communiquer avec notre staff médical.

A titre personnel, quel événement cycliste attends-tu le plus cette année ?

L’arrivée du Tour de France à La Roche sur Yon sera un très gros événement, tout en sachant que l’arrivée de l’étape est à 500 mètres de nos locaux ! Ce sera une très belle fête sportive.

– Soline Cazaubon