Edwige, on vous a vu au départ de la deuxième étape du Tour de l’Ain Cyclos, cela veut-il dire que vous allez participer jusqu’à la fin ?
Non, j’ai décidé de faire seulement les deuxième et troisième étapes. Je n’ai faitque de l’entraînement depuis un mois pour me préparer aux Championnats d’Europe de Nice mais ils viennent d’être annulés. Du coup on ne sait pas si la course va être maintenue ailleurs ou pas mais je continue quand même mon programme. Je suis allée faire un stage en altitude à Livigno histoire de changer un peu d’endroit et de découvrir autre chose. Les étrangers en parlent souvent en bien donc je voulais découvrir. Je reprends quelques compétitions avec les garçons pour reprendre du rythme. J’ai choisi la deuxième étape parce qu’elle est assez roulante et que je voulais juste rester dans les roues. La troisième est plus difficile et je voulais essayer de faire la course. C’était toujours dans l’optique des Championnats d’Europe. Ils étaient annoncés difficiles donc je voulais faire une course dure. Je vais quand même m’en tenir à mon plan même si pour l’instant je sais plus trop pourquoi je m’entraîne. Je vais faire quelques courses de fin de saison mais a priori sans but précis.

Avez-vous des informations sur d’autres villes qui pourraient accueillir les Championnats d’Europe ?
J’ai vu que la Bretagne et le Yorkshire s’étaient positionnés mais ce sont des rumeurs donc je ne sais pas du tout ce qu’il en est. Mais pour avoir vu le parcours à Nice j’ai du mal à croire qu’ils arriveront à faire un circuit avec des bosses longues aussi difficiles. C’était magnifique pour les purs grimpeurs et s’il y a un autre parcours j’ai peur qu’il ne soit pas aussi sélectif que ce que j’ai pu voir à Nice, à mon grand regret.

En tant que sportive de haut niveau vous êtes habituée à la dure, que pensez-vous de ces collectivités locales qui annulent ces grands événements comme Nice l’a fait ?
J’ai me belle-famille dans la région, je sais qu’il y a des polémiques sur les responsables, les différentes forces de l’ordre qui se rejettent un peu la responsabilité. Pour moi le cyclisme a été pris en otage dans un jeu politique où le maire de Nice est de droite et l’Etat est de gauche. Il joue là-dessus pour annuler le cyclisme mais par contre les matchs de football ou d’autres événements sportifs qui sont plus vendeurs ou plus médiatiques vont être maintenus. Je trouve ça déplorable.

On vous avait rencontré dernièrement à Morzine où vous déploriez votre non-sélection aux Jeux Olympiques. Vous vouliez réagir à ce sujet par rapport à l’interview qu’Audrey Cordon a donné pour Vélo 101 ?
Je ne veux pas polémiquer sur cette non-sélection, mais quand je vois qu’Audrey a essayé de justifier l’injustifiable et qu’elle m’a pris pour caution pour justifier ça, je ne veux pas laisser passer ça. Quand elle dit qu’elle a parlé avec moi, que je suis d’accord et que je l’ai compris, je dis non, non et non. On n’en a pas parlé. Je ne suis pas d’accord avec la sélection où on nous fait croire que la meilleure tactique, c’est un leader et une équipière. Pour moi, dans les grands championnats comme aux Jeux, on emmène les meilleures, en fonction du parcours bien sûr. Tout le monde était unanime pour dire que le parcours était taillé pour moi et mes qualités. On peut le voir avec les Pays-Bas et les Etats-Unis, elles avaient quatre filles, quatre leaders. La bonne solution est de prendre les meilleures et, le jour J, les moins fortes se mettent au service de la plus à l’aise. Cela augmente les possibilités tactiques, les adversaires ne savent pas qui est leader. Pour moi, la force de l’équipe n’en est que plus grande. La justification équipière-leader ne tient pas la route. En plus, je trouve ça très osé de faire la comparaison entre l’équipe de France féminine et celle des Sky, d’autant plus que les équipiers chez Sky sont des leaders en puissance. Quand Audrey dit que depuis quatre ans elle est la dernière à rester aux côtés de Pauline, je trouve qu’elle a un peu la mémoire courte. En 2012 et 2013, Pauline et moi on est les deux meilleures françaises aux Championnats du Monde. En 2013 sur le parcours difficile à Florence on est les deux seules à finir, et en 2014 et 2015 je ne suis pas sélectionnée donc je ne risque pas d’être la dernière au service de Pauline. Pour ne citer que ces résultats, en 2014, deux semaines avant Ponferrada, je suis 3ème sur le Tour de l’Ardèche, une semaine après je suis 2ème au Tour d’Emilie. En 2015, pour ne parler que de la forme du moment avec les compétitions avant et après Richmond, sur le Trophée d’Or je faisais 4ème du chrono, 3ème de l’étape des monts et 2ème du général. Et en septembre j’étais 1ère du classement national FFC. Les deux fois on ne m’a pas pris, alors que j’étais en forme et que j’avais le niveau pour être sélectionnée pour le Championnat du Monde. Se revendiquer la meilleure derrière Pauline sur les quatre dernières années, je trouve ça assez fort de café.

Audrey Cordon nous avait confié que pour Pauline Férrand-Prévot, il n’y avait qu’une seule médaille qui comptait, celle du VTT. A votre avis, était-ce tactique ?
Je pense que Pauline sait très bien qu’elle n’est pas au top niveau actuellement. Son entourage lui a peut-être dit de plus viser le VTT que la route parce qu’elle y avait plus de chances, je ne sais pas, mais elle a fait différentes déclarations en disant que la route allait lui servir d’entraînement pour le VTT. A mon avis c’était plus pour anticiper une absence de médaille sur la route. Après, on voit que depuis quatre mois Pauline n’a pas du tout couru sur la route. Ce qui est arrivé aux Jeux était prévisible. Mais si on regarde le niveau de qualification des meilleures françaises je pense qu’elle avait sa place. Elle est quand même dans les deux meilleures à passer les bosses même si actuellement elle n’est pas au niveau où elle a été il y a deux ans. Après, quand elle a dit que si elle n’était pas à 100 % elle laissait sa place, c’est ce qu’on m’a annoncé quand j’étais remplaçante. Pour me faire avaler la pilule on m’a dit toi tu es la remplaçante de Pauline. Je ne me suis pas fait une minute d’illusion là-dessus. Je savais très bien que même en n’étant pas à 100 %, quand tu as 23 ans et qu’on te sélectionne pour les Jeux, à Rio, avec les médias et les sponsors qu’il y a derrière, elle ne se désisterait pas. C’est humain. Mais comme je disais, elle est dans les deux meilleures Françaises sur un tel parcours même en étant diminuée. Je savais très bien que je n’allais pas aller aux Jeux.

Quel est votre réaction sur le contre-la-montre de mercredi et sur le podium ?
Je pense que, comme tout le monde, je suis contente que ce ne soit pas Zabelinskaïa qui gagne parce que c’est quelqu’un qui a été pris pour dopage. Je n’ai aucune pitié pour les gens qui ont triché, on dit toujours qu’il faut donner une deuxième chance mais finalement quand on voit ce qu’il se passe, bien souvent les deuxièmes chances se font rattraper plus tard. Un truc qui serait bien, c’est que lorsque tu as été suspendu, les Jeux soient terminés pour le reste de ta vie. Et j’irais plus loin en interdisant la participation à tous les championnats nationaux, internationaux, en plus des Jeux. Tu as triché, tu n’as plus le droit. On peut autoriser ces athlètes à participer à des courses parallèles après avoir purgé leur suspension pour que ce ne soit pas à vie. Mais sur les grands championnats la sanction devrait être beaucoup plus dissuasive. Donc j’étais contente que Kristin Armstrong gagne, d’autant plus que Zabelinskaïa, sur un parcours comme celui de Rio, je l’aurais mise entre la 5ème et la 10ème place en voyant le reste de la saison. Mais vraiment pas sur le podium, j’ai été très surprise.

Avez-vous quelque chose à rajouter ?
Oui, juste que depuis deux mois, partout où je vais, j’ai toujours droit à la même question : le parcours était fait pour toi, tu marches fort cette année, pourquoi n’as tu pas été sélectionnée à Rio ?